Affaire Le Scouarnec: un procès «hors-norme» pour la petite juridiction de Vannes
18 February 2025

Affaire Le Scouarnec: un procès «hors-norme» pour la petite juridiction de Vannes

Reportage France
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C'est sans doute la plus grande affaire de pédophilie en France. L'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec est accusé de viols et d'agressions sexuelles sur 300 enfants entre 1989 et 2014 dans plusieurs hôpitaux de l’ouest de la France. Son procès s'ouvre le 24 février, à Vannes, devant la cour criminelle du Morbihan. La ville de Vannes, 50 000 habitants, et son tribunal se préparent depuis plusieurs années, avec des moyens humains et budgétaires limités.

Trois cents victimes, 60 avocats, des dizaines de journalistes français et étrangers attendus : jamais le tribunal de Vannes n’a accueilli un procès aussi « hors-norme ». Cela fait trois ans que la juridiction planche sur son organisation. Pour anticiper au mieux le déroulé des quatre mois d’audiences, elle a sollicité l’expérience acquise par d’autres tribunaux en matière de grand procès, explique Ronan Le Clerc, secrétaire général du parquet de Rennes : « Nous avons demandé à ce que nos collègues parisiens qui ont eu en charge l'organisation du procès des attentats de novembre 2015 ou celui de Nice puissent nous faire un retour d'expérience de manière à ce qu'on puisse profiter de leurs acquis en termes de méthodologie. »

Durant seize semaines, le procès de Joël Le Scouarnec va mobiliser sept magistrats sans que l’activité du tribunal ne cesse pour autant. Un casse-tête, mais là aussi, tout est affaire d’anticipation. « Il a fallu faire tout un travail en amont pour que les autres dossiers criminels puissent être examinés avant le procès de Joël Le Scouarnec et après, précise Ronan Le Clerc, en veillant bien d'ailleurs à ce que les délais qui nous sont imposés par la procédure pénale le soient pleinement. »

Un procès à trois millions d’euros

Ce procès labellisé « hors-norme » a aussi un coût pour la justice : trois millions d’euros. Une somme nécessaire à l’aménagement de trois annexes à la petite salle du tribunal qui compte une petite centaine de places. Une première salle accueillera le public – le procès n’ayant pas lieu en huis clos total – une autre pour la presse et un ex-amphithéâtre d'université pour accueillir les parties civiles et leurs avocats. Le maire de Vannes, David Robo, l'a mis à disposition gratuitement. « Chacun connaît l’état des finances publiques et celles du ministère de la Justice. Je me voyais mal demander un loyer. Je pense qu’en tant qu’élu de la république, on doit servir la justice. Et si je peux ramener de la fluidité, plutôt que de la complexité à ce procès, j’en serais content », commente l’édile.

L’enjeu d’un procès aussi titanesque réside aussi dans l’accompagnement des victimes. C’est le rôle de l’association France Victimes 56, dont sa directrice, Carine Duneuf-Jardin, en a déjà reçu plusieurs dans son bureau : « Ces personnes se retrouvent engagées dans une machine judiciaire où il faut appréhender les termes, souligne-t-elle. Elles arrivent avec leurs interrogations : Que veut dire se constituer partie civile ? Suis-je obligé de prendre un avocat ? Combien cela va me coûter ? Nous sommes là pour les informer afin qu’elles aient le maximum d’éléments en leur possession pour prendre leur décision. »

Pour épauler les victimes durant l’audience, France Victimes 56 met à disposition une juriste et seulement… une psychologue. « Il eût été préférable d’en avoir deux, concède le président de l’association André Rolland, mais le recrutement d’une seconde praticienne a été stoppé il y a quelques semaines. Nous n’avons pu travailler qu’à moyens constants pour une raison très simple : la France n’avait pas de budget. Mais peut-être que ça va se débloquer, maintenant qu’on a un. » Deux psychologues, ce serait un minimum, estime André Rolland pour accompagner les 300 victimes présumées de Joël Le Scouarnec.