Six cordes et des milliers d’histoires
09 January 2025

Six cordes et des milliers d’histoires

L'Épopée des musiques noires
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Dans le récit épique des musiques populaires afro-planétaires, les guitaristes tiennent une place de choix. Souvent au-devant de la scène, ils sont les virtuoses que l’on acclame et que l’on vénère. Ils développent tous un style propre qui les distingue de leurs homologues. Outre le talent, le choix de l’instrument est primordial. Une guitare « Dobro » n’a certainement pas le même son qu’une « Gibson Flying V ». Elle ne raconte pas non plus la même histoire. Elle identifie une époque, un genre musical, une personnalité. Dans son dernier ouvrage, Guitares d’exception (Gründ Editions), Julien Bitoun s’est penché sur ces différences notables qui narrent une épopée centenaire.

Le guitariste universel dont on ne cesse d’analyser le jeu flamboyant depuis des décennies n’est autre que Jimi Hendrix. La hardiesse avec laquelle il bouscula la sonorité de sa « Fender Stratocaster » restera longtemps dans les mémoires. Cette tonalité révolutionnaire fut, certes, popularisée par un virtuose absolu, mais n’oublions pas l’outil, le vecteur de transmission de cette folie créative. Il faut alors se poser la question essentielle : est-ce la guitare qui identifie un artiste ou est-ce l’instrumentiste qui fait scintiller une guitare ? Il faut croire que la réponse à cette légitime interrogation conservera longtemps sa part d’ambiguïté car, dès le début du XXe siècle, les premiers bluesmen adoptaient une posture qui les distinguait de leurs contemporains. Se servaient-ils de leur guitare pour se faire entendre ? Pour se faire respecter ? Pour avoir un statut social dans une Amérique ségrégationniste ? La guitare n’était peut-être pas qu’un passe-temps ludique. Elle offrait à ces valeureux compositeurs afro-américains un moyen d’exprimer leur frustration, leur quotidien miséreux, leur aspiration à la liberté et à l’égalité.

Progressivement, les techniques, les formes, les musicalités des guitares, donneront du crédit et une visibilité à leurs utilisateurs. Chet Atkins ou Sister Rosetta Tharpe, par exemple, deux artistes très distincts, ont marqué leur époque, leur style et leur patrimoine grâce à l’emploi inventif qu’ils faisaient respectivement de leur guitare, « Gretsch » et « Les Paul ». L’intention artistique était radicalement différente. Le choix de l’électrique ou de l’acoustique, les évolutions drastiques des goûts du public, l’apparition de nouveaux courants musicaux, l’exigence de la perfection, tous ces éléments accéléreront la mise sur le marché de nouveaux modèles toujours plus sophistiqués.

Et pourtant, la passion pour l’authenticité artisanale l’emportera parfois sur l’innovation et la performance. Nombre de « guitar heroes » préfèreront s’emparer d’une vieille « Martin D-28 » de 1938 pour retrouver l’humeur originelle de la country music. Bob Dylan fut, par exemple, très friand de ces antiquités devenues, aujourd’hui, très onéreuses. Il y a donc mille raisons de posséder une guitare : le désir de jouer avec l’histoire, de s’affirmer en tant qu’artiste, de parader, de faire sensation ou de séduire son entourage… En parcourant le livre de Julien Bitoun, Guitares d’exception (Gründ Editions), les guitaristes en herbe, comme les plus aguerris, pourront user jusqu’à la corde leurs connaissances encyclopédiques.