Il y a tout juste un an, le 13 mai 2024, de violentes émeutes éclataient en Nouvelle-Calédonie. Liée à une réforme électorale contestée, l’insurrection a duré plusieurs mois, faisant au total 14 morts et causant au moins deux milliards d’euros de dégâts. Dans la capitale, Nouméa, certains quartiers, notamment les plus populaires, peinent à se relever. Mais un an après les émeutes, des initiatives émergent pour leur redonner vie et retisser du lien social.
De notre correspondante à Nouméa,
Un peu de musique qui s’échappe d’un restaurant ouvert, où des mères de famille animent un petit marché. Rien de plus banal, et pourtant, la scène est exceptionnelle à Kaméré. Dans ce quartier très populaire de Nouméa, le seul supermarché a été incendié en mai 2024, tout comme la pharmacie, une partie du collège et la médiathèque. Alors, l’ouverture il y a six semaines du restaurant de Yasmine Goulamhoussen a surpris les habitants. « Qu'il y ait un petit peu de musique d'animation au restaurant, ça fait du bien à tout le monde. J'ai l'impression que c'est un peu comme s'ils s'étaient sentis abandonnés. Ils se posent même la question : comment ça se fait que quelqu'un ait osé venir alors que tout le monde nous a dit que personne ne viendrait ? »
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Des tensions persistantes, mais un appel à l'unité pour l'avenir de la CalédonieLes tensions de 2024 ont laissé des traces et, surtout, creusé un immense fossé entre les quartiers populaires, fers de lance de la mobilisation indépendantiste et les autres. Ariane le constate avec regret, les Calédoniens ont du mal à se retrouver. « Les gens ne veulent plus aller chez les uns ou les autres. "Viens, on se retrouve à tel endroit. Non, je ne viens pas parce que si je pars trop tard, il pourrait y avoir quelque chose". Tout ce que j'attends des Calédoniens, c'est du discernement, de faire la part des choses. Ce qui a été, a été ; ce qui sera, c'est à bâtir. Donc, il faut vraiment qu'on se tourne vers le futur ».
Le lien rompu, c’est aussi avec les jeunes du quartier. Pendant des mois, ils se sont mobilisés sur les barrages. Certains restent encore aujourd'hui dans la rue, entre colère toujours présente et difficulté à retrouver une vie normale, pointe Élise. « C'est difficile encore pour les jeunes. Moi, j'ai invité plein de jeunes à venir. Mais il n'y a pas, il n'y a que les deux de ce matin qui sont venus. Et ouais, il n'y a pas encore. Ils m'ont promis que cet après-midi, ils viendraient, mais ils ont peur du regard des autres. Beaucoup ont peur du regard des autres et qu'il y ait des gens d’ailleurs ici. Ils sont beaucoup gênés ».
Virginie, une des doyennes du quartier, veut croire à un retour à la normale, qui, selon elle, a déjà commencé. « Moi, je trouve qu’il a beaucoup changé, maintenant ça va. Ce n'est plus comme avant. Avant, ils faisaient tous des bêtises. Mais là, c’est calme le quartier. Moi, je dis qu’il ne faut pas avoir peur, il faut venir discuter avec les jeunes ». Une confiance exprimée par de nombreux Calédoniens malgré l’échec des négociations sur un avenir politique qui risque de faire replonger l’archipel dans l’incertitude.
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