Au Soudan, les combats continuent dans Khartoum. La semaine passée, l’artillerie des Forces de soutien rapide a frappé le palais présidentiel, en centre-ville. Fin mars, l’armée avait pourtant annoncé avoir « libéré » la capitale. L’île de Tuti, en plein cœur de Khartoum, fait partie des quartiers récupérés par les forces armées soudanaises. Sous l’emprise des FSR, cette péninsule au milieu du Nil a vécu dans l’isolement le plus total, soumis à la violence des paramilitaires.
De notre correspondante à Nairobi de retour de Khartoum,
Tuti est aujourd’hui un quartier fantôme. Dans les rues, des gravats, des meubles, des vêtements, vestiges des derniers pillages des FSR. « Au début, les FSR ont nommé un maire. Si vous vouliez sortir de l’île, il fallait le payer 50 000 livres soudanaises, environ 70 euros, pour un passager ; 90 000 pour un commerçant et sa cargaison, raconte Walid Omar Alamin, du comité des résidents de Tuti. Après Tuti était complètement fermée. Les FSR ont commencé à arrêter beaucoup de monde. Ils accusaient les gens d’appartenir à l’ancien régime ou à l’armée. Ils arrêtaient surtout des hommes, mais quelques femmes aussi. »
Pris au piège, les habitants de Tuti n’ont d’autre choix que de se soumettre à la loi des FSR. Khalid Ahmed Abdu, l’imam de l’île, tente un temps de jouer les médiateurs : « Au début, les FSR se comportaient normalement. Mais rapidement, ils ont réquisitionné nos biens, notre nourriture, notre eau… tout ce que l’on possédait. D’abord ils passaient par moi et j’essayais de coordonner les choses, mais après, ils prenaient ce qu’ils voulaient comme ils voulaient. Puis ils ont commencé à maltraiter nos femmes. Un soir de l’Aïd el-Fitrn ils ont violé une jeune fille à minuit et sont venus me le dire. »
Entre 100 et 200 dans une celluleCe viol provoque un mouvement de colère des hommes de Tuti. En réponse, les FSR tuent huit habitants et en arrêtent d’autres. Zualfajar Mutwakil Sadiig, a passé onze mois dans une cellule souterraine : « On était entre 100 et 200 dans la cellule. Quand on était à court d’eau, on devait attendre longtemps que les FSR nous en ramènent, explique l’homme de 28 ans. On mangeait du riz ou du porridge, dans une seule gamelle, deux fois par jour. On ne sortait jamais, sauf pour jeter nos déchets de temps en temps. Des prisonniers discutaient entre eux pour passer le temps. D’autres récitaient le Coran. Mais certains devenaient fous. »
Aujourd’hui, seules 70 familles sont encore présentes à Tuti. L’île hébergeait avant 30 000 habitants.
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