Lyon: action judiciaire de masse contre les PFAS dans la «vallée de la chimie»
12 May 2025

Lyon: action judiciaire de masse contre les PFAS dans la «vallée de la chimie»

Reportage France

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C’est le scandale sanitaire de ce début du XXIe siècle : les PFAS. Ces polluants éternels sont des substances chimiques très persistantes. On en trouve dans nos objets du quotidien : produits de beauté, pesticides, emballages alimentaires, revêtements antiadhésifs... Mais ils sont aussi apparentés à des perturbateurs endocriniens, et leurs effets sur la santé humaine, avérés ou potentiels, sont multiples. En France, une loi a été votée en février dernier sur le sujet. Objectif : interdire les cosmétiques, vêtements ou encore les chaussures qui en contiennent à partir de 2026. Une législation bien loin de satisfaire les habitants de la « vallée de la chimie », près de Lyon. Dans la région, alors que près de 220 000 personnes sont concernées par cette pollution, la lutte contre les PFAS s’organise : une action judiciaire de masse a été lancée par plusieurs ONG pour aider les habitants de la région.

« Là, c'est le centre d'essai et derrière, c'est Daikin avec ses ateliers ». Thierry Mounib habite Pierre-Bénite, dans le sud de Lyon. Face à lui : les usines Daikin et Arkema. « Si on se retourne, on a les stades de foot. Là, c'est l'école maternelle. On a fait des prélèvements sur l'école maternelle, c'est une catastrophe»

Avec son association Bien vivre à Pierre-Bénite, Thierry Mounib alerte sur la pollution de son environnement, et sur des problèmes de santé dans son entourage, qu’il soupçonne être liés aux PFAS. 

« Ma femme a été opérée d'un d'un cancer du sein et elle a Parkinson. Autour de moi, dans toutes les maisons, il y a des cancers. Aux États-Unis, qu'est-ce qui s'est passé quand c'était prouvé ? Les entreprises 3M et DuPont ont été obligées de verser des milliards pour le suivi de la population. Arkema et Daikin, ils refusent. Ils ne vont pas verser les milliards pour la population de Pierre-Bénite. »

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« Un sérieux doute sur la qualité désormais des légumes »

Tous ces espoirs reposent désormais sur une action judiciaire de masse. Objectif : que 500 victimes potentielles des PFAS dans la région lyonnaise demandent en même temps des réparations financières aux entreprises Arkema et Daikin pour de multiples préjudices subis concernant la santé, le moral ou une perte de valeur immobilière par exemple. Alain a déposé son dossier après avoir fait une prise de sang. Il s'est aperçu être contaminé en regardant les microgrammes de PFAS présents par litre de sang.

« Moi, je suis à 22,6. Quand vous regardez la grille donnée par le laboratoire, au-dessus de 20, il y aura des problèmes sur la santé. Ceux qui ne sont pas le plus proche de l'usine, comme nous, par exemple, à un kilomètre et demi, ils ont l'impression quand même d'avoir échappé au problème. On a quand même un sérieux doute sur la qualité désormais des légumes qui nous sont fournis ou des œufs. »

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Une action judiciaire unique en France

Cette action au civil sur les PFAS est une première en France. Louise Tschanz est avocate spécialiste du droit de l'environnement au cabinet Kaizen, celui qui s'occupe des potentielles victimes de contamination aux PFAS.

« L'idée, c'est qu'on crée de la jurisprudence qui ait vraiment beaucoup d'impact et que ça amène les entreprises à ne pas faire des décisions comme celles qui étaient prises par Arkema. C'est-à-dire de savoir qu'il y a une pollution très grave qui est en train de se passer et de continuer à faire des profits. L'idée, c'est que ça leur coûte tellement cher que la prochaine fois, lors de leur décision business et dans leur comité de pilotage, ils se disent, "Ok, ce n'est pas possible de réagir comme ça". Il faut préserver l'environnement et la santé, sinon la population va faire des actions en justice qui vont nous coûter très cher. »

Selon l'avocate, cette action judiciaire de masse est unique par son ampleur et pourrait être la plus importante d’Europe.

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