Madagascar: des groupes de parole pour combattre la propagation du VIH
20 February 2025

Madagascar: des groupes de parole pour combattre la propagation du VIH

Reportage Afrique
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À Madagascar, 73 000 personnes vivent avec le VIH-sida selon les estimations. Sur la Grande Île, l’épidémie progresse de façon très inquiétante : en l’espace de dix ans, les nouvelles infections ont été multipliées par trois. Jusqu’à un quart de la population malgache pourrait être infectée d'ici à 2033 si rien n’est fait, d’après un modèle développé par deux épidémiologistes. À Antananarivo, l’association Fifafi organise des groupes de parole autour de la séropositivité. Pour les personnes infectées, c’est un moyen de rompre l’isolement, et de devenir actrices de la prévention. 

De notre correspondant à Antananarivo,

Les groupes de parole commencent toujours par un tour de présentation. Jeunes adultes ou cinquantenaires, hommes et femmes. Ils sont une dizaine à se retrouver chaque semaine dans les locaux de l’association Fifafi, au cœur du quartier populaire de 67 hectares, à Antananarivo. « Le groupe de parole est un espace dans lequel l’on peut s’épanouir et où l’on se sent protégé, confie Cynthia, 54 ans. Ici, il n’y a ni préjugés, ni stigmatisation. On se sent libres. Je suis travailleuse du sexe et porteuse du VIH. Dans mon milieu, j’ai rencontré d’autres personnes séropositives que j’ai encouragé à rejoindre l’association. »

À travers ces rendez-vous hebdomadaires, l’association Fifafi cherche à briser le tabou qui entoure le VIH, tout en partageant informations et conseils pour aider chacun à vivre le mieux possible avec le virus. « Le principal intérêt du groupe de parole est de faire comprendre aux séropositifs qu’ils ne sont pas seuls, explique Étienne, l’un des fondateurs de l’association Fifafi. C’est l’occasion d’informer les séropositifs sur la possibilité d’enfanter, par exemple, ou de parler des bienfaits des traitements, car les malgaches ont une certaine réticence à prendre des médicaments à vie. On se donne aussi des conseils sur l’alimentation pour qu’elle soit plus saine et équilibrée, parce qu'on en a besoin pour bien vivre avec le virus. »

Pour Étienne, ces discussions placent les malades en position d’acteurs dans la lutte contre le sida. « Le bénéfice quant à la prévention, c’est un changement de comportement : nous sommes conscients d’être séropositifs, donc il faut avoir les bons gestes de prévention pour ne pas transmettre aux autres et pour se protéger soi-même d’autres maladies », argumente-t-il.

L’ignorance sur le VIH conduit au rejet des personnes séropositives par le reste de la société, ce qui favorise la progression du virus, estime Johnson Firinga, directeur du réseau Mad’aids qui réunit toutes les associations engagées contre le VIH à Madagascar. « Quand les populations ne se sentent pas protégées en termes de stigmatisation et de discrimination… Il y a des gens qui se cachent, qui n’osent pas parler à leurs entourages, à leurs partenaires qu’il est porteur du VIH parce que c’est honteux, c’est discriminant. La peur d’être rejeté bloque aussi les gens à se protéger entre eux », regrette-t-il.

Espace d’information et de solidarité, les groupes de parole sont aussi des lieux de réflexion politique où s’expriment des revendications. Par exemple, ce jour-là, pour la prise en charge médicale des femmes enceintes séropositives.

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