Reportage France
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Du lundi au vendredi, un reportage pour mieux connaître la société française et comprendre ses débats.

Mayotte: une rentrée pleine d’incertitudes
19 January 2025
Mayotte: une rentrée pleine d’incertitudes

Ce lundi 20 janvier, personnels et enseignants font leur retour dans leur établissement, plus d’un mois après le cyclone Chido et la tempête Dikeledi. Les écoles ont été durement impactées, 39 ne sont pas en état de rouvrir. Seulement cinq établissements pourront rouvrir, mais avec des jauges très limitées. Au vu de l’état des bâtiments et des fragilités psychologiques du corps enseignant, beaucoup de questions se posent.

De notre correspondante à Mayotte,

« Là, c'est notre accueil qui avait été inondé par Dikeledi. L'entreprise est en train de finir les travaux, ça sera opérationnel pour lundi ». Au collège de Dembéni, le principal adjoint Maxime Makou prépare la rentrée du personnel. Ici, deux salles de classes ont été détruites. Des dégâts moindres par rapport à d’autres établissements. Comme au lycée du Nord, à Acoua, où des toits ont été arrachés, des murs brisés et la clôture broyée. Véronique Hummel, professeure documentaliste dans l'établissement, se demande comment faire classe dans ces conditions : « Énormément de salles de classe ne sont pas utilisables. L'électricité n'est revenue qu'un mois après le cyclone et l'eau n'est revenue que mardi 14 janvier au matin ».

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Cette rentrée administrative vise d'abord à accueillir le personnel

« On s'aperçoit qu'il y a une disparité des vécus. Et il va falloir faire cohabiter toutes ces personnes qui ont chacun une lecture différente de la situation », explique Jacques Mikulovic, recteur de l'académie de Mayotte. Des professeurs étaient absents au moment du cyclone, d'autres l'ont vécu et sont plus ou moins impactés psychologiquement. Alors que beaucoup ont perdu leur logement, la question se pose si les professeurs vont revenir à Mayotte. L'académie a déjà beaucoup de mal à recruter. Une situation que redoute le rectorat : « Forcément, il y a une crainte parce que certains ont perdu leur logement et se posent la question de savoir comment ils vont faire. Nous, on souhaite qu'ils rentrent et puis qu'ils trouvent la solution et qu'on les accompagne pour trouver une solution aussi ». 

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Greg Batin est contractuel, il enseigne la physique-chimie dans un collège de Mamoudzou. S’il n’a plus d’appartement, il n'envisage pas non plus de partir. « Le fait d'être contractuel pour ma part, ça n'a pas tellement d'influence, contractuel comme titulaire. C'est plus un engagement qu'on prend vis-à-vis des élèves d'être prof. Donc, personnellement, je compte rester une fois qu'on a vécu ça ensemble. Ça a d'autant plus d'importance de rester, d'accompagner ». 

Tous expriment de l’inquiétude pour leurs élèves. « Ce sont des élèves qui sont dans une situation très précaire et, là, l'incertitude est présente, confie Anaëlle Bracieux, qui enseigne le français aux enfants allophones. Quant au fait qu'on n'est pas sûr qu'ils seront tous là à la rentrée, on verra, on attend de voir si ses effectifs seront complets. S'il y en a qui sont partis, s'il y en a qui se sont déplacés, s'il y en a qui ont été blessés ». 

Ils se sentent aussi démunis face aux jeunes. « Dans mon quartier, je croise les élèves, alors tous me demandent, et Madame, il faut s'inscrire sur Parcoursup ? Comment fais-je ? Parce qu'il y a des dates à respecter. Très honnêtement, moi, je ne peux pas leur répondre, regrette Véronique Hummel. Je ne sais pas quand ils pourront se connecter parce qu'eux-mêmes n'ont pas de connexion chez eux, encore moins au lycée ».

Et c'est à partir du lundi 27 janvier que les écoles vont rouvrir au 117 000 élèves de l’académie. 

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Les progrès dans l'accès à l'avortement en France, 50 ans après la loi Veil
16 January 2025
Les progrès dans l'accès à l'avortement en France, 50 ans après la loi Veil

Voilà 50 ans que Simone Veil a prononcé son célèbre discours face à l’Assemblée nationale, des mots qui ont marqué l’histoire : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ». Ce vendredi 17 janvier 2025, cela fait 50 ans, jour pour jour, depuis l’entrée en vigueur de la loi qui dépénalisait l’avortement.

De notre envoyée spéciale à Toulon, dans le Var,

Depuis 1975, nombreuses sont les avancées autour de l’accès à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. La dernière en date donne la possibilité aux sages-femmes de procéder aux IVG instrumentales dans les mêmes conditions que les médecins. 

Derrière les portes vitrées de l'hôpital Sainte Musse de Toulon — le Var est le département où l'on recense le plus d’IVG par habitante en métropole —, après un ascenseur et un dédale de couloirs, on peut rencontrer Julia, sage-femme habilitée à pratiquer les Interruptions volontaires de grossesse. 

« Tous les lundis, il y a une sage-femme qui fait des consultations d’IVG. Le lundi matin, on est au bloc pour faire les IVG chirurgicales et ensuite, l’après-midi, on a un créneau pour faire des consultations et mettre en place les IVG médicamenteuses ou programmer un créneau de chirurgie », détaille la sage-femme.

Les IVG chirurgicales, ce sont celles qui nécessitent une opération et qui permettent aux femmes d’avorter jusqu’au délai maximum légal de 14 semaines de grossesse. Les sages-femmes volontaires, comme Julia, peuvent le pratiquer depuis avril dernier. « Le but, c'était de pouvoir répondre à une demande croissante, de garantir un accès du droit à l’IVG et de pouvoir répondre à la demande des patientes, explique Julia. Très souvent, lors des appels, elles nous disent : "Je veux que ça soit vite et que ça se passe vite". » 

Alors, Julia et une de ses collègues se relaient chaque semaine. « Il y a un lien de confiance qui est tissé et nous permet de les mettre dans un vrai parcours de soins, qu’elles soient suivies », se réjouit la sage-femme.

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Une avancée pour les sages-femmes et les femmes

Une avancée pour les sages-femmes, mais surtout pour les femmes, explique le docteur Quentin Berl, gynécologue-obstétricien et responsable du réseau Ville-hôpital sur les IVG de Toulon : « C’était une demande depuis assez longtemps de certaines sages-femmes qui faisaient déjà les IVG médicamenteuses en ville. C’est un acte qui techniquement, avec une formation, peut être réalisé en toute sécurité. Et la possibilité pour ces sages-femmes de le faire, c’est vraiment une très bonne avancée pour faciliter l’accès. »

Parfois, avant de pousser les portes de l’hôpital, les futures patientes s’adressent au Planning familial varois. Dans des locaux, en pleine ébullition pour cette date anniversaire de la loi Veil, Valérie, conseillère au Planning familial de Toulon, explique avoir déjà observé les bénéfices de l’autorisation pour les sages-femmes de pratiquer l’IVG instrumentale : « Maintenant que les sages-femmes ont l’autorisation de le faire, ça nous permet aussi de libérer des créneaux pour la contraception, de permettre à d’autres femmes de venir. » 

Même si on peut toujours aller plus loin, selon elle : « Nous, au niveau de l’IVG instrumentale, on orienteÇa permet d’avoir un accès à l’IVG plus important, de pouvoir répondre à la demande. Après, la sage-femme, elle va poser un acte médical. Moi, je suis pour la formation du personnel médical à pouvoir écouter et entendre leurs ressentis et leurs émotions. Que ça ne soit pas qu’un geste médical. »    

En France, plus d’un avortement sur cinq est réalisé par voie chirurgicale. 

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France: découverte à Paris de la Maison des coursiers, un havre pour les livreurs à vélo
15 January 2025
France: découverte à Paris de la Maison des coursiers, un havre pour les livreurs à vélo

Le succès de L'histoire de Souleymane, film primé au festival de Cannes, a permis au grand public de plonger dans le quotidien des livreurs à vélo. Depuis 2021, la Maison des coursiers accueille les livreurs des plateformes de livraison (Deliveroo, Uber Eats...) quatre jours par semaine. Un lieu unique et gratuit qui appartient à la ville de Paris, où ces travailleurs précaires peuvent simplement se reposer entre deux courses. Des permanences juridiques et administratives sont aussi proposées.

C'est un lieu qui passe inaperçu, pourtant situé dans un quartier très populaire avec de nombreuses boutiques de beauté afro. À Paris, la Maison des coursiers se trouve dans une ancienne agence EDF réaménagée. « Il y a une grande salle ou les livreurs attendent. Il y a du café, du thé, de quoi se restaurer. Il y a un micro-ondes, des toilettes, des prises pour pouvoir charger ces téléphones ou ces batteries... », décrit Circé Lienart.

Depuis 2021, cette dernière coordonne cet espace : « On donne directement sur le boulevard Barbès, pour que cela soit simple pour les livreurs de venir et de potentiellement mettre aussi leur vélo en sécurité. » L'un d'eux confie : « On vient parfois prendre du temps ici, se mettre au chaud, surtout dans ces moments de fraîcheur, profiter pour prendre un petit café. » Ils y garent aussi leurs vélos pour les mettre en sécurité.

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Espace de pause, mais aussi de démarche

Dans la salle aux couleurs vives, tout est fait pour les aider dans leur démarche. Chacun a ses habitudes, s'installe, prend son repas, à l'image de ce livreur Ivoirien. Ladji termine son attiéké-poisson en attendant son rendez-vous : « Je viens ici pour plusieurs démarches. Je dirais même pour tout. Pour envoyer mes CV dans les entreprises, prendre rendez-vous aussi à la préfecture, la Caf, la Sécurité sociale... Je viens régler tout ici. »

Payés à la course pour un salaire de misère, bien inférieur au Smic, ces livreurs à vélo multiplient les heures de travail en prenant des risques. Circé Lienart, responsable de la Maison des coursiers, nous explique :

« On va les accompagner sur l'accès aux droits de santé parce que c'est très important, s'ils ont un accident, qu'ils puissent quand même se faire soigner. C'est un métier quand même assez accidentogène. Et il y a d'autres risques de santé, de problèmes de santé qui sont liés. »

Le premier livreur, qui apprécie le café de la Maison des coursiers, confirme : « Je suis venu voir l'infirmière. J'avais rendez-vous avec elle pour avoir des bilans sur ma santé concernant le travail, souvent des maladies musculaires ou des infections parfois, tout ça... C'est vraiment dur, mais on n'a pas le choix. »

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La régularisation par le travail est difficile dans ce métier

Ces livreurs sont souvent dans des situations précaires. Circé Lienart reprend : « Au début, on avait une grande majorité de personnes en situation irrégulière. La difficulté, c'est que les livreurs travaillent beaucoup, même plus que les travailleurs salariés en général. Mais ils n'ont pas accès à la régularisation par le travail, soit parce que le compte n'est pas à leur nom, soit parce qu'ils ont des factures et pas de fiches de paie. Et avec ça, les préfectures ne permettent pas la régularisation par le travail. C'est aussi pour ça qu'il y a une sur-représentation par rapport à d'autres métiers. »

Pas le temps de souffler pour Circé Lienart, qui enchaine. Elle aide un coursier qui a le statut de réfugié à remplir un dossier de demande de logement. Après Paris et Bordeaux, d'autres maisons de ce type sont en projet à Lille et à Grenoble.

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Guyane: les bustes d'Amérindiens exhibés à Paris bientôt de retour sur leurs terres
14 January 2025
Guyane: les bustes d'Amérindiens exhibés à Paris bientôt de retour sur leurs terres

Nouvelle avancée dans le travail de recherche mené depuis plusieurs années par l'association Moliko Alet-Po, composée de descendants d'Amérindiens de Guyane et du Suriname qui avaient été exhibés, il y a 132 ans, au Jardin d'acclimatation de Paris. L'association a permis d'identifier un groupe de 33 personnes arrivées en plein hiver 1892 dans le cadre des expositions humaines en cours à l'époque. Les mauvaises conditions de vie et le froid ont eu raison de leur santé. Plusieurs d'entre eux moururent avant leur retour en Guyane. Leurs descendants réclament le rapatriement des restes de leurs aïeuls. En attendant la mise en place d'une loi d'exception qui permette ce retour, l'association continue son travail de recherche d'informations pour identifier les derniers autochtones du groupe.

Malé, 17 ans, et Kuani, 27 ans, sont les deux Arawaks du groupe d'Amérindiens anciennement exhibés au Jardin d'acclimatation de Paris qui manquaient à l'identification, sur les huit membres du groupe décédés avant leur retour en Guyane. Face à leurs deux bustes moulés et exposés dans les sous-sols du musée de l'Homme, Corinne Toka-Devilliers, présidente de l'association Moliko Alet-Po, est prise par l'émotion :

« Ils sont là, ils dorment presque, ils sont sereins. L'émotion est grande, vraiment. Au bout de 132 ans, les voir... Et puis, les voir tous réunis à travers la photo – puisqu'une photo, c'est aussi une âme –, c'est une belle étape de notre histoire. »

Une belle étape qui marque une progression vers la restitution des restes des Amérindiens pour un retour en Guyane : « C'était l'étape suivante. On savait leur existence dans ces moulages. Et pour moi, après les restes humains, il fallait les deux moulages, parce qu'ils font partie du groupe. Et il était aussi important pour l'association de les voir. C'est une réalité, et aujourd'hui, on peut dire que, pour le retour, officiellement, nous demandons les six restes humains et nos deux bustes de Kuani et Malé. »

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Un retour prochain pour les Amérindiens exhibés

Kuani et Malé, deux frères, sont décédés quelques jours après leur arrivée au zoo humain. Le moulage en plâtre de leur buste a été fait après leur mort, explique Martin Friess, directeur scientifique au musée de l'Homme :

« Le principe du moulage, que ce soit sur le vivant ou sur le mort, consiste à faire un négatif, un plâtre. Et puis, on fait un positif à partir donc de ce moule qu'on peint, et ensuite, on modélise un peu certaines parties comme les yeux. Les yeux ont été colorés aussi. »

Pour Jean-Victor Castor, député de Guyane présent à la consultation des bustes, ce moment est important dans la démarche de restitution engagée par l'association : « Il faut tenir compte de l'avancée du travail qui a été fait par l'association Moliko qui porte cette demande de restitution. On ne peut pas attendre non plus que le véhicule législatif soit très long. »

Le gouvernement a reçu la semaine dernière le rapport qu'il attendait sur ce dossier. Les descendants des Amérindiens exhibés espèrent qu'une solution juridique sera rapidement trouvée pour permettre le retour de leurs ancêtres sur leur terre natale.

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Mayotte: un mois après le cyclone Chido, des conditions de vie toujours très précaires
14 January 2025
Mayotte: un mois après le cyclone Chido, des conditions de vie toujours très précaires

Il y a un mois, le cyclone Chido dévastait Mayotte et faisait au moins 39 morts et plus de 5 000 blessés, selon le dernier bilan. D'abord coupé du monde, l'archipel panse maintenant ses plaies. Le gouvernement assure que 70% des foyers ont retrouvé l'électricité, mais dans les faits, les conditions de vie restent très difficiles. Entre débrouille et frustration, Raphaël Delvolvé a recueilli quelques impressions de Mahorais rencontrés sur place.

Depuis Chido, deux sons raisonnent plus que les autres à Mayotte : celui de la taule et celui des tronçonneuses. Les opérations de déblayage continuent dans l'archipel, où aucun endroit ne semble épargné. « Cette fois-ci, ça a vraiment frappé l'île en plein fouet. Vous voyez les dégâts », relève Aramadi Salim, un chauffeur. Il conduit des camions le matin et l'après-midi un taxi à Mamoudzou, la préfecture.

Dans ces décors de végétation détruite et de routes jonchées de débris et de déchet, Aramadi Salim voit une très légère amélioration : « Ça commence à changer. On a fait une semaine dans le noir et sans eau. On se débrouillait par-ci et par là pour trouver de l'eau. Depuis que l'électricité est revenue, ça va. » Il a repris son travail avec beaucoup de contraintes : « Rien que pour avoir le carburant, il faut faire la queue comme pas possible. »

Ce semblant de retour à la normale n'existe qu'à Mamoudzou. Au nord de l'archipel, touché par l'œil du cyclone, les choses sont bien plus compliquées. « Le bateau, c'est mon outil de travail. Si je n'ai pas de bateau, je ne peux pas travailler », confie un pêcheur, devant une baie ou la plupart des bateaux sont retournés. Cet homme venu de la ville d'Hamjago se sent abandonné : « On est un petit peu exclu de la zone Mamoudzou, même au niveau des informations. » 

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L'immigration clandestine pèse dans la reconstruction

L'information est sans doute ce qu'il y a de plus précieux après l'eau et la nourriture à Mayotte. Les contacts avec les autorités et les assurances demeurent par endroit impossible. Et les doutes se renforcent. « Pourquoi ils cachent la vérité ? La moitié de la population d'Hamjago n'a pas l'électricité », s'agace Faoulati, mère de famille. Dans sa tenue traditionnelle, elle laisse exploser sa colère : « C'est inhumain. Les aides qui sont arrivées, on ne les voit pas ici, au nord. Tout est concentré sur les bidonvilles qui regroupent des personnes rentrées illégalement sur le territoire. Et nous, on compte pour rien. »

Les bidonvilles, appelés ici bangas, sont le symbole d'un autre problème de Mayotte : l'immigration clandestine venue en grande partie des Comores. Le sentiment de surpeuplement des quelques 374 km² du territoire et de saturation des services publics s'est renforcé après le cyclone dans les zones les plus reculées.

Mari Atibou, qui habite le sud de Mayotte, lâche : « C'est un grand problème qu'il y a Mayotte en ce moment. Quand on regarde, tous les bangas sont déjà montés. C'est le moment de régler tout ça. » Lors de sa venue il y a deux semaines, le Premier ministre François Bayrou a promis outre de s'attaquer à la question migratoire, mais aussi de reconstruire Mayotte en deux ans.

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Comment la forêt de La Colle Noire s'est régénérée, après un incendie dévastateur
12 January 2025
Comment la forêt de La Colle Noire s'est régénérée, après un incendie dévastateur

En 2005, un feu d'origine humaine dévastait la quasi-totalité du massif de La Colle Noire, près de Toulon, dans le sud de la France. Cette forêt méditerranéenne littorale avec des arbres cinquantenaires voire centenaires a été calcinée en quelques heures. Comment les gardes du Conservatoire du littoral ont-ils travaillé pour réhabiliter cette forêt après le passage des flammes ? Un garde du massif, en compagnie de rangers des quatre coins du monde, sont venus échanger sur les défis liés au changement climatique dans les espaces forestiers.

Près de 20 ans après l'incendie, la forêt de la Colle Noire ressemble plutôt à un maquis. Quelques pins ont atteint plusieurs mètres, mais il y a surtout des arbustes. « En Méditerranée, on a les aromatiques. Là, regardez, vous avez le romarin, que vous connaissez bien dans la cuisine, indique Franck Bertrand, garde du littoral sur le massif protégé. Là derrière, on a la lavande sauvage, qui sent aussi très bon. »

Sur le sentier qui serpente au-dessus de la mer Méditerranée, le natif du coin mène un groupe de rangers internationaux. « Il faut se dire qu'il y a 19 ans, il n'y avait plus rien ici. Il n'y avait plus une mouche qui volait, plus une herbe. Il n'y avait que des troncs calcinés », se souvient-il.

Pour réhabiliter la forêt après le feu, les gardes du massif de la Colle Noire n'ont fait qu'une seule chose : ils ont fabriqué des fascines. « Le plus gros danger après un feu ici, c'est la perte de la matière, de la terre. On a donc réalisé des fascines. Il s'agit de couper des arbres morts et calcinés et de les mettre en travers des pentes pour retenir l'eau lors des fortes pluies. Cela va garder en place la terre, ce qui va favoriser la régénération des graines et de la forêt », développe le garde français.

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Les avantages de la régénération naturelle

Et puis, les équipes du Conservatoire du littoral ont laissé faire la nature. Contrairement à ce que pensent beaucoup de citoyens et d'élus locaux, laisser la végétation se régénérer toute seule est plus efficace que de replanter. « Le chêne liège par exemple est un champion de l'adaptation. Son écorce brûle en premier et une fois le feu passé, les bourgeons qui sont en dormance à l'intérieur, redémarrent », explique Franck Bertrand.

Les arbres qui repoussent naturellement sont plus résistants, notamment à la sécheresse : « ces arbres, qui ont connu d'années en années le manque d'eau, savent se défendre, ils s'adaptent vraiment au milieu... alors qu'un arbre qui a grandi en pépinière et qui a subi un arrosage quotidien, une fois qu'il est dans le milieu naturel, il a très peu de chances de survivre voire aucune. »

Le feu fait partie du fonctionnement naturel de nombreuses forêts dans le monde. Mais à cause du changement climatique, de l'urbanisation et des imprudences humaines, la fréquence de ces incendies est bousculée.

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Incendies préventifs et protection de la biodiversité

Face au garde français, Benson Kanyembo, ranger du parc national de South Luangwa en Zambie, acquiesce. Son problème à lui, ce sont les braconniers : « nous planifions des incendies préventifs pour éviter les grands feux de fin de saison dans le parc. Mais parfois les braconniers mettent le feu avant nous. Ils font ça pour dissimuler leurs activités illégales. » 

Pour Lisa Jennings, garde forestière dans les montagnes Blue Ridge de l'Est des États-Unis, c'est l'inverse. Pour protéger les gens qui ont installé leurs maisons dans les bois, elle ne peut plus laisser sa forêt brûler comme il le faudrait : « nous avons beaucoup d'espèces qui dépendent du feu pour pousser. Les pommes de pin, par exemple, ne libèrent leurs graines que lorsque certaines hautes températures sont atteintes grâce au feu. Nous avons aussi une couche dense d'arbustes au pied des arbres. Et sans feu, elle empêche les herbes et les fleurs sauvages de pousser. »

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Les boissons sans alcool se diversifient et se sophistiquent
09 January 2025
Les boissons sans alcool se diversifient et se sophistiquent

Chaque mois de janvier, c'est le retour du Dry January : il s'agit de s'offrir une pause dans sa consommation d'alcool pendant une trentaine de jours. Au fil des ans, le défi se révèle moins difficile à tenir, car les boissons sans alcool tendent à devenir une catégorie à part entière, avec des substituts au vin, à la bière et aux spiritueux qui se distinguent des boissons sans alcool traditionnelles, que sont les jus de fruits, nectars, sirops et autres sodas.

Vins ou spiritueux désalcoolisés, infusions ou macérations de plantes médicinales, boissons fermentées, désormais, les alternatives aux boissons alcoolisées sont très variées. Les consommateurs recherchent des boissons plus saines et naturelles, sans exclure la notion de plaisir, et cette demande est donc soutenue par une offre grandissante.

Le Paon qui boit, une cave située 61, rue de Meaux, dans le 19ᵉ arrondissement de Paris, est la première cave entièrement sans alcool de France avec pas moins de 600 références. Pour l'anecdote, le paon a une relation particulière à la boisson, car chaque année, son plumage, conséquent, tombe. Alors, pour qu'il repousse, il lui faut s'abreuver sans cesse, et d'un breuvage de qualité.

En ce Dry January, la cave parisienne propose des dégustations de ses produits. Thomas, un client, tient son verre par le pied et fait tournoyer le vin, le hume puis le boit.« On retrouve des sensations assez confuses parce qu'en fait, il y a de l'astringence et en même temps, vachement de légèreté, analyse-t-il. Donc, on ne sait pas très bien sur quoi on jongle... Toujours pas prêt, mais en tout cas, je pense qu'on est clairement sur la bonne voie. » 

Ce vin rouge Merlot, proposé à la dégustation par Andréa Douillard, a une particularité : « Ce sont des vins qui sont désalcoolisés, explique-t-elle. Nous, chez Moderato, nous utilisons la méthode de distillation sous vide, c'est-à-dire qu'en fait, on va faire chauffer les vins à basse température dans des cuves en inox sous vide entre 30 et 35 degrés, ce qui va permettre de créer une évaporation de l'alcool et finir sur des produits sans alcool. »

 

Cette fois, c'est un pétillant blanc sans alcool qui est versé dans les verres. « C'est bien, surprenant, il est bien sec, c'est très intéressant, détaille Philippe, amateur de champagne. Moi, j'ai arrêté de boire il y a quatre ans. J'adore toujours, quand il y a un dîner festif, goûter chaque vin et là, de trouver quelque chose de complètement différent, original, ce n'est pas palliatif, c'est différent, avec un autre objectif. »

« Des nouvelles boissons qui ne vont plus chercher à copier l'alcool »

À la tête de la cave Le Paon qui boit, il y a un homme, passionné et raffiné. Augustin Laborde explique ce qui fait l'originalité de l'offre : « Vous avez d'un côté toutes les copies d'alcool sans alcool - donc évidemment les bières, les apéritifs, les vins, etc - qui cherchent à reproduire le plus possible l'alcool sans l'alcool, liste-t-il. Et puis surtout, à côté, c'est ce marché-là, cette demande-là que nous, on soutient beaucoup et qu'on trouve très intéressante : des nouvelles boissons qui ne vont plus chercher à copier l'alcool. On va sortir un peu de notre référentiel alcoolisé et ça va éviter de toujours comparer et donc potentiellement d'être déçu. Et ces boissons-là n'ont rien à envier à des boissons vraiment très complexes et sont servies maintenant dans des étoilés, dans de très belles tables. »

Et elle est là la bonne idée, ne pas copier, mais proposer autre chose, une alternative à l'alcool. D'ailleurs, les abstinents ne sont pas les premiers clients. « Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la très très grande majorité de notre clientèle, à peu près les deux tiers, sont des personnes qui continuent à boire de l'alcool, mais qui vont chercher des alternatives de temps en temps, indique Augustin Laborde, ce sont ceux que nous, on va appeler en mauvais français des flexi drinkers. Donc, voilà, des personnes qui continuent à boire de l'alcool, mais qui vont chercher des alternatives et qui, lorsqu'elles cherchent des alternatives justement, ne veulent pas être à l'eau, à l'eau plate ou autre, donc veulent quelque chose de complexe, pour adultes, raffiné, etc. »

En ce jour de dégustation, Le Paon qui boit ne désemplit pas. Si les consommateurs recherchent le plaisir de boire dans la sobriété, ils revendiquent aussi les bienfaits des boissons sans alcool sur la santé.

À écouter dans Priorité santéDéfi de janvier : un mois sans alcool

En Seine-Saint-Denis, les villes de Saint-Denis et de Pierrefitte-sur-Seine ont fusionné
08 January 2025
En Seine-Saint-Denis, les villes de Saint-Denis et de Pierrefitte-sur-Seine ont fusionné

Comme des dizaines d'autres communes en 2024, Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine, deux villes du département de la Seine-Saint-Denis, dans le nord de Paris, s'unissent. Ce mariage est atypique, car en général, la fusion concerne beaucoup plus des petites villes. Depuis le 1ᵉʳ janvier, c'est la naissance de la commune nouvelle de Saint-Denis avec à sa tête le maire socialiste Mathieu Hanotin et Michel Fourcade comme premier adjoint. Avec un peu moins de 150 000 habitants, c'est la deuxième ville d'Île-de-France après Paris. 

Pour les habitants des deux villes françaises, il est encore trop tôt pour avoir un avis sur cette fusion entre Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine. Cette idée de s'unir, elle a germé il y a deux ans dans la tête du maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade. Baisse des impôts fonciers, cantine scolaire gratuite, la nouvelle collectivité recevra une dotation réservée aux communes fusionnées, soit plus de 6 millions d'euros.

« Pierrefitte est le premier bénéficiaire dans l'immédiateté », selon Michel Fourcade, et il ajoute : « C'est l'ensemble de la commune nouvelle qui sera gagnante dans les mois et les années à venir puisque l'objectif, effectivement, en étant 150 000 habitants, c'est de peser plus au niveau de la région, au niveau du département, au niveau de la métropole et face à l'État pour pouvoir développer des activités. »

Pour Slimane Tirera, figure du monde politique et associatif, cette fusion, c'est du gagnant/gagnant. « Être la deuxième plus grande ville d'Île-de-France après Paris, c'est incroyable. Et c'est en Seine-Saint-Denis que ça se passe et je trouve que c'est à la fois politique et symbolique. » 

Une fusion qui est aussi stratégique : « Avoir plus de subventions, plus de moyens pour les entrepreneurs, plus de culture, plus de sport, plus de sécurité. Et là, se dire que les habitants de Saint-Denis et de Pierrefitte pourront avoir les mêmes moyens que des villes de plus de 150 000 habitants, s'enthousiasme Slimane Tirera. C'est quelque chose d'important pour les habitants de changer de regard sur ce territoire, et d'avoir une belle reconnaissance pour ces habitants qui ont été longtemps stigmatisés dans les médias, dans les réseaux sociaux et par des hommes et des femmes politiques. »

Une fusion qui ne fait pas l'unanimité

Pour les opposants, ce projet est avant tout une manœuvre politique. « En fait, aucune des mesures annoncées ne dépend que de la fusion. Tout était réalisable sans fusion », affirme Romain Potel du collectif Stop fusion. « Le seul intérêt était politicien, soutient-il. Vous avez un maire, celui de Pierrefitte, qui de toute façon est arrivé au terme de son troisième mandat, qui était le mandat de trop et qui n'avait pas de successeur sérieux au sein de sa majorité. D'autre part, vous avez à Saint-Denis [Mathieu] Hanotin qui est en difficulté pour sa réélection. Donc, c'est uniquement un calcul politicien. Il faut être très clair, il n'y a aucun intérêt pour les deux villes. »

Pour l'instant, les Dyonisiens et les Pierrefittois ne changent pas d'adresse ou de nom et ce sont eux qui auront le dernier mot lors des prochaines élections municipales en mars 2026.

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Dans un café parisien, l'artiste syrienne Nadia Albukai interroge l'exil et le retour
07 January 2025
Dans un café parisien, l'artiste syrienne Nadia Albukai interroge l'exil et le retour

Un mois après la chute de Bachar el-Assad, la communauté syrienne en France fait face à la question du retour. Cette interrogation est au cœur de l'exposition Ici au loin au 011 Café à Paris. L'artiste, Nadia Albukai, 22 ans, s'inspire de vues aériennes de la Syrie pour conserver un lien avec son pays natal. 

Dans un tout petit local, aux murs blancs et avec une étagère qui porte quelques livres en arabe, le café solidaire 011, comme l'année du début des printemps arabes, expose des artistes venus du Moyen-Orient. Jusqu'au 19 janvier, la Syrienne Nadia Albukai, réfugiée en France, y expose ses œuvres.

Nadia Albukai grave sur du cuivre les paysages de son enfance vus du ciel. « La gravure, ça permet de créer plusieurs degrés de gris que je fais soit à la main en creusant fort, soit avec le perchlorure de fer, explique l'artiste. Ça me permet de faire des textures différentes, de faire du relief. »

Intellectualiser son exil

Cette étudiante en arts plastique à l’université parisienne de la Sorbonne a quitté la Syrie à l’âge de 13 ans, en 2015. L’art lui permet de garder un lien avec son pays d’origine. « Je me spécialise sur la province de Damas, dans la Ghouta occidentale, il y a eu beaucoup de bombardements et ça a été assiégé pendant très très longtemps, rappelle-t-elle. C'est un territoire inaccessible et je ne pouvais voyager là-bas que par les vues aériennes qui étaient disponibles sur Google Earth. Étant sortie très jeune de Syrie — la révolution a commencé quand j'avais neuf ans — je n'ai pas eu le temps de beaucoup voyager en Syrie. Je ne connaissais pas beaucoup mon pays. »

Par son art, Nadia Albukai explore son exil : « Je pense que ça a créé un lien assez fort parce que j'ai appris à connaître le territoire un peu mieux que ce que j'avais dans mes souvenirs d'enfant. Tout est parti de mon expérience, de mon vécu en exil et le fait que je ne pouvais pas aller en Syrie à cause de raisons politiques. Mais voilà, ça m'a permis d'intellectualiser mon exil. »

De par son statut de réfugiée, l'impossibilité de retourner en Syrie  

Aujourd'hui, un mois après la chute du régime de Bachar el-Assad, ses perspectives ont changé. « Moi, je pensais ne plus jamais pouvoir revenir en Syrie, confie-t-elle. C'est un très grand changement, vraiment historique. C'est encore très récent. Les gens ont vraiment besoin de guérir de toutes ces années d'oppression. »

Et si elle espère bientôt retourner en Syrie, elle explique que sa vie est désormais en France. « J'ai de plus en plus envie d'y retourner pour visiter, mais j'ai toute ma vie en France quand même, je ne pourrais pas m'installer en Syrie maintenant. Mais je ne peux toujours pas [aller en Syrie] parce que j'ai le statut de réfugiée et il n'y a pas encore eu de mesures prises par rapport à ça, regrette l'artiste. Beaucoup de Syriens ont peur de revenir en Syrie et de ne plus pouvoir retourner en France à cause de leur titre de séjour. »

Pour avoir l’esprit plus tranquille, Nadia Albukai espère obtenir la nationalité française. 

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