L’hiver en France s’annonce difficile sur le plan social. D’après les services de l’État, plus de 50 000 entreprises seraient en difficulté en France. Le ministre de l’Industrie dit s’attendre à des milliers de suppressions d’emplois dans les mois à venir. La CGT avance même le chiffre de 150 000 emplois menacés. Début novembre, Auchan et Michelin ont donné le « là » avec des plans sociaux qui laissent plusieurs milliers de salariés sur le carreau. Le spécialiste du pneu va fermer deux usines à l’ouest de la France, à Vannes et Cholet. Cholet où les salariés tentent de faire face.
Devant l’usine, les salariés en colère ont amassé un gigantesque tas de pneu surplombé d’une potence, où se balance au bout d’une corde un mannequin vêtu du bleu de travail des ouvriers d’ici. « Michelin assassin » est tagué avec rage à côté du pendu.
À l’arrière, les grilles sont fermées, protégées de part et d’autre par les salariés. Bastien You, ouvrier et militant CGT, explique que le camion qui devait livrer les matières premières à l’usine est empêché de rentrer : « On est quelques-uns à être en grève ou en absence indemnisée. C'est protéiforme, cela ne rentre pas das des cases. Mais ce qui est sûr, c'est que depuis deux semaines, il y a 150, 200 travailleurs qui se relaient pour tenir le piquet, le jour et la nuit. Là, on a des camarades qui sont venus pour empêcher le camion de rentrer. Parce que, même s'ils se disaient qu'aujourd'hui, ils n'avaient pas les moyens de faire grève, ils n'ont aucune envie que les camions repartent, car c'est leur seul moyen de pression face à Michelin. »
Un sentiment d'abandonDans la foule des ouvriers, Mohamed, 36 ans chez Michelin : « C'est un dégout total parce qu'en 36 ans, on pensait connaître la boîte, mais on s'aperçoit qu'ils n'ont aucun respect pour l'humain, ils nous ont pressé comme des citrons. J'étais en équipe, donc on est complètement usés : des problèmes de tendinite aux épaules, aux genoux, et puis maintenant qu'on est détruits, ils nous balancent vulgairement quoi ! »
Xavier Cailloux, délégué syndical CFDT, est résigné. Pour lui, l’avenir du site est scellé, la production ne reprendra après 2026 : « C'est donner un faux espoir aux salariés et les salariés n'ont pas besoin d'avoir de faux espoirs. Il faut avoir une certitude. Une certitude de partir avec un chèque décent, une certitude d'avoir une formation à la hauteur de ce qu'ils ont besoin pour pouvoir se reconvertir, C'est quand même une population – comme beaucoup d'usines françaises – assez vieillissante. Donc, on ne se reconvertit pas comme cela, il faut se donner les moyens. Il n'est pas question que 20 %, 25 % des gens qui sont là, moi y compris, après tout ce qu'on a donné, finissions notre carrière au chômage, comme des malpropres. »
« Préparé depuis très longtemps »L’usine de Cholet a 60 ans, les locaux sont vétustes, et malgré plus de 3 milliards d’euros de bénéfices en 2023, Michelin n’a pas investi dans le site, déplore Richard Grangien, délégué syndical CGT : « Nous avons des bâtiments qui sont vétustes, l'atelier des cuissons qui s'écroule même, c'est un atelier qui est sur deux étages. C'est bourré d'amiante, le sol s'écroule. Donc, oui, il n'y a pas eu d'investissement du tout, cela est sûr. C'est préparé depuis très longtemps, cela ne vient pas du marché chinois qui se réveille ou quoi que ce soit ! »
Après quelques heures, le camion finit par rebrousser chemin sous les applaudissements des ouvriers, les huissiers mandatés par la direction ont acté le blocage. Une joie de courte durée, car beaucoup s’inquiètent pour l’avenir.
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