Début 2024, Raja réussit à quitter Gaza avec son plus jeune fils, Asef. Le petit garçon, touché lors d'un bombardement, a besoin d'une opération en urgence. Ils réussissent à être extradés vers la France tous les deux, mais Raja doit laisser cinq autres enfants seuls à Gaza. Il y a un an, la rédaction de RFI était allée à leur rencontre à l'hôpital où était soigné le petit garçon. La maman, anxieuse, ne parvenait pas à faire venir le reste de sa famille. Aujourd'hui, ils sont enfin réunis.
Dans son appartement au sud de Paris, Raja a retrouvé le sourire. Elle a enfin ses six enfants autour d'elle : « Après un an et demi d'attente, et grâce aux efforts des avocates, mes enfants sont enfin arrivés en France. Les retrouvailles étaient très émouvantes, vous ne pouvez pas imaginer ce que j'ai ressenti en les retrouvant. Pendant leur absence, j'ai cru devenir folle. Ils étaient sous les bombes et j'avais peur de les perdre ou que l'accident d'Asef se reproduise. »
Son fils Asef, 13 ans aujourd'hui, a dû être amputé sous le genou, en France, après une frappe aérienne de l'armée israélienne. Pour le sauver, Raja a dû laisser les cinq plus âgés à Gaza. Son aîné, Mohamed, 21 ans, lui aussi blessé à la jambe, a veillé pendant tout ce temps sur ses deux frères et ses deux sœurs : « On a survécu à une période très difficile. Tout était difficile. Se laver, trouver de l'eau potable, de la nourriture, se déplacer... Tout était une souffrance. Depuis le début de la guerre, j'ai essayé d'éviter les bombardements qui auraient pu nous blesser, moi et mes frères et sœurs. Depuis le début, j'essaie de nous garder en sécurité. »
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Réapprendre à vivreLe plus jeune, scolarisé depuis un an et demi, apprend petit à petit le français. Les autres tentent de leur côté de réapprendre à vivre, dans un pays à l'opposé de ce qu'ils ont connu toute leur existence. Le moindre bruit de moteur ou d'avion qui survole la ville les replonge dans l'anxiété de la guerre. « Encore maintenant, on n'arrive pas à dormir tranquillement, moi et mes frères. Ce calme, ici, c'est complétement nouveau pour nous. Mon subconscient n'arrive pas à s'y faire. J'ai du mal à croire que nous sommes sortis de Gaza. Jamais je n'aurais pensé en sortir vivant et en bon état. J'étais tellement désespéré », poursuit Mohamed.
Sur son téléphone, Raja, la maman, ne quitte pas des yeux les réseaux sociaux et le lot de mauvaises nouvelles qu'ils apportent. Mais dans le salon, à côté d’elle, les rires et les bêtises d'adolescents font oublier temporairement le cauchemar qui continue à 3 000 kilomètres d'ici. Mohamed confie : « Depuis l'enfance, on est habitué à ces bombardements, alors on a appris à continuer à rire. Quand on était petit, on ne comprenait pas de quoi il s'agissait, mais en grandissant, ce bruit est devenu familier. Alors, même en temps de guerre, moi et mes frères, on rigole. Même quand il faut enterrer un proche, on continue à rire. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de cœur, mais c'est tellement habituel que rire est devenu une façon de se préserver. »
Aujourd'hui, Raja et Asef, le plus jeune, ont obtenu l'asile en France. Les démarches administratives ne font que commencer pour les cinq autres, arrivés en région parisienne il y a un peu plus d'un mois.
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