Les discriminations raciales dans le parcours de soins en France
05 May 2025

Les discriminations raciales dans le parcours de soins en France

Reportage France

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Les discriminations envers les personnes racisées dans le domaine médical existent en France. Délais d’attente plus longs, sous-estimation de la douleur chez certains patients, stéréotypes culturels plaqués sur les symptômes. Pas facile lorsqu'on est racisé d’être toujours entendu. Plusieurs affaires, dont certaines très médiatisées, ont mis au grand jour ces différences de traitement. Dans un univers médical qui prône l’égalité d’accès aux soins entre tous les patients, la question des discriminations reste un sujet très sensible.

« Quand j'étais en salle d'accouchement, la sage-femme est venue me trouver et elle m'a dit : "Madame, surtout ne vous inquiétez pas si vous entendez hurler dans les salles d'à côté parce que, ce sont des personnes d'origines étrangères et que dans leur culture, en fait, elles ont besoin de s'exprimer. Mais ce n'est pas qu'elles ont mal". » Sonia Bisch, à la tête de Stop Vog, milite contre les violences obstétricales et gynécologiques. L'exemple qu'elle nous donne n'est pas un cas isolé des discriminations.

Élodie, originaire de l'île Maurice, en a subi dès son plus jeune âge : « J'ai déjà eu des remarques comme ça de médecin quand j'étais enfant, on ne s’adressait même pas à moi pour me demander où est-ce que j'avais mal. Parce qu'ils considéraient que je ne parlais pas français, parce que j'étais foncée. » Élodie laisse échapper un rire nerveux. Elle garde un souvenir douloureux de ses trois grossesses. Elle n'a oublié aucun détail : « "Oh, mais vous n’êtes pas arrivée à terme", me dit la sage ferme alors que j'ai vraiment mal. Mon ventre se contracte et ce n’est pas normal. On me dit revenir le lendemain matin, puis le surlendemain, alors que je n'arrivais plus à marcher. Ce n'est qu'au bout de la troisième fois que l'on prend en considération ma demande… J'avais des contractions à tout va, en fait, et mon travail avait déjà commencé depuis au moins un jour. » Ce calvaire, Élodie va encore le vivre pour ses deux autres grossesses

Les professionnels racisés ne sont pas épargnés

Ces a-priori racistes, le professeur Xavier Bobia, cheffe des urgences du CHU de Montpellier, les connaît bien. Avec son équipe, il a réalisé une étude sur les différences de prise en charge liées au sexe et à l'origine ethnique des patients, en s'appuyant sur l'intelligence artificielle. Les images des patients étaient construites à partir d'un logiciel : « Les soignants qui ont des images d'hommes évaluent la gravité du cas clinique plus grave que ceux qui ont des images de femmes. Et les soignants qui ont des images de personnes d'apparence noire évaluent la gravité moins importante que les autres apparences blanches, asiatiques et maghrébins. »

Les professionnels de santé racisés ne sont pas épargnés par ces préjugés. « On est en l'an 2000. Je suis accueillie dans un stage où on me dit : "Ah ben, on ne t’a pas dit, mais nous, on n'aime pas les Noirs", se souvient Amina Yamgnane, gynécologue-obstétricienne et ancienne cheffe de service à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. C'est quelque chose que vous ne pouvez pas faire semblant d'oublier ce qui a été ma stratégie, ça a été l'excellence. Et en effet, j'acquiers des compétences. Les professionnels me font confiance. J'ai créé une clinique, j'ai été cheffe de service ici à l'hôpital américain pendant six ans et je suis le seul médecin afro-descendants de tout l'établissement en France. »

On le voit bien, parler des discriminations ethno-raciales dans le secteur médical reste encore un sujet tabou.

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