L'Afrique en marche
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L'Afrique positive sur RFI pour découvrir et mettre en valeur des initiatives gagnantes du continent. Une entreprise innovante, une idée qui mérite d'être relayée, un projet auquel nous pouvons donner un coup de pouce... Chaque semaine, nous ferons un focus sur l'Afrique qui marche et qui donne envie d’aller plus loin !  

Diffusion : dimanche à  5h47, 7h47 et 12h50 TU.

Afrique: une balise «magique» pour les droits d'auteurs des musiciens
01 December 2024
Afrique: une balise «magique» pour les droits d'auteurs des musiciens

La balise GMC est  une invention qui pourrait révolutionner le monde de la musique en Afrique et permettre aux musiciens de toucher le juste prix de leurs droits d’auteurs lorsqu’ils sont diffusés sur le continent. Ce système installé dans les hôtels, salles de spectacle ou radio, transmet les références nécessaires au versement des rémunérations auxquels peuvent prétendre les auteurs et les compositeurs de musique, sans risque d’erreur ou d’oubli. Une invention portée, par un certain A’salfo …

C’est dans un hôtel parisien qu’A’salfo nous montre avec fierté sur son smartphone l'application qui lui permet de savoir en direct quels sont les titres de musique diffusés au même moment dans une centaine de maquis, de restaurants ou bien de café au Burkina Faso. 

« Tu vois, là, c'est un tableau de bord qui nous permet en direct de voir les maquis, les diffusions qui sont faites ! Actuellement, il y a 2 393 sites qui sont en diffusion. Ça, ça doit être à Ouagadougou…. au 'Palmier du 29'. Vous voyez ? là, c’est DJ Al Mourad qui est en train de jouer. Et c'est identifié comme étant un titre de 'musique africaine' ». Sur le smartphone du chanteur de Magic System défilent en direct les titres qui, minute par minute, sont joués et identifiés au Burkina Faso.

C'est parce qu'il en avait assez de ne pas avoir de données précises et représentatives de la diffusion de ses titres et des droits d'auteur générés, qu’A’salfo a mis au point cette balise, couplée à une application permettant de transmettre en simultané toutes les informations nécessaires aux bureaux des droits d'auteurs africains. 

« Tel ou tel artiste a été diffusé à tel endroit, à telle heure, à tel moment. Y’a pas d'erreur possible ! » se félicite le chanteur ivoirien. « Le boîtier ne peut capter que ce qu’il entend et l'algorithme va donner le classement des artistes, le top 10 des artistes les plus écoutés au Burkina. Aujourd'hui, par exemple, le premier a été diffusé 141 fois. Il y a 'Magic System' qui vient avec 24 diffusions en septième position. Voilà le classement, il est fait, on peut sortir les rapports. Je peux vérifier les balises qui sont fonctionnelles ou pas dans les espaces à Ouagadougou, au 'Golden VIP' ou au 'Ouagadougou mix'. Voilà ! ces balises-là qu’on voit sont actuellement fonctionnelles ». 

Y’a pas d'erreur possible ! 

Grand comme un disque dur informatique, ce système a été adopté en avril dernier par le BBDA du Burkina Faso et 500 balises ont été implantées dans différents lieux entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.

Patrick Lega, directeur du Bureau burkinabé des droits d'auteur, se montre satisfait du résultat. 

« Bien sûr que c'est quelque chose qui va venir résoudre beaucoup, beaucoup de problèmes ! Notamment les insatisfactions, les suspicions, les crises ou les revendications des acteurs puisqu’avec cet outil, on saura quel est l'artiste qui est le plus joué, la tendance, l'évolution, ainsi de suite… Là où les médias, les radios ou les utilisateurs doivent remplir, recenser et nous transmettre pour exploitation, il y a des fiches qu’ils se doivent de remplir. Mais certains ne les remplissent pas fidèlement. Donc ça pose un véritable problème dans le processus même de répartition. Voilà, entre autres, un des éléments qui nous a amenés à avoir un outil comme celui-ci pour pouvoir enclencher une répartition vraiment juste ». 

12 milliards d'euros de droits d'auteurs

En 2022, les revenus reversés au titre des droits d'auteur dans le monde étaient de 12 milliards d'euros. Cette même année, le continent africain, lui, n’a reversé qu'à peine 80 millions. Selon Luc Mayitoukou, spécialiste des questions des droits d'auteurs, nul doute que le système de balises automatique réglera une bonne partie du problème. 

« Les solutions qui permettent de casser des barrières, d'éliminer des étapes vont forcément permettre de mieux collecter ! Parce que le manque de documentation, c'est un des indicateurs qui fait qu'on a des taux de déperdition de revenus. Et un système comme celui-là, c'est une première expérience, pour les pays où c'est utilisé, de voir leurs revenus augmenter, tant dans la collecte que dans la répartition. Je suis optimiste. Il en faut plusieurs. Il nous faut encore plus de mécanismes comme cela pour permettre de réduire le manque à gagner, issu du manque de documentation ». 

Si la balise d’A'Salfo n'est implantée qu'au Burkina Faso pour le moment, elle pourrait faire prochainement son apparition au Bénin, au Togo et, bien sûr, en Côte d’Ivoire. 

Kayfo Game, l'enjeu des jeux vidéo en Afrique
24 November 2024
Kayfo Game, l'enjeu des jeux vidéo en Afrique

Le jeu vidéo — souvent sur smartphone ou sur tablette — est de plus en plus pratiqué par les jeunes en Afrique et l’on voit éclore de nouvelles sociétés de création de jeux sur le continent. À Dakar, Kayfo — qui signifie « Viens jouer » en wolof — est l’une d’entre elles.

Sur votre smartphone, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire où ces jeux sont distribués, vous pouvez vous amuser et passer le temps sur Djambar MatchKay Ludo ou Dakar Secrets. Des jeux vidéo téléchargeables et créés par Kayfo, une société sénégalaise qui, depuis cinq ans, crée des jeux à destination du public africain. Casse-tête, jeu de course, football ou bien jeux éducatifs, ces jeux présentent une unité :  celle d’adopter un look et des codes africains.

Candy Crush sénégalais

C’est ainsi, par exemple, que le « Candy Crush » de Kayfo fait évoluer non pas des bonbons dans des colonnes, mais des masques traditionnels. Thierno Ndiaye est l’un des concepteurs de ces jeux : « On était fans des jeux vidéo auxquels on jouait, mais souvent, on ne voit pas de personnages africains au niveau des jeux, donc c’était important pour nous de montrer une représentation des personnages africains au niveau des jeux vidéo. On a par exemple un jeu, Détective Syra, où l’ensemble des lieux est inspiré de lieux et d’environnements qu’on retrouve ici, à Dakar, et qui permet ainsi de montrer notre culture à travers ce jeu-là ». 

Kayfo en wolof signifie « Viens jouer ! » Cette invitation, c’est Julien Herbin, ex-Ubisoft, une major du jeu vidéo dans le monde, qui l’a lancée il y a cinq ans en débarquant à Dakar et en créant au Point E sa société Kayfo.

« Le marché des jeux vidéo en Afrique est essentiellement présent sur smartphone, avec 95 % des joueurs qui jouent sur leur téléphone », explique-t-il.  « La particularité de ces jeux en fait, c’est qu’ils ne s’installent pas. Ce sont des jeux instantanés, donc il suffit d’aller sur notre site web et on peut y accéder directement. On compte en nombre de joueurs uniques mensuels, environ 100 000 joueurs sur nos 4 ou 5 jeux les plus populaires. Il y a évidemment des sociétés qui font des millions, voire des dizaines de millions de joueurs mensuels, à l’échelle mondiale. Mais pour un petit studio africain qui débute, je trouve que c’est quand même assez intéressant comme chiffre. La croissance des marchés africains ne fait que grandir, largement plus vite que les autres marchés au niveau mondial ». 

Dakar game hub, incubateur à talents créatifs

Pour répondre à ce marché grandissant, il faut des compétences. Or, les écoles spécifiques de conception de jeux vidéo sont rares en Afrique. Aussi, depuis un an et demi, un « Sénégal gaming hub », un centre de jeu, a été mis en place par Kayfo et un autre studio de jeux vidéo, Masseka, en partenariat avec la Délégation sénégalaise à l’entrepreneuriat et l’Ambassade de France. « C’est l’idéal pour les jeunes qui sont incubés là-bas de pouvoir avoir cette formation en game design, pour qu’ils puissent un peu comprendre ce qu’est le game design, se réjouit Marie Pierre Thiam, coordinatrice de cet incubateur à talents créatifs. C’est beaucoup de domaines qui s’allient pour pouvoir faire des jeux vidéo. On a des artistes, des artistes en 2D, en 3D, il y a des animateurs, on a même des sound designer, des gens qui s’occupent de faire les effets sonores, la musique du jeu... L’idée, c’est de pouvoir faire en sorte qu’ils puissent travailler ensemble en synergie pour arriver à créer des jeux ».

Ce « Sénégal gaming hub » a été financé par l’Ambassade de France.  Mathieu Bécue est attaché de coopération, innovation et économie numérique, c’est lui qui a coordonné le projet qui accueille une dizaine « d’apprenants » tous les six mois. « Si on imagine que, à l’échelle mondiale, on a un marché du jeu vidéo qui représente 300 milliards d’euros environ et qu’un seul 1 %  de ce marché est capté par le marché africain, il est important de pouvoir se dire qu’il y a un potentiel considérable avec une demande qui est exprimée. Mais la capacité de répondre à cette demande, avec la création de jeux vidéo sur des contenus africains, est extrêmement faible aujourd’hui. Donc l’idée était de pouvoir développer un écosystème favorable sur le continent, et ça, c’est une approche assez unique ». 

Au terme de six mois d’incubation, les apprentis concepteurs de Game Hub peuvent toucher, pour les projets les plus aboutis, une bourse afin de créer leur propre société de production de jeux vidéo et peut-être, un jour, comme Kayfo « s’amuser » à développer des jeux pour la jeunesse africaine. 

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Okochoko au Bénin, grand chocolatier pour petit pays producteur
17 November 2024
Okochoko au Bénin, grand chocolatier pour petit pays producteur

Si vous êtes passé au salon du Chocolat de Paris le mois dernier, vous avez peut-être remarqué, entre les grands exposants africains - Côte d'Ivoire, Ghana, Madagascar – le stand d’un petit pays, lui aussi producteur de cacao : le Bénin et l’un des rares chocolatiers du pays, « Okochoko ». C’est la marque créée par un ex-cadre de banque qui a décidé de mettre en valeur le cacao de son pays.

« Ce sont des produits de chocolat essentiellement noirs à 70% avec de la noix de cajou et en dehors de ça, on a des tablettes de lait ». C'est à Paris, au salon du Chocolat, que Maxime Elegbede, ancien cadre de banque, présente ses différentes créations. Okochoco, c'est l'histoire d'une reconversion chocolatée réussie. 

Cet ancien de la BOA (Bank of America) nous explique le déclic qui l’a conduit à changer de voie : « C'est accidentellement que j'ai embrassé cette profession de chocolatier parce que j'ai découvert qu'il y avait du cacao au Bénin. Les paysans étaient un peu "forcés" à vendre ce cacao-là au Nigeria, aux règles des Nigérians. Et je leur ai promis que j'allais acheter le chocolat à un meilleur prix. Depuis quatre ans, je travaille exclusivement avec du cacao du Bénin ». 

Bien sûr, quand on vient de la finance, on ne s'improvise pas chocolatier du jour au lendemain. Et si Maxime Elegbede réussit avec ses dix salariés à transformer cinq tonnes de fèves béninoises tous les ans, c'est parce qu'il a été à bonne école. 

« Quand je prenais mes vacances, au lieu d'aller au bord de la mer, j'allais apprendre à faire le chocolat, je suis allé dans plusieurs pays, se souvient-il. Je vais citer une seule personne : Christophe Bertrand, de la chocolaterie "La Reine Astrid". Il est d'une ouverture d'esprit extraordinaire. L'année dernière, il a payé le billet d'avion pour un de ses employés qui est venu passer deux semaines à Cotonou. Avoir une personne qui est à ce niveau d'ouverture d'esprit, ce n’est pas facile ! Mais ce qui est rassurant, c'est que ça existe toujours. Et il faut rechercher ces personnes-là et leur rendre hommage aussi. »

À deux pas du stand de Okochoko, il y a justement Christophe Bertrand, le patron des chocolats « La Reine Astrid ». 

« Un autre moyen d'améliorer le revenu des planteurs de cacao, c'est aussi de tirer la consommation vers le haut, et notamment en faisant consommer du cacao dans les pays producteurs de cacao, puisque aujourd'hui, ils n’en consomment pas. Ce qui est toujours très difficile pour eux, c'est qu'ils n'ont pas les machines qui vont bien. Je veux dire, on était au Cameroun il y a trois semaines, on a visité une société qui s'appelle "Choco theré", ils ont une petite machine 'made in Cameroun', la machine ne tourne pas assez vite, le chocolat ne monte pas en température, on ne fait pas envoler l'acidité… Ce qui est important, c'est que ces gens-là soient accompagnés et je pense essentiellement nous, chocolatiers français, belges, etc. On peut, simplement, en donnant un peu de notre temps, les aider », explique le chocolatier.

Des cacaoculteurs passionnés 

Ce qui fait la saveur de cette aventure chocolatée, ce sont aussi des rencontres humaines. Au Bénin, le cacao 70% de Maxime Elegbede a séduit des boulangers et des restaurateurs : « On fait une mousse au chocolat chaud avec son chocolat. Un petit caramel mou dessus au beurre salé, je m'en sers pour faire des chouquettes, des crémeux et un sorbet chocolat ». 

À Calavi ou à Cotonou, dans ces restaurants, le chef français Jimmy Nival utilise l’Okochoko dans tous ses desserts : « Maxime se donne du mal et il se donne à fond dedans. Moi, c'est vraiment ce qui me plaît, c'est avec des petits producteurs, il y a le chocolat et puis je dirais qu'il y a le bonhomme qui va avec… Pour moi ça fait un ensemble, et je trouverais dommage d'en importer alors que celui qu'on a ici, franchement, il est très, très bien. C'est vraiment une valeur ajoutée de pouvoir dire que c'est du Bénin, du coup, c'est valorisant ». 

Le corollaire de la transformation locale des fèves en chocolat, c'est l'implication des cacaoculteurs et la qualité des fèves produites, comme le souligne Julien Tisserat, ingénieur agronome pour la marque de chocolat Ethiquable

« On voit cette dynamique-là dans tous les pays, explique-t-il. Je l'observe à Madagascar, on le voit aussi en Côte d'Ivoire ou au Togo. Il y a des coopératives au Togo qui commencent à produire aussi des tablettes de chocolat. La SCEB (Coopérative équitable du Bandama) avec qui on travaille en Côte d'Ivoire se lance aussi dans la production de tablettes de chocolat. En tout cas, je pense que ça peut être un bon complément, pour apporter la valeur ajoutée et diversifier les revenus. Et cela peut être aussi une manière d'augmenter les références, les normes de qualité au niveau des fèves de cacao, donc ça va dans le bon sens. »

L'émulation entre cacaoculteurs et chocolatiers permettra sans doute un jour à tous les béninois de manger un chocolat haut de gamme « made in Bénin ». C'est en tout cas le rêve de Maxime Elegbede. 

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L'art contemporain africain en plein essor
10 November 2024
L'art contemporain africain en plein essor

La 15ème édition de la Biennale d'art de Dakar qui vient de s'ouvrir en est  l'illustration : on assiste à un essor de l'art contemporain africain. Les galeries et les fondations se multiplient, les artistes du continent accèdent à une certaine notoriété et leurs œuvres se vendent de plus en plus.

Sculpteurs, peintres ou photographes, les artistes contemporains du continent ont le vent en poupe. Selon Art Basel en Suisse - l'un des principaux marchés internationaux d'art contemporain - les artistes africains ont vu les ventes de leurs œuvres passer de 47 millions de dollars en 2021 à 63millions l'année suivante. L'une des conséquences de ce succès, c'est la multiplication des lieux d'exposition en Afrique. Yacouba Konaté est le directeur de la galerie de la Rotonde des arts, l'une des premières à Abidjan. Il a vu, depuis le début des années 2000, ces galeries se développer. « Si je prends l'exemple d'Abidjan, en 2006 il y avait peut-être trois ou quatre galeries mais l'année dernière on était onze, ce qui renvoie aussi à l'effectif de plus en plus grand d'artistes pertinents. Moi, j'en reçois au moins cinq par semaine qui viennent me montrer ce qu'ils veulent faire. Et puis tu as des collectionneurs qui commencent à s’intéresser à cet objet dans la mesure où tout le débat sur le patrimoine incite chacun à comprendre que le patrimoine de demain, c'est l'art contemporain d'aujourd'hui ».

Un patrimoine artistique qui a besoin d'être accompagné dans son émergence. Au Cameroun et en Tunisie, par exemple, l'Agence française de développement soutient deux centres artistiques comme nous l'explique Gaëlle Mareuge, responsable des industries culturelles et créatives à l'AFD. « On a le projet qui s'appelle Bandjoun Station au Cameroun, qui est porté par Barthélémy Toguo qui a pour objectif de rehausser le niveau et la qualité de production des filières artisanales en Afrique. L'idée, c'est de stimuler la création avec des résidences d'artistes, des œuvres monumentales et de favoriser la professionnalisation des artistes. Avec Afrique créative (programme d’incubation ndlr), on a le projet Cloud Visual Art en Tunisie qui propose d'utiliser la plateforme archive art qu’ont Wafa Gabsi et Khalil Liouane. C'est aussi une plateforme d'expertise qui permet dans l'art contemporain, d'avoir en fait une galerie virtuelle pour refléter aussi les tendances digitales contemporaines ».

Autre effet du succès artistique : la volonté pour ces plasticiens reconnus internationalement de revenir dans leur pays pour s'investir dans des structures ou des ateliers de création, ce dont se félicite Olivier Sultan, directeur de la galerie photo Art-Z à Paris, rue Keller.

« Tout ça, c'est un phénomène relativement nouveau et que je trouve vraiment très important parce que quand on regarde l'essor de l'art contemporain, que ce soit occidental ou chinois ou américain, ça a toujours été accompagné d'un soutien local. Et là, comme le soutien de certaines autorités se fait attendre, les artistes les plus reconnus prennent l'initiative et  se disent : « Bon, on va pas attendre de nos gouvernements qu’ils mettent la main à la poche ! On va le faire nous-même ! » Donc, ça c'est vraiment très positif. Avant  le succès se matérialisait par une installation en Occident. Maintenant ça commence à être matérialisé par un retour, un retour au pays ».

C'est ainsi que la peintre Bill Kouélany a créé les Ateliers Sahm à Brazzaville. En ce moment à Dakar, elle accompagne, avec le soutien du Fonds Metis, d'autres artistes africains en devenir pour qu'ils se confrontent aux réalités du marché à la biennale.

« Oui ! L'idée qui me vient c’est de me dire : « Mais quoi faire pour les jeunes ?! » Vendre à Brazza ça ce n'est pas évident. Ça c'est clair. Je pense qu'un artiste peut passer peut-être toute une année sans même vendre. Par contre, depuis 2014, j’emmène les artistes à la Biennale de Dakar. Donc il y a une certaine fidélité des collectionneurs quand ils entendent parler des Ateliers Sahm, forcément ils viendront au rendez-vous. Donc, on espère effectivement que les jeunes auront la possibilité de pouvoir vendre ! », dit-elle.

La Biennale de Dakar attend plus de 400 000 visiteurs d'ici le 7 décembre. Tous ne seront évidemment pas des acheteurs, mais chacun pourra constater la vigueur de la création artistique africaine.

La mode à Abidjan, facteur chic et choc contre la discrimination des handicapés
03 November 2024
La mode à Abidjan, facteur chic et choc contre la discrimination des handicapés

Alors que le monde a été enthousiasmé cet été par les Jeux paralympiques de Paris 2024 et en véritable communion avec les athlètes handicapés, pourquoi ne pas prolonger cette inclusion dans le monde de la mode ? C'est le projet de l'association ivoirienne Les amis du cœur qui, pour la deuxième année consécutive, le 14 novembre prochain à Abidjan, organise un défilé de mode : le « Handicap Fashion Show ». Dix mannequins valides et dix mannequins handicapés présenteront, ensemble, à la résidence des Pays-Bas d'Abidjan ce qui se fait de plus beau en matière de mode ivoirienne. Montrer sa beauté et son dynamisme là où certains ne voient que laideur et préjugés. 

Le Handicap Fashion show d'Abidjan, c'est un rendez-vous festif qui conjugue haute couture et handicap. Un défilé de mode ouvert à tous pour casser les à priori et les regards négatifs de certains sur les personnes souffrant de paralysie, d'un membre amputé, d'albinisme ou encore d'autisme.

« C'est un peu complexe, quand on est handicapé, parfois, on se moque de vous, parfois on vous dénigre, parfois on vous aime, parfois on vous aide. Ce n’est vraiment pas évident, la vie d'une personne en situation d'handicap pour se faire accepter. C'est compliqué », nous explique Nuella. 

Chanteuse originaire de Yopougon, elle est l’organisatrice de ce défilé. Elle-même a souffert de cette stigmatisation. Loin de la décourager, cela l’a motivée à faire bouger les choses, entre autres avec son association Les amis du cœur

« Ca va prendre le temps que ça va prendre, mais on ne doit pas lâcher »

« Ce qu'on ne doit pas faire, c'est vraiment abandonner. Dire non, rien ne se fait pour nous, donc on laisse tomber. Non, on doit se faire entendre, ça va prendre le temps que ça va prendre, mais on ne doit pas lâcher. À force de se faire voir, à force de se faire entendre, c'est ainsi que l'inclusion va vraiment se faire et que l’on va montrer aux gens que handicapé ou pas handicapé, tout le monde a le droit d'exister. » 

Exister et se montrer comme tout un chacun et travailler comme n'importe qui. Car au-delà de ce Handicap fashion Show, le projet est de former ses participants handicapés aux métiers de la mode : mannequinat, couture, maquillage ou coiffure... C'est pour cela que des stylistes réputés en Côte d'Ivoire comme Reda Fawaz ou des coachs en mannequinat comme Maître Kassere ont tout de suite adhéré au projet de Nuella pour prodiguer des master class. 

« J'ai demandé à une fille qui était dans un fauteuil roulant, de faire un premier test. Et je vous assure que quand elle est montée sur la scène avec sa chaise roulante, mais c'était extraordinaire ! C'était émouvant… ! On a vu le public qui faisait des photos avec ces mannequins-là. C'était extraordinaire ! ». s’enthousiasme Kassere.

« Je me détestais, je ne voulais plus vivre ! »

Si l'en est une qui s'épanouit dans ce rôle de mannequin — elle est par ailleurs maquilleuse –, c’est Yaba Zalissa Imourou. Et pourtant : « Un jour, tout à coup, comme ça, tout a basculé. Je me suis retrouvée dans un fauteuil. Je me détestais, je ne voulais plus vivre ! ». Il y a dix ans, cette jeune femme de 31 ans a été clouée dans un fauteuil roulant à cause d'une drépanocytose mal soignée. Un handicap qui n'a pas empêché Yaba d'être acclamée lors du défilé de l'an passé. 

« C'était vraiment merveilleux. Je n'ai pas de mots parce que les personnes en situation de handicap ont l'habitude de se cacher… Ils ( les spectateurs) ne s'attendaient pas à voir une personne aussi belle que je suis ! Après le défilé, je me suis dit : "Ah, donc moi aussi, je vais faire quelque chose, hein ! Ah tu vois, on va déclencher un truc qui va apporter plein de courage aux autres." Ils vont vouloir se montrer eux aussi. Et c'est ça, c'est le combat ! ».

Un combat et une inclusion des handicapés africains qui passent aussi par un emploi. Souvent rejetés du monde du travail, la motivation des handicapés est pourtant souvent démultipliée pour encore mieux s'intégrer. 

De la difficulté peut naître, parfois, une surmotivation. Hervé Bernard est directeur de l'inclusion à l'ONG Handicap international. Son organisation accompagne les handicapés d’Afrique dans l’inclusion sociale et professionnelle. « On ne veut pas non plus construire un autre stigma et un autre biais qui serait "l’ultra positivité" ou le super héros handicapé. On fait très attention aussi à cela. Mais par contre, c'est vrai que toute personne qui galère et qui a du mal à trouver un travail quand on lui tend la main et qu'on l'accompagne, en général, ce sont des personnes qui en sont reconnaissantes et qui saisissent ces chances. Mais ce sont des personnes comme les autres. »

Pas d'angélisme donc, en matière de handicap, mais un réel enjeu en matière d'inclusion sociale et professionnelle. En 2014, on estimait à 450 000 le nombre de personnes handicapées en Côte d'Ivoire. Selon les Nations unies, elles sont plus de 80 millions sur le continent.

Africa Prime initiative met en lumière la nouvelle génération d'artistes africains
31 August 2024
Africa Prime initiative met en lumière la nouvelle génération d'artistes africains

Soutenir la création artistique et favoriser l’émergence de jeunes talents africains, c’est l’objectif de l’Africa Prime Initiative. L'API est une bourse décernée chaque année à une sélection de plasticiens du continent. Cette année, le Ghana et le Sénégal sont à l’honneur.

Choisir un pays africain, y trouver une galerie artistique partenaire et procéder à une sélection de plasticiens pour les récompenser par une bourse, telle est la philosophie de l'Africa Prime Initiative. La branche philanthropique d'une plateforme américaine de streaming vidéo reverse un peu de ses bénéfices via cette initiative pour soutenir les jeunes créateurs du continent depuis 2022, après Madagascar et la Namibie. 

Cette année, c'est un pays francophone, le Sénégal, et un autre pays anglophone, le Ghana, où a eu lieu simultanément ce concours. Barbara Kokpavo, directrice de la galerie Soview à Accra au Ghana, revient sur le processus de sélection. 

2 000 dollars pour chaque jeune artiste africain

« Le principe était de sélectionner que des artistes émergents qui avaient moins de 35 ans et qui travaillaient soit dans le domaine de la photographie, de l’art plastique ou même de l'installation. C'était assez ouvert. Il y a eu une cinquantaine d'artistes qui ont postulé pour le concours et avec l'équipe du Africa Prime, on a pris le soin de lire chaque projet. On demandait aux artistes d'écrire un projet qu'ils avaient envie de réaliser et ensuite on a fait  la sélection des cinq lauréats ».

Cette année, ce sont quatre plasticiens d'Accra et un de Kumassi qui ont été retenus sur la base d'un projet proposé et réalisé par chacun d'entre eux. La somme de 2 000 dollars qui a été remise à chacun leur permettra d'améliorer leur capacité de création. À Dakar, Linjie Zhou est la commissaire qui a procédé avec la galerie Loman à la sélection des créateurs sénégalais. 

« L'Africa Prime Initiative a offert une bourse pour les artistes sénégalais cette année afin de les accompagner dans la création d'une nouvelle œuvre et dans le cadre d'une exposition qu'ils ont faite ensemble. Nous avons donc procédé avec la galerie Lomane à la sélection de cinq de ces artistes parmi soixante-dix candidatures. L'idée est de les accompagner dans leur progression artistique et cela passe par la possibilité pour eux de s'acheter du matériel comme des toiles, de la peinture ou tout ce dont ils ont besoin. Nous avons par exemple une céramiste qui a besoin d'outils spécifiques. Donc tout le matériel a été financé par cette subvention. 

Pour l’un des lauréats sénégalais, le photographe Xaadim Bamba Mbow il y a un sentiment de fierté à avoir été sélectionné.

« Oui, c'est une fierté. C'est un honneur aussi d'être choisi parmi beaucoup d'autres talentueux artistes. Ça nous rassure que notre travail est apprécié et que le travail mérite d'être investi. Je pense que c'est important et les artistes ont besoin de ce genre d'initiatives. Cela nous booste en quelque sorte ».

« Ah ! en fait son travail est intéressant !?! »

La plupart des plasticiens récompensés le confirment, outre la somme allouée, le fait d'être sélectionné et ainsi mis dans la lumière les conforte dans une ambition artistique pas toujours facile à assumer, comme l’explique Barbara Kokpavo

« Pour l’un des artistes, Emmanuel qui est de Kumasi, il sort directement de l'université, il s'est senti valorisé parce que dans sa famille, il n’était pas vraiment accompagné dans cette trajectoire. » Et le fait de recevoir un prix, ça vient conforter sa famille qui se dit : « Ah ! En fait, son travail est intéressant !?! ».

L'Africa Prime Initiative est aussi un moyen d'exposition et de reconnaissance aux yeux d'un marché international de l'art de plus en plus friands de créations contemporaines africaines« En tant qu'artiste, on veut être reconnu pas seulement ici à Dakar, mais aussi à l'international » explique Ami Célestina Ndione, une autre lauréate sénégalaise.

«  Heureusement, on a la Biennale de Dakar, pendant le Dak’Art, il y a pas mal de visiteurs, des collectionneurs qui passent, donc, même si on n'a pas d'espace pour exposer, tu peux rencontrer des gens qui peuvent venir voir ton travail ».

Pour apprécier les artistes ghanéens et sénégalais, sélectionnés et récompensés par l’API, leurs nouvelles créations seront exposées cet automne à Dakar et à Accra aux galeries Loman Art et Soview.

À lire aussiApi Afrique rend les femmes et mères sénégalaises plus heureuses

Zabbaan, le goût des fruits maliens pour tous
28 August 2024
Zabbaan, le goût des fruits maliens pour tous

Aïssata Diakité a conjugué son goût pour les fruits de son pays, avec un marché qui s'ouvre de plus en plus à l'international, celui des jus, des confitures ou des tisanes, issus de l'agriculture ouest-africaine. En sept ans, sa marque Zabbaan a su promouvoir un savoir-faire auprès des consommateurs friands de nouveaux goûts, au bénéfice des coopératives agricoles avec lesquelles elle travaille.

Le Zabbaan… si vous n'avez jamais goûté ce fruit acidulé et délicieux, Aïssata Diakité se fera un plaisir de vous expliquer de quoi il s'agit. « En fait, c'est un fruit, un peu comme le fruit de la passion. Riche en vitamines C. Quand j'étais petite, j'allais chercher ce fruit dans la forêt et c'est très dangereux parce que l'arbre est souvent truffé de serpents. J'ai tellement été punie pour ça !  (rires) Donc, je pouvais vraiment pas louper ce fruit-là en fait pour le nom de mon entreprise », explique cette entrepreneuse trentenaire qui navigue entre Paris et Bamako.

De l'interdit de son enfance, puis ensuite d'un master en agrobusiness en France, Aïssata a conservé deux choses : d'une part, une passion pour les saveurs des fruits africains de sa jeunesse et d'autre part, la volonté de les transformer en jus, en confiture, en confiserie de qualité, accessible au plus grand nombre. De là, est née en 2017 l'entreprise Zabbaan, du nom de ce fruit qui pousse dans les arbres de Mopti et d'ailleurs au Mali.

Pas de produits africains dans les rayons

« Je suis née dans une région très agricole », explique la patronne malienne. « La région du Mopti. Donc après mon baccalauréat scientifique, je suis venue en France pour étudier l'agrobusiness et j'ai été très choquée de voir qu'il n’y a pas de produits africains dans les rayons quand on fait nos courses. Quand je faisais mes travaux pratiques à l'école, c'était tout le temps avec des fruits, des poires, des pommes ou des pâtés de porc, etc. etc ». « Donc, les week-ends, je m'amusais à faire beaucoup d'essais avec d'autres produits pour essayer d'innover et créer une gamme. »

Quatre-vingts produits différents sortent depuis de son usine de Bamako pour le marché malien, mais aussi sous-régional comme en Côte d'Ivoire, au Sénégal ou bien au Bénin. Des produits qui s'exportent aussi de mieux en mieux en France dans certaines épiceries fines ou des hypermarchés comme la chaîne Carrefour.

Le parfum du fruit ressemble de plus en plus, aujourd'hui, au parfum du succès, même si les débuts n'ont pas forcément été faciles pour cette entrepreneuse malienne.

« L'accès au financement est très, très difficile en Afrique. C'est une problématique pour toutes les PME et en même temps, une femme va plus galérer qu'un homme. Moi-même au Mali, j'ai vu des business plans d’hommes qui ont été financés alors que nous (les femmes) on est là, on est en activité, tu as des chiffres, tu as une réalité, mais on ne te finance pas ! Donc, il y a beaucoup de discrimination. Je ne me victimise pas, mais ce sont des faits que je mets sur la table. Ce n'est pas pour autant aussi que j'ai abandonné. Cela donne beaucoup d'énergie et en même temps, quand on arrive à avancer, le succès est beaucoup plus beau à célébrer, en fait », se réjouit cette femme battante que l’on sent néanmoins contrariée par ce constat d’une discrimination au financement à qualité et compétence égales, voire, supérieures.

Quand on arrive à avancer, le succès est beaucoup plus beau à célébrer

Le succès de Zabbaan, Catherine Mounkoro l'apprécie également. Catherine est responsable d’une coopérative agricole de femmes à Gwadouman Goundo dans la commune de Koulikoro au Mali. Avec trente de ses collègues, elle récolte le mil, le pain de singe ou l'hibiscus pour fournir l'usine de Bamako.

« Si c’est de la qualité, c'est sûr que ça va marcher sur le marché ! Nos produits partent en France, en Côte d'Ivoire, au Burkina, donc c'est une fierté pour nous, ça fait que la coopérative est reconnue au Mali. Tu sais que vraiment ces gens-là sont en train de mouiller le maillot, vraiment ! », s’enthousiasme Catherine.

Ce projet intégré de l'agriculture jusqu'aux produits finis en magasin s'est fait avec l'expertise professionnelle de Aissata Diakité bien sûr, mais aussi avec un petit coup de pouce du programme Pass Africa, un programme de BPI France qui vise à accompagner et à conseiller les porteurs de projets comme celui-ci.

Sébastien Pascaud, coordinateur du Pass Africa, en explique la philosophie. « Au travers du pass, on va accompagner des entreprises qui ont parfois cette double culture, et Aissata en est un exemple. C'est l'association du meilleur des deux mondes, avec une vision technique la plus développée à travers ses études. Et ces éléments-là, elle vient aussi les apporter pour déployer et partager la valeur entre les deux continents. »

Zabbaan, une PME d'une trentaine de salariés à Bamako, et avec des milliers d'associés dans les coopératives agricoles, ne compte pas s'arrêter là. Le projet d'Aïssata est, un jour, de développer son propre réseau d'épiceries africaines dans le monde.

Téré Box distribue de l'énergie propre au Burkina Faso
18 August 2024
Téré Box distribue de l'énergie propre au Burkina Faso

Au Burkina Faso, deux jeunes entrepreneurs ont créé et commercialisé une boîte à outil électrique. Un système « tout compris » qui permet au foyer de s'équiper en électroménager et de bénéficier d'une énergie quasiment gratuite : l'énergie solaire. La Téré box, conçue par la société Alioth, fait des heureux dans les zones les moins bien desservies en électricité au Faso.

Sur le stand du dernier salon Vivatech de Paris, où il exposait en mai dernier, Abdala Dissa, le cofondateur d'Alioth System, ne manque pas d'enthousiasme pour présenter son invention : la Térébox, littéralement la boîte solaire en langue dioula. « C'est le produit le plus distribué depuis qu'on a commencé. On en a vendu au moins 35 000 au Burkina, en milieu rural et même en milieu urbain. » La Térébox est une boîte grosse comme une armoire à pharmacie, branchée sur un panneau solaire reliée à un équipement de base pour les familles burkinabè, celles qui vivent dans les zones les moins bien distribuées en réseau électrique. Christophe Tougri, cofondateur et président d'Alioth System, explique le fonctionnement de leur invention.

Système inclusif

« C'est une box intelligente qui permet d'accumuler l'énergie et de la distribuer sur plusieurs types d'utilisation. On a la lampe, on a la télé, on a le ventilateur et puis on a le système de recharge de téléphone. Dans le profil d'un utilisateur de la Sonabel qui est la société nationale d'électricité au Burkina, ce genre d'équipement correspond à quelqu'un qui est branché sur un segment de trois ampères. Le panneau solaire est sur le toit, la box à l'intérieur. On fait le système de câblage pour les lampes, il y en a six : au salon, dans les chambres ou pour la femme qui vend les cacahuètes dehors. Cela permet aux élèves qui sont sur la terrasse de pouvoir aussi lire et étudier. 

« On fournit aussi une torche, une radio qu'on donne pour permettre au chef du foyer d'être tranquille dans son fauteuil, d'écouter RFI », plaisante l'un des deux patrons d'Alioth.

Même si les composants sont fabriqués en Chine, l'assemblage de la boite électrique s'effectue à Ouagadougou grâce aux 50 employés que compte l'entreprise depuis 2017.

L'Afrique est le premier continent de l'innovation

Les deux cofondateurs ont lancé l'aventure d'Alioth System en revenant d'expatriation au Faso ont misé toutes leurs économies, soit 60 000 euros, dans ce projet un peu fou, mais sur lequel a aussi parié Orange. L'opérateur téléphonique s'est associé à Alioth en permettant le prélèvement, via Orange Money, des factures pour l'achat du kit ce dont se félicite la directrice exécutive RSE d'Orange, Elisabeth Tchounghi : « Je suis convaincu de deux choses. La première, effectivement, ces start-up apportent des réponses à des besoins locaux. Mais je vais plus loin, je pense qu'aujourd'hui, l'Afrique est le premier continent de l'innovation dans le monde. Cette créativité des start-up africaines qui évoluent justement dans un contexte parfois complexe, cette approche innovante au bénéfice de tous, je trouve que ce sont des start-up qui ont des leçons à donner au monde entier. Donc je suis absolument convaincue que l'Afrique est le continent de l'innovation pour répondre aux grands enjeux de transformation de notre siècle. »

L'un des enjeux du siècle, c'est aussi le transport propre. Or l'autre projet de Christophe Tougri et d'Abdalla Dissa, c'est de développer une formule de commercialisation de scooters et de voitures avec des batteries électriques adaptées aux fortes chaleurs du Burkina Faso.

Accompagner les sportifs africains de demain et ceux en reconversion
12 August 2024
Accompagner les sportifs africains de demain et ceux en reconversion

Y a-t-il une vie après les Jeux olympiques et après le sport pro en général ? Alors que les JO de Paris s'achèvent, rencontre avec un incubateur qui propose aux sportifs africains ou de la diaspora d'aborder leur carrière de la meilleure manière possible afin d'assurer leur avenir à l'issue de leur parcours sportif. 

On peut être doué pour le sport de haut niveau et se trouver démuni quand il s'agit de gérer sa carrière. C'est avec ce constat qu'Abdoulaye Sidibé, concepteur du programme Incubasport, propose depuis 2022 de conseiller, d'accompagner des sportifs professionnels africains ou binationaux dans leur parcours et, aussi, lors de la délicate période de fin de carrière. « On sait que la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau, c'est un vrai sujet, constate Abdoulaye Sidibé. Ils sont exposés, ils ont aussi des grosses pertes de revenus. Il y a beaucoup de choses qui arrivent après une carrière quand on n’a pas assez anticipé et l'idée est vraiment de les accompagner pas à pas, soit sur leur projet professionnel : créer une entreprise, créer une association…. Soit personnellement, c'est-à-dire avec un suivi athlétique, un suivi sur la santé ». 

L'objectif est aussi de permettre à de jeunes sportifs de mieux appréhender les codes de leur métier afin d'éviter des erreurs de parcours dans un monde sportif africain qui n'est pas encore parfaitement professionnalisé, constate Abdoulaye.

Ne pas lire un contrat comme on lit un manga

« Concrètement, on réunit une expertise autour d'eux, explique-t-il. Il y a la partie conseil juridique. Les contrats, il ne faut pas les lire comme si c'était un manga ! . Il faut vraiment passer du temps là-dessus. On revoit la copie jusqu'à ce que ce soit acceptable et "win-win" pour les parents, les familles. Ensuite, il y a la partie sponsoring, équipement. Il faut savoir qu’en Afrique particulièrement, y a des problèmes au niveau des équipements. Les athlètes n'ont pas de pointes, les boxeurs n'ont pas les shorts ni les protège-dents. »

Devenu membre du programme à part entière, Sedia Sanogo, capitaine de l'équipe ivoirienne de boxe, a pu remonter sur les rings suite aux conseils de coach qui ont su la remotiver. « J'ai eu une pause de trois ans dans ma carrière qui m'a coûté cher, avoue-t-il. J'avais perdu un gros combat pour me qualifier pour les Jeux Olympiques. Donc, du coup, je n'avais vraiment plus envie d'entendre parler de sport. J'étais démotivée. Après le deuxième arrêt, je suis remontée sur le ring, j'ai pu prouver ce que je pouvais faire et j'ai créé mon association et j'ai eu envie d'aider les autres. »

Le but est de professionnaliser le parcours du sportif africain, ce dont se félicite Maria Tavares. Cette Cap-Verdienne est agent de foot féminin et elle constate que le manque de cadres et de protection des sportifs professionnels poussent, trop souvent, ces derniers à jouer hors de leur pays.

 

Une joueuse zambienne, plus gros contrat de foot pro 

« La joueuse de football féminin professionnel la plus chère au monde au niveau de son contrat vient de Zambie, raconte-t-elle. Elle joue aux États-Unis au Bay FC de San José. Racheal Kundananji, son contrat est presque à 800 000 dollars, ce qui est quelque chose ! Et puis après ? Cela montre que le football pro féminin, d'ici à dix ou quinze ans, il peut être africain. Donc, du coup si on l’accompagne il n’y a pas de raison que cela ne soit pas développé ! ».

Incubasport a récemment signé une convention avec la ville de Dakar dans la perspective des Jeux olympiques de la jeunesse de 2026. Des Jeux où de nombreux jeunes talents africains pourraient devenir les champions accomplis de demain.

À écouter aussiJO 2024: «la médaille d'or de Letsile Tebogo est une victoire pour tout le continent africain»

 

À écouter aussiJeux olympiques de la Jeunesse de Dakar: «L’olympisme charrie des valeurs que nous avons besoin de disséminer» (Ibrahima Wade)

 

Vernis Rouge: la qualité pour ses clients, la stabilité pour ses employés
03 August 2024
Vernis Rouge: la qualité pour ses clients, la stabilité pour ses employés

Fabriquer à Abidjan des chemises de qualité qui conviendront à une clientèle ivoirienne exigeante, mais aussi à un marché international, c'est ce à quoi s'emploie la PME Vernis Rouge fondée il y a quatre ans par un jeune couple plein d'ambition pour son équipe. 

« Ici, on ne peut pas faire dans l'à-peu-près, vu que l’on tient à s'exporter. On ne peut pas offrir localement quelque chose d’approximatif et se dire que, de toute façon, cela va se vendre ailleurs. Donc localement et de façon internationale, il faut qu'on puisse vendre le made in Africa et le bon made in Africa ». 

Dans son atelier d’Angré, dans la banlieue nord d'Abidjan, Yasmine Diaby nous résume la philosophie de l'entreprise de confection qu'elle a fondé avec son conjoint Honoré Diarrassouba, cofondateur de la marque Vernis Rouge.

Ne pas faire dans l'à-peu-près

« Nous, on a décidé de se mettre sur ce créneau-là justement parce que l’on a estimé qu'il y avait une place à prendre sur le créneau des chemises classiques. La plupart de ce qu'on trouve localement, ce sont des marques internationales. Donc, on s'est dit qu'effectivement, il y avait quelque chose à capter » affirme Honoré avec enthousiasme. « L’une de nos particularités, que nos clients ne trouvaient pas forcément avec les marques internationales existantes, c'est une sorte d'exclusivité parce que nos chemises sont produites en séries relativement limitées » ajoute le jeune entrepreneur.

Proposer du prêt-à-porter haut de gamme aux standards internationaux pour une clientèle locale désireuse de consommer africain, c'est ce qui a permis à la marque Vernis Rouge de prospérer dans ces deux ateliers d'Angré et de Riviera.

La plupart des machines ont été achetées sur fond propre, deux d’entre elles ont été offertes par Proparco, la filiale investissement privée de l’Agence française de développement, suite à un concours de « pitch » organisé par la fondation Sephis.

Fabriquer ivoirien

Cela a permis à Vernis Rouge de surfer sur le « fabriqué ivoirien » pour des clients ivoiriens. Plus tard, et puisqu'ils respectent les normes internationales de taille de leurs chemises, ils ne s'interdisent pas un développement grâce à la vente par Internet comme l’imagine Honoré Diarrassouba.

« Le digital est possible dans la mesure où nous travaillons chaque jour à la standardisation de nos tailles. La taille M que nous portons à Abidjan doit être le M qui se porte à Paris. Une fois que c'est fait, le digital sera une conséquence et le marché est là, en fait ! ». En quatre ans, la marque Vernis Rouge est passée de quelques dizaines à plus de cent-dix chemises assemblées par semaine. Le plus grand motif de fierté pour Yasmine et Honoré, c'est d'avoir permis à treize couturiers d'Abidjan de trouver un emploi stable et un salaire régulier.

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