Si les entreprises françaises restent encore prudentes face à l'intelligence artificielle (IA) – selon une étude de l'éditeur de logiciels Sage, seule une sur deux a investi dans le secteur en 2024 –, cette technologie s'impose progressivement dans les pratiques de recrutement, aussi bien du côté des entreprises que des demandeurs d'emploi.
Pour Nasser, ChatGPT est devenu bien plus qu'un simple conseiller. « Salut ChatGPT, est-ce que tu te rappelles que je recherche un emploi ? Et qu'est-ce que tu peux me dire sur mon parcours ? », lui demande-t-il. À 24 ans, ce jeune diplômé sollicite son intelligence artificielle préférée pour chacune de ses candidatures.
« Comme je l'utilise depuis très longtemps, ce n'est pas recommandé, mais je laisse mes données. Il sait ce que je fais au quotidien, donc il peut me dire si un poste me correspond, explique le chercheur d'emploi. L'IA est devenue indispensable : elle rédige des lettres de motivation, je copie-colle mon CV et lui demande s'il faut modifier des choses par rapport à cette offre-là... Tout au long du processus, elle intervient, au moins pour corriger les fautes. C'est un gain de temps énorme », confie-t-il.
D'après une étude menée par France Travail pour l'Observatoire IA & Emploi, cofondé par Konexio et Diversidays, trois demandeurs d'emploi sur quatre ont déjà eu recours à l'intelligence artificielle.
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Une IA aussi incontournable pour les recruteursDans les bureaux parisiens de l'agence d'intérim Gojob, une vingtaine de salariés travaillent au recrutement – mais ce n'est pas eux qui filtrent les candidatures. Cette tâche est confiée à une intelligence artificielle nommée Aglaé. Eve Arakelian, directrice marketing de l'agence, explique : « Elle a deux fonctions principales. La première, c'est Aglaé Matcher, qui va nous permettre d'aller chercher dans notre base de données de candidats les candidats qui vont correspondre à priori le mieux à ce poste. »
CV, adéquation avec le poste, disponibilité, taux de réponse : l'IA effectue un premier tri avant de contacter les candidats sélectionnés par message. « L'IA engage ensuite une conversation avec eux pour valider certains prérequis et s'assurer qu'ils correspondent bien aux attentes du poste », poursuit Eve Arakelian. Ce n'est qu'en dernière étape que les candidats échangent avec un recruteur humain.
Un processus accéléré qui optimise le temps et la productivité : « Nous traitons en moyenne une demande d'un client en environ 24 minutes, alors que dans une agence traditionnelle, cela peut prendre plusieurs jours. Les gains de productivité sont majeurs, car nous avons besoin d'à peu près deux fois moins, voire trois fois moins de recruteurs pour accomplir le même travail de manière optimale. »
Un outil puissant, mais à haut risqueSi l'IA révolutionne le recrutement, elle pose aussi des défis. Le règlement européen sur l'intelligence artificielle classe son usage dans ce domaine parmi les secteurs à haut risque. Les algorithmes peuvent en effet reproduire certains biais discriminatoires liés au genre, à l'âge ou à l'origine. Dès août 2026, les entreprises utilisant l'IA pour le recrutement devront être plus transparentes sur leurs méthodes, sous peine de sanctions.
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