Thales, géant français de l'industrie et des nouvelles technologies, est touché par le manque de jeunes compétents dans le domaine des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques). Dans un des centres de recherches et développement du groupe, à Palaiseau, dans le sud de Paris, le manque n'est pas nouveau, mais on s'organise. Un reportage d'Orianne Gendreau.
Pas besoin de blouse blanche pour Juan Trastoy, chercheur en physique quantique chez Thales. Il y travaille depuis huit ans et, chaque année, au moment de trouver des jeunes doctorants pour l'accompagner dans ses recherches, il rencontre des difficultés. Or, ces derniers sont fondamentaux pour avancer sur un sujet. Pourtant, lui n'a pas tellement à se plaindre par rapport à ses collègues : « Il y a des sujets plus à la mode, donc ici, ce sont des sujets quantiques, c'est un peu plus à la mode, donc les étudiants cherchent un peu plus ces sujets », explique-t-il
Les jeunes en sciences et technologies sont rares et cette pénurie ne date pas d'hier. Dans le laboratoire à côté de celui de Juan Trastoy, Laura Ly travaille sur le biomimétisme. Elle a quitté son école d'ingénieur il y a vingt ans et elle le confirme, déjà en 1998, personne ne se lançait dans la recherche industrielle : « Il doit y en avoir dix à peu près sur 80, sachant que les autres personnes partent en projet, sur d'autres métiers, même dans la finance. »
« Il y a un désintérêt pour les sciences et les technologies dans le système éducatif, ça n'aide pas les jeunes à aller vers ces métiers-là », analyse Patrick Pélata, le président de l'Académie des technologies en France, pour qui les sciences perdent de leur attractivité dès le collège.
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La France mal classée en mathématiques et sciencesEn 2023, la France était un des pays européens les moins bien classés en mathématiques et en sciences, une place qui ne pousse pas les élèves vers les métiers technologiques. Sarah Lannes, ingénieure de recherche chez Thalès, est bénévole dans l'association Elles bougent pour l'orientation. Destinée à motiver les jeunes filles à se tourner vers les nouvelles technologies, elle a dû changer de cible. « Quand je vais en collège, j'ai beaucoup de collégiennes qui me disent : "Non mais les maths, c'est dur." Mais j'avoue que quand on y va, on parle de plus en plus aux jeunes garçons parce que tout le monde me dit : "Les maths, c'est dur", elle rit. Et c'est un peu dommage, parce que les maths, c'est vachement bien et ce serait bien que plus de monde y croit. Souvent, [les collégiens] ont très très très peur. »
Lutter contre l'autocensure passe aussi par des bourses. Pour Marko Erman, directeur scientifique chez Thalès, il faut aller chercher les populations défavorisées. Thalès met à disposition près de 250 000 euros pour motiver les jeunes à rejoindre les métiers technologiques. « Nous allons soutenir financièrement les étudiants au parcours remarquable issus des milieux défavorisés, ayant commencé leur cursus académique dans le domaine des sciences », indique-t-il.
La France n'est pas la seule touchées par cette pénurie. En décembre dernier, un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique montrait que les pays de l'Union européenne manquaient cruellement de personnes compétentes dans les nouvelles technologies.
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