Begum TV, une chaîne télé pour redonner un visage et de l’espoir à des millions d’Afghanes

Begum TV, une chaîne télé pour redonner un visage et de l’espoir à des millions d’Afghanes

RFI
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Voilà plus de deux ans et demi que les talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan, menant à la privation de libertés pour des millions de femmes et de petites filles. En France, c’est une forme de résistance qui a été lancée début mars par des réfugiées afghanes, au nord de Paris. Begum TV est d’une chaîne de télévision qui émet depuis la capitale française vers les foyers afghans. Elle s’adresse aux jeunes filles et aux femmes qui vivent encore sous le joug des talibans avec, entre autres, des programmes éducatifs ou de soutien psychologique.

L’ambiance est détendue, à quelques minutes de l’enregistrement de l’émission. Une petite dizaine de personnes s’active dans la rédaction et le studio dans lequel ont pris place Diba et Marina, les deux présentatrices. Un fond vert, des caméras automatiques et une régie de l’autre côté de la vitre pilotée par Getee. D’un signe de la main, elle donne le top départ de l’émission.

« Bonjour à toutes et tous, je suis Marina Golbahori, vous regardez Bégum TV, bienvenue dans l’émission “Tabassoum”. Le sujet du jour est la suppression du droit à l’éducation des filles et nous en parlons avec vous Diba Akbari, bonjour. - Bonjour ! - Chère Diba, expliquez-nous : quelles sont les conséquences psychologiques de cette privation d’éducation des filles ? »

« L’idée est de leur redonner une voix, mais aussi un visage »

L’émission, dont l’enregistrement dure une demi-heure, est axée sur la santé mentale et le bien-être. Elle fait intervenir des psychologues, prêts à répondre aux questions de téléspectatrices anonymes, explique Hamida Aman, fondatrice de Begum Organization For Women, l’ONG à l’origine du projet : « On a énormément d’adolescentes qui appellent, et surtout, on a beaucoup de mères qui appellent, car elles sont désœuvrées. Elles ne savent pas comment gérer la détresse de leurs adolescentes privées d’écoles depuis deux ans et demi maintenant. »

En appelant l’émission, ces femmes reçoivent des conseils. « On leur donne des petits trucs pour se sentir mieux comme de la naturothérapie, des exercices de respiration, de méditation », développe encore Hamida Aman. Autrement dit, une bouffée d’air, dans un pays où les jardins publics, les salons de coiffure et les salles de sport leur sont interdites d’accès. « Nous abordons des sujets qui ne peuvent que parler à ces femmes en Afghanistan. L’idée, c’est de donner de la voix à ces femmes afghanes à travers cette chaîne. Non seulement une voix, mais aussi un visage. »

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« J’exerce à nouveau le métier que j’aime »

Diba et Marina sont justement les visages de cette émission que les foyers afghans reçoivent par satellite. Les deux femmes ne portent pas de voile et parlent sans tabous.

Pour Diba, journaliste afghane, réfugiée en France depuis un an et demi, Begum TV représente une opportunité inespérée. « En Afghanistan, j’étais en danger, car j’ai souvent critiqué les talibans. Quand j’ai quitté le pays, j’ai eu la sensation d’avoir tout perdu : mon métier, ma vie, mon avenir là-bas. Mais une fois en France, quand j’ai intégré la télévision Bégum, c’est comme si je renaissais. J’ai retrouvé espoir. J’ai récupéré ma vie, et surtout mon travail. J’exerçais à nouveau le métier que j’aime. »

Begum TV est aussi une chaîne éducative. Des cours en vidéo sont proposés gratuitement en langues pachto et dari aux collégiennes et lycéennes afghanes qui en sont privés. Pour Marina, en France depuis neuf ans, c’est une manière de rendre la pareille. « Avec nos programmes éducatifs, c’est à plein de petites filles que l’on s’adresse pour qu’elles poursuivent leurs études et continuent à apprendre. Donc Bégum, c’est signe d’espoir pour moi et des milliers de femmes en Afghanistan. »

En langue dari, Begum signifie « reine ». Diba et Marina y voient le signe d’un début de reconquête de leurs droits en Afghanistan.

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