À Nantes, entre 700 et 1000 Roumains vivent dans des conditions extrêmement précaires sur une ancienne déchetterie. C’est l’un des plus grands bidonvilles de France. Mais la métropole veut récupérer l’emplacement. Son plan d’évacuation, « une résorption » selon ses termes, prévoit d’accompagner les familles en leur proposant des logements. Un projet ambitieux de 80 millions d’euros qui vient de débuter et un immense défi humain.
De notre correspondant à Nantes,
C’est au pied de la cheminée bleue d’une usine de traitement de déchets qu’Adrian, 26 ans, a construit sa vie avec sa femme, ses deux enfants et ses parents. Sous leurs pieds, une ancienne décharge à ciel ouvert. Ils étaient parmi les premiers installés en 2018.
Philippe Barbo est le fondateur de plusieurs associations d’accompagnement de familles roms. Témoin de l’installation de 700 à 1 000 personnes, dont 40 % d’enfants, non scolarisés pour la plupart, dans ce bidonville, pour lui cette situation est le résultat d’une politique d’une vingtaine d’années : « Un, une politique de la patate chaude : des familles qui sont venues d’autres communes qui les ont expulsées. Deux, de la politique de l’immobilisme : pendant quinze ans, on n’a rien fait. Et puis, c’est la politique du pourrissement. »
Peu, comme Philippe Barbo, se sont intéressés au sort de ces Roms. Ils n'ont pas choisi la région nantaise par hasard pour s'installer : « La région nantaise offre des perspectives de travail non qualifié. Ils ont des origines rurales agricoles en Roumanie et donc [ils connaissent] le travail dans le maraîchage, dans la viticulture. Et ils ont des parcours d’activité annuelle quasiment complets. »
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« L’insertion par le logement »Mais cette main-d’œuvre va devoir partir. Nantes métropole veut récupérer l’emplacement pour son pôle d’écologie urbaine qui prévoit notamment d’agrandir la déchèterie attenante. Une résorption plutôt qu’une expulsion, selon ses termes, avec un diagnostic social des familles qui vient de débuter.
« Le but de Nantes métropole, qui défend l’insertion par le logement, c’est : ceux qui peuvent entrer directement en logement y entrent et ça, ça représente 10, 20, 30 % maximum », explique Philippe Barbo.
Les autres pourraient s’installer sur des terrains d’insertion temporaire, toujours dans l’optique d’intégrer des logements ordinaires pour favoriser leur inclusion. Mais cela a ses limites, selon Philippe Barbo. « Bien sûr qu’on défend le droit commun, mais on voit bien que ça ne répond pas forcément à la demande de ces familles-là qui ont des modes de vie très familiale. Et les logements sociaux aujourd’hui ne peuvent pas répondre à ce type d’habitudes de vie. Donc on pourrait aussi imaginer d’autres modes d’habitat, par exemple des terrains familiaux où là, ils pourraient vivre avec la grande famille. »
Autre frein : le loyer. Certains font des allers-retours en Roumanie et ne sont pas en capacité de payer lors de ces 2-3 mois d’absence. Mais ce n’est pas le cas d’Adrian. Lui rêve d’un logement pour sa famille et peut verser un loyer. « Si on travaille, c’est normal, si on veut être intégrés en France, il faut suivre les règles de la France, il faut payer tout, comme tout le monde », assure Adrian. Mais il devra être patient, l’opération doit durer 4 ans.
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