Retour des réfugiés en Centrafrique [3/3]: la difficile réintégration dans les villages

Retour des réfugiés en Centrafrique [3/3]: la difficile réintégration dans les villages

RFI
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En Centrafrique, les crises militaro-politiques de 2013-2017 ont provoqué le départ de plus de 600 000 personnes vers les pays voisins. Ces dernières années, alors que la situation sécuritaire s'améliore progressivement, plus de 35 000 réfugiés ont décidé de se réinstaller dans leurs localités. Ils bénéficient de projets socioprofessionnels de réintégration, mais cette aide est mal vue par la population restée sur place, qui la perçoit comme une injustice. Pour apaiser cette réintégration et faire en sorte que la cohabitation reste pacifique dans les grandes villes et villages, les autorités locales et le HCR mettent en place des actions.

De notre envoyé spécial à Béloko,

Jeudi 14 mars, il est 12 heures à Béloko, ville frontière avec le Cameroun. Une foule d’hommes, de femmes et d’enfants chantent en signe de bienvenue. Les larmes de joie coulent sur les visages quand le convoi à bord duquel se trouve plusieurs centaines de réfugiés centrafricains traverse la frontière.

Gabriel, un habitant de Béloko, n’a pas hésité à venir accueillir ses compatriotes. « Je suis ému de les voir retourner au pays après des années. En ce moment, la RCA a besoin de ses fils et filles. Ensemble, nous allons serrer les coudes pour développer notre cher et beau pays », témoigne-t-il.

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Les émotions se succèdent. Dans le bus, Mariama, 23 ans, agite les drapeaux centrafricains et camerounais. Après cinq ans au Cameroun, elle est enthousiasmée de revenir sur la terre de ses ancêtres. « Dans le camp de réfugiés, nous avions de la nourriture, de l'eau potable et des soins de santé. Nos enfants fréquentaient de bonnes écoles. Même si nous étions bien traités, j'ai senti qu'il y avait quelque chose qui manquait. C'est cette forte envie de revenir au pays où on se sent mieux que chez soi », se réjouit-elle.

Retour au pays

Non loin de cette immense foule qui savoure cet instant historique, certains habitants ne voient pas d'un bon œil ce rapatriement. Devant sa boutique de commerce général, Rodrigue partage le riz et du café avec ses camarades. « C'est une bonne initiative parce que ce sont des compatriotes qui reviennent au pays. Mais je ne peux pas cacher mon inquiétude, explique-t-il. La vie est dure et nous avons tous besoin d’aide et de travail. Je constate que les activités socioprofessionnelles de réintégration ne concernent que les rapatriés. Nous aussi, nous avons besoin d'aide pour relancer notre vie. »

Opérateur économique avant la crise, Amadou est heureux de revenir au pays dans l'espoir de reprendre ses activités, mais après dix ans, il a aussi peur de l'inconnu. « Tout ce que je veux, c'est une cohabitation pacifique avec mes frères qui sont restés au pays. Je demande aux autorités de trouver une solution favorable et durable pour tout le monde. La nation a besoin de tout le monde. »

Des dispositions sécuritaires sont prises par les forces de l'ordre pour une réintégration apaisée dans toute la Nana-Mambéré. Les autorités locales et le HCR ont également mis en place des programmes de sensibilisation dans les quartiers, villes et villages pour décrisper les tensions et faciliter une cohabitation pacifique.

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