Après le cannabis, le protoxyde d’azote est la deuxième substance la plus consommée chez les 13-25 ans. Alors que ce gaz est déjà interdit à la vente aux mineurs dans certains lieux, le député LFI Idir Boumertit veut aller plus loin. Avec sa proposition de loi, il veut à la fois renforcer la prévention et limiter l’accès aux professionnels.
Un reportage de Marie Casadebaig et de Lisa Barel-Frémeaux,
Sofiane a 22 ans, il était plombier et, à cause de sa consommation de gaz hilarant, il a dû arrêter son métier. « [J’étais] paralysé des jambes, paralysé des mains. Quand je fermais les yeux, je tombais. [J’ai eu] une infection aux poumons. J’en ai perdu un, témoigne le jeune homme. La première fois que j’en ai pris, c’était pendant le confinement, en 2020, je crois. Je devais avoir 19 ans et après, j’ai continué. C’était quotidien en fait. On pouvait ressentir une sensation de joie, on oubliait les problèmes... Et si on arrête le ballon, au bout de dix secondes, l’effet se dissipe. On avait envie d’en refaire. »
Il y a un an environ, Sofiane est hospitalisé. Il n’arrive plus à respirer. Et pour cause, un de ses poumons ne fonctionne plus. Il perd aussi l’usage de ses jambes. Encore aujourd’hui, il suit un programme de rééducation. « Je suis resté en fauteuil roulant six mois. C’est comme si mes muscles étaient retournés à zéro, explique-t-il. J’ai récupéré mes jambes avec le temps et, à l’heure d’aujourd’hui, je travaille toujours sur la force musculaire. »
Le protoxyde d’azote est le plus souvent utilisé par des professionnels, dans le milieu médical comme anesthésiant ou encore dans l’agroalimentaire. Les jeunes le consomment pour ses effets euphorisants. Ils percent les cartouches, remplissent un ballon avec et l’inhalent.
« Dès la première consommation, on devient addict »Françoise Cochet connaît bien les effets de ce gaz sur la santé. Elle est présidente de l’association Apeas qui lutte contre les jeux dangereux. « Le problème, c’est que ces gaz traversent la paroi des alvéoles pulmonaires, passent dans le sang et arrivent instantanément au niveau cérébral. Le danger majeur de toutes ces pratiques d’inspiration de n’importe quel autre gaz que l’air, c’est le risque d’arrêt cardiaque. »
Et le consommateur peut rapidement devenir dépendant, c’est ce qui est arrivé à Sofiane : « Dès la première consommation, on devient addict. Dès qu’on commence à ressentir les effets, c’est fini. Après, on a envie d’en refaire, confie le jeune homme. Par mois, des fois, je pouvais utiliser 600 euros, ça dépendait de mon budget. Mais si j’avais l’argent pour consommer, j’achetais, je n’avais pas de limites. »
Aujourd’hui, Sofiane a arrêté d’en consommer et témoigne. Pour lui, limiter l’accès du protoxyde d’azote aux professionnels est une bonne chose, mais pour Françoise Cochet, ce n’est pas la solution : « Pour nous, la seule façon de contrer ces accidents, c’est la prévention. Donc, la prévention d’une part des adultes pour les informer — pour les parents, mais aussi les professionnels —, et puis, bien évidemment, la prévention auprès des élèves. »
Il y a une dizaine de jours, les députés ont adopté cette proposition de loi. Prochainement, c’est au Sénat de se prononcer sur le texte.
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