Le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig) vient de se voir remettre le prix de la Fondation Mérieux par l'Institut de France. Une récompense qui couronne des années d'efforts en matière de lutte contre Ebola et d'autres virus qui sévissent dans le monde et particulièrement en Afrique. Recherche, soin et formation, le Cerfig est devenu une référence en matière de virologie.
De 2013 à 2014, la Guinée fait les gros titres des journaux face à l'épidémie d'Ebola. Plus de 11 000 morts, un virus mal connu qui effraie et peu de moyens sur place pour endiguer la propagation de la maladie.
C'est à cette période que naît le Cerfig pour mieux préparer et lutter contre la prochaine épidémie. Éric Delaporte, professeur en maladies infectieuses à l'IRD, se souvient de la genèse du projet : « On s'est aperçu qu'il fallait prévenir des nouvelles épidémies. Qu'il n’y avait pas de centre de recherche. Et c'est à ce moment-là qu’avec le président de l’Université Gamal Nasser, il propose : "Et si on faisait un centre à la fois de prise en charge et de recherche ?" C'était ça, la genèse du Cerfig, du Centre de recherche international en infectiologie de Guinée. Ils ont développé leur projet de recherche, ils ont développé leur équipe et surtout, ils ont montré que prévenir les épidémies, c'était possible puisque dans ce centre, il y a des séquençages de plus haut niveau, des analyses de virus de plus haut niveau, et lorsqu'il y a eu – de nouveau cinq à six ans après – une nouvelle épidémie d'Ebola, ils ont été capables d'aller tout de suite sur le terrain, de faire le diagnostic en deux ou trois jours, alors que l'épidémie précédente, ils avaient mis trois à quatre mois et cela avait eu lieu en France ! ».
Capables d'aller tout de suite sur le terrainAbdoulaye Touré, pharmacien et professeur en santé publique, est l'un des deux fondateurs du Cerfig de Conakry : « Aujourd'hui, le centre s'est réellement imposé dans le paysage comme étant capable en termes d'expertise dans le diagnostic et dans la surveillance des maladies infectieuses. On forme des médecins, des jeunes médecins, des jeunes pharmaciens et des jeunes biologistes dans plusieurs domaines, que ça soit en microbiologie, en immunologie, en santé publique. Notre fonctionnement est justement basé sur ce trépied d'interdisciplinarité qui nous permet de bâtir une équipe qui répond de façon holistique aux problèmes de santé. »
Alpha Cabinet Keita, chercheur guinéen et médecin virologue, cofondateur du Cerfig, se réjouit d'avoir reçu ce prix de la Fondation Mérieux, dont les cinq milliards de francs guinéens (500 000 euros) permettront d'aller plus loin dans leurs recherches et la formation en infectiologie : « Oui, ça fait chaud au cœur, parce que d'une certaine façon, on vient de loin. Les défis sont immenses et par le biais de la recherche, on peut apporter beaucoup à son pays. Donc, je pense que nos parcours illustrent un peu cela. Voilà ! À partir de quelques idées, on peut bâtir quelque chose ! On peut impacter un système de santé et on peut permettre à beaucoup d'autres personnes de vivre. C'est ce message particulier que je voulais faire passer. »
Que ce ne soit pas un travail au rabais
Un message que partage le professeur Abdoulaye Touré : « Ce prix pour nous est aussi une façon de montrer aux plus jeunes que c'est possible. C'est possible de s'investir dans notre pays, de développer nos idées, de trouver des solutions nous-mêmes à nos problèmes. Que ce ne soit pas un travail au rabais, mais que ça soit un travail de qualité qui respecte des normes, dans une rigueur qui sera très difficilement contestable pour nous. Le prix Mérieux, c'est un symbole pour nous d'espoir et un symbole d'engagement. »
Aujourd'hui, le Cerfig est devenu un centre de référence en Afrique de l'Ouest. S'il y a eu 11 000 morts en Guinée en 2014, en 2021, lors de la dernière épidémie, grâce au savoir-faire des chercheurs, la maladie n'aura fait qu'une dizaine de victimes.