Fin mars, l’armée a annoncé avoir « libéré » Khartoum des Forces de soutien rapide, les paramilitaires qui les affrontent depuis deux ans. Les déplacés commencent à rentrer chez eux et découvrent une capitale dévastée, leurs maisons pillées par les FSR. Les paramilitaires qui s’en sont également pris aux monuments historiques de la ville. C’est le cas du musée de la Maison du Khalifa, à Omdurman, dans la banlieue ouest de Khartoum.
De notre correspondante à Nairobi de retour de Khartoum,
Au milieu des décombres, Jamal Mohammed Zein Alabdeen, directeur de la Maison du Khalifa, ouvre les portes du musée. À l’intérieur, des vitrines brisées et quelques instruments de musique anciens : « Dans cette vitrine, il y avait les épées des combattants d’Al Khalifa. Il y en avait trois ici… et là. Et puis dans cette vitrine-là, il y avait tous les artefacts religieux. Tout a été volé. Cette partie de la ville était aux mains des Forces de soutien rapide et ils ont tout pillé. Quand l’armée a récupéré Khartoum, je suis revenu et j’ai découvert l’ampleur du désastre, ça m’a anéanti. Une tristesse infinie. J’étais responsable de ces objets qui représentent le Soudan. C’est comme si j’avais perdu un enfant. »
Abdullah Ibn Mohammed Al Khalifa a régné sur le Soudan avant la colonisation britannique. Il est le chef de l’État mahdiste, dont les frontières s’étendent jusqu’en Éthiopie. Al Khalifa meurt en 1899, dans une bataille contre les troupes anglo-égyptiennes. Sa maison est un trésor du passé. « Ce sont des antiquités, des souvenirs de notre passé et cela nous a demandé beaucoup d’efforts de les retrouver et les collecter, explique le directeur de la Maison du Khalifa. C’est important pour le pays. On ne peut pas donner une valeur financière à ces objets. Chacun d’entre eux est inestimable. Les FSR ont voulu attaquer l’identité soudanaise. Ces objets pourront sans doute se revendre, mais leur valeur, c'est surtout ce qu’ils représentaient dans le cœur des Soudanais. Maintenant, nous allons créer un comité, évaluer les dégâts et reconstruire la maison du Mahdi. »
Husham Kidir Ahmed Karar est le directeur des antiquités de la ville de Chendi, au nord de Khartoum. Il prête main forte pour l’inventaire des dégâts : « Il est difficile d’évaluer combien on a perdu. Pour le moment, on collecte ce qu’il nous reste et l’on comparera avec ce que nous avions inventorié. Une fois qu’on aura identifié avec précision nos objets perdus, nous prendrons contact avec toutes les organisations à travers le monde ainsi que les pays avec qui nous entretenons des relations, pour qu’ils nous aident à récupérer nos antiquités. Personne ne pourra nous empêcher de parler de notre identité. Maintenant, on a appris de nos erreurs. La prochaine fois, on se battra. »
Le musée national de Khartoum a également été pillé. Les autorités soudanaises entendent solliciter l’Unesco et Interpol pour empêcher le trafic d’antiquités.
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