En France, la maternité reste un combat difficile pour les femmes avocates
30 April 2025

En France, la maternité reste un combat difficile pour les femmes avocates

Reportage France

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Le 1er mai est un jour de lutte pour tous les travailleurs et travailleuses en France. RFI se penche sur une problématique propre aux professions libérales, la question du congé maternité. Exemple chez les avocates, parmi lesquelles 17 % ne prendrait pas leur congé maternité, contre 10 % dans les autres professions. La maternité reste un parcours difficile pour ces avocates : mise au placard, licenciement, perte de clients. Des syndicats d'avocats se battent pour faire respecter les droits des futures mères, et notamment leurs congés maternité.

Dans la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, l'atmosphère est tendue. Une vingtaine d'avocats et avocates, robes noires sur le dos, sont venus soutenir Lola de Laâge. Cette avocate demande un renvoi d'audience, c'est-à-dire le report du procès sur lequel elle doit intervenir, car elle est enceinte. « Ma consœur devait partir en congé maternité plus tard. Pour des raisons médicales, elle a dû commencer son congé plus tôt que prévu. Elle en a avisé dès que possible le président de la chambre correctionnelle concerné. Qui lui a indiqué qu'il fallait qu'elle se prépare à ce que cette demande de renvoi soit rejeté et que son client soit jugé sans elle », déplore Manon, l'une de ses amies.

Lola de Laâge est absente depuis le déclenchement de son arrêt maternité. Alors c'est sa consœur Sophie Allaert qui plaide pour elle. L'audience est mouvementée. Le président de l'audience, Guillaume Daïeff lève les yeux au ciel durant la plaidoirie. Le représentant du parquet s'agace. Selon lui, Lola de Laâge a gardé le dossier, malgré son arrêt, pour continuer à toucher de l'argent. Les avocats se lèvent, indignés. Le report de l'audience est finalement accepté, mais pas d'explosion de joie chez les avocats.

À la sortie de l'audience, Sophie Allaert semble lessivée. « C'était la pire audience de ma vie. Aujourd'hui, en 2025, on est en train de nous dire qu'un arrêt maternité, et encore plus pathologique, ne justifie pas un renvoi. Donc, on est encore au point zéro. Moi, j'aimerais qu'on pose une question. Je n'ai pas dix ans de barre, je n'ai pas vingt ans de barre. Mais de mon expérience, je n'ai jamais vu un renvoi refusé lorsqu'un confrère fait état d'une problématique médicale. Et là, c'est exactement le cas. On est sur un arrêt pathologique et on s'en fiche », s'indigne-t-elle.

Lola de Laâge n'était pas présente, mais ses collègues lui ont raconté l'audience. Elle est sous le choc : « À la base, c'est peut-être naïf de ma part, je n'ai pas imaginé que ça allait poser des difficultés. Je ne comprends pas que ce ne soit pas un motif légitime de renvoi. Et qu'on doive se justifier et venir expliquer des choses que je considère de l'ordre de l'intime à une audience. Franchement, c'est regrettable. » Le cas de Lola n'est pas une première. Il y a un an, une avocate a perdu les eaux et fait une crise d'épilepsie en pleine audience au tribunal de Paris. La raison ? Le renvoi de son audience avait été refusé par le tribunal.

Pour Chloé, avocate, il y a un problème de sexisme au sein de la profession et faire partie d'une profession libérale n'arrange rien. « Il faut savoir que très peu d'avocates sont salariés. Quand on est libérale, on n'est pas protégées par le droit du travail. Donc, il y a ce risque d'être licenciée du jour au lendemain. Il y a aussi le sujet de comment on garde ses clients si l'on est arrêtés pendant quatre mois comme c'est notre droit. On est de fait interdit de travailler, sinon on n'a pas le droit à nos indemnités maternité. Mais en même temps, les dossiers continuent, donc il y a beaucoup de questions organisationnelles sur lesquelles on a besoin de mettre en place un certain nombre de mesures. Une mesure simple, c'est déjà de dire que quand il y a un dossier qui tombe pendant cette courte période de quatre mois, le renvoi doit être absolument de principe, sauf situation exceptionnelle », estime-t-elle. Une situation qui la touche personnellement, car Chloé est enceinte de quelques mois

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