Le succès de L'histoire de Souleymane, film primé au festival de Cannes, a permis au grand public de plonger dans le quotidien des livreurs à vélo. Depuis 2021, la Maison des coursiers accueille les livreurs des plateformes de livraison (Deliveroo, Uber Eats...) quatre jours par semaine. Un lieu unique et gratuit qui appartient à la ville de Paris, où ces travailleurs précaires peuvent simplement se reposer entre deux courses. Des permanences juridiques et administratives sont aussi proposées.
C'est un lieu qui passe inaperçu, pourtant situé dans un quartier très populaire avec de nombreuses boutiques de beauté afro. À Paris, la Maison des coursiers se trouve dans une ancienne agence EDF réaménagée. « Il y a une grande salle ou les livreurs attendent. Il y a du café, du thé, de quoi se restaurer. Il y a un micro-ondes, des toilettes, des prises pour pouvoir charger ces téléphones ou ces batteries... », décrit Circé Lienart.
Depuis 2021, cette dernière coordonne cet espace : « On donne directement sur le boulevard Barbès, pour que cela soit simple pour les livreurs de venir et de potentiellement mettre aussi leur vélo en sécurité. » L'un d'eux confie : « On vient parfois prendre du temps ici, se mettre au chaud, surtout dans ces moments de fraîcheur, profiter pour prendre un petit café. » Ils y garent aussi leurs vélos pour les mettre en sécurité.
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Espace de pause, mais aussi de démarcheDans la salle aux couleurs vives, tout est fait pour les aider dans leur démarche. Chacun a ses habitudes, s'installe, prend son repas, à l'image de ce livreur Ivoirien. Ladji termine son attiéké-poisson en attendant son rendez-vous : « Je viens ici pour plusieurs démarches. Je dirais même pour tout. Pour envoyer mes CV dans les entreprises, prendre rendez-vous aussi à la préfecture, la Caf, la Sécurité sociale... Je viens régler tout ici. »
Payés à la course pour un salaire de misère, bien inférieur au Smic, ces livreurs à vélo multiplient les heures de travail en prenant des risques. Circé Lienart, responsable de la Maison des coursiers, nous explique :
« On va les accompagner sur l'accès aux droits de santé parce que c'est très important, s'ils ont un accident, qu'ils puissent quand même se faire soigner. C'est un métier quand même assez accidentogène. Et il y a d'autres risques de santé, de problèmes de santé qui sont liés. »
Le premier livreur, qui apprécie le café de la Maison des coursiers, confirme : « Je suis venu voir l'infirmière. J'avais rendez-vous avec elle pour avoir des bilans sur ma santé concernant le travail, souvent des maladies musculaires ou des infections parfois, tout ça... C'est vraiment dur, mais on n'a pas le choix. »
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La régularisation par le travail est difficile dans ce métierCes livreurs sont souvent dans des situations précaires. Circé Lienart reprend : « Au début, on avait une grande majorité de personnes en situation irrégulière. La difficulté, c'est que les livreurs travaillent beaucoup, même plus que les travailleurs salariés en général. Mais ils n'ont pas accès à la régularisation par le travail, soit parce que le compte n'est pas à leur nom, soit parce qu'ils ont des factures et pas de fiches de paie. Et avec ça, les préfectures ne permettent pas la régularisation par le travail. C'est aussi pour ça qu'il y a une sur-représentation par rapport à d'autres métiers. »
Pas le temps de souffler pour Circé Lienart, qui enchaine. Elle aide un coursier qui a le statut de réfugié à remplir un dossier de demande de logement. Après Paris et Bordeaux, d'autres maisons de ce type sont en projet à Lille et à Grenoble.
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