En grève, les paroissiennes dénoncent le sexisme dans l'Église catholique
16 April 2025

En grève, les paroissiennes dénoncent le sexisme dans l'Église catholique

Reportage France

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C'est un mouvement inédit au sein de l'Église catholique. Pendant toute la durée du Carême, soit du 5 mars au 17 avril, les femmes paroissiennes sont appelées à faire grève. L'intérêt de cette mobilisation symbolique est de pointer un paradoxe : d'un côté, ces femmes bénévoles sont indispensables à la tenue des églises et à la préparation des messes notamment, de l'autre, elles sont encore trop peu consultées dans les instances ecclésiastiques dirigées par des hommes.

Si l'on veut entrer dans l'église Saint-Sylvain, au cœur du petit village de Saint-Sauvant, il faut solliciter Florence. C'est elle qui possède la clé de la porte d'entrée principale de cet édifice du XIIe siècle qui surplombe la commune. « Cette petite église nous porte tous dans le village. Elle veille sur nous, elle est imposante, elle est grande, elle est massive, elle a une présence. Je suis bien avec elle », déroule Florence.

Cela fait 40 ans qu'elle est paroissienne ici. Quarante années d'un service essentiel pour maintenir cinq messes tous les ans : « Nous sommes de petites mains, nous faisons toutes les petites tâches, les petites besognes, parfois ennuyeuses, mais nécessaires, comme laver les nappes, les repasser, les mettre sur l'autel, faire les bouquets de fleurs. » Cet engagement du quotidien demande assurément du temps : deux heures d'entretien par semaine, et beaucoup d'énergie. « Mais je ne suis pas toute seule ! », tient à rappeler Florence, modeste, « nous sommes un petit groupe ». Un petit groupe essentiellement composé de femmes. « On voudrait que ça change, ça, c'est sûr, reprend-elle. Moi, je soutiens totalement les femmes qui expriment le souhait de partager plus les tâches. »

« On est relégué à l'arrière-boutique » 

La mobilisation des femmes de l'Église catholique est partie des États-Unis, à l'initiative de l'association américaine Women's Ordination Conference. Sur son site internet, une carte interactive répertorie les mobilisations à travers le monde. Le mouvement a essaimé en Pologne, en Espagne, en Inde mais aussi en France. Dans l'Hexagone, c'est le Comité de la Jupe qui organise la contestation. Selon les chiffres de cette association de promotion de l'égalité au sein de l'Église catholique, les femmes effectuent plus de 80% des tâches essentielles dans les paroisses.

Parmi les 300 membres que revendique le Comité de la Jupe, il y a Alice. Également paroissienne, elle arbore sur son sac un pin's avec la mention « ​​​​​​​femme catholique en grève ». Elle dénonce notamment l'absence de consultation dans les assemblées locales et les diocèses. « ​​​​​​​On vient nous demander notre avis de temps en temps ou des conseils, mais on ne peut pas voter, on ne peut pas choisir. Si quelqu'un dans la hiérarchie est contre nous ou nous refuse quelque chose, nous n'avons pas de recours possible. Les décisions se prennent entre clercs, entre prêtres. Et quand on veut exprimer quelque chose, on est un peu relégué à l'arrière-boutique », pointe-t-elle.

Dans le village de Saint-Sauvant (500 habitants) où elle réside, la grève est accueillie de façon contrastée par les fidèles. « ​​​​​​​Certains nous rient au nez en nous disant que l'on ne va pas changer le monde », soupire-t-elle. Les membres du clergé sont aussi partagés. La temporalité choisie – celle du Carême, période de jeûne et de retrouvailles – ne plaît pas à certains.

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Susciter le débat

Mais il y a quelques exceptions. Dans cette paroisse, Gilles Cavaro, diacre depuis 11 ans, est peut-être l'un des rares à porter une autre parole, celle d'un homme d'Église qui prône l'égalité. « Le Christ voulait que les femmes aient plus de place dans l'Église. Or, actuellement, l'institution est en retrait par rapport à ce qu'il a souhaité quand il a vécu sur cette Terre, souligne-t-il, convoquant la littérature catholique. Je trouve que la place de la femme devrait être revisitée et ajustée au message évangélique. »  

Une telle position surprend Alice. Elle l'admet, avant la grève, elle n'aurait pas pensé que Gilles était pour cette ouverture : « Cela fait plaisir à entendre, mais ce n'est malheureusement pas une position majoritaire. » Tout l'intérêt de cette grève est d'ouvrir le dialogue sur la place des femmes dans l'Église et de provoquer une réaction de ceux qui sont encore réfractaires à l'idée.

« Cette discussion, je ne l'avais jamais eue avec Gilles, reconnaît Alice. On a pu l'avoir grâce à ce temps de grève. » Gilles embraye à son tour : « Entre nous, hommes d'Église, dans la paroisse, on n'a pas beaucoup parlé. Il faut davantage de discussion sur le sujet. Car il subsiste une question principale qui me paraît essentielle : comment travailler et marcher mieux vers le Christ, hommes et femmes ensemble ? » Le dialogue désormais ouvert, Gilles, Alice et Florence promettent de le poursuivre bientôt autour d'un repas.

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