Rencontre en Côte d’Ivoire avec une créatrice de mode qui a connu comme premier succès les accessoires à base de toile de jute… Une toile qui sert habituellement pour le transport du cacao… La marque s’appelle L. E Créations, une « success fashion story » tournée vers les étoffes africaines et qui met en valeur le savoir-faire ivoirien en matière de tissage.
« Chez L. E Créations, on utilise l'artisanat pour moderniser le pagne. C'est-à-dire qu’on le fait dans des coupes modernes comme ça, on a toutes les cibles, y compris ceux qui disent : "Ah !, mais moi, je n'aime pas le pagne !". On a fait une veste en pagne baoulé, mais quand tu vois le design, ils se disent : "Ah !, mais ça peut le faire ! Mais ça ressemble à un petit Chanel". Donc, on essaie vraiment de se diversifier pour atteindre toutes les cibles », nous explique, en riant Liliane Saïd la fondatrice de la marque L.E Créations.
En douze ans d'existence, Liliane a atteint pas mal de cibles dans sa clientèle et pas mal d'objectifs parmi ses nombreux projets. Le premier était de faire de la toile de jute-utilisée pour les sacs de transport de cacao – un textile reconverti en vêtements et en accessoires, comme des sacs à main ou bien des bagages. Une idée qui est née au hasard de ses rencontres, se souvient Liliane Saïd.
Utiliser l'artisanat pour le moderniser« En fait, c'est Filtisac la société qui tisse la toile de jute qui m'a contacté. Ils avaient besoin des cadeaux de fin d'année pour leurs clients. Et puis quand j'ai reçu les échantillons, je me suis dit : "Ah ! il y a plein de choses à faire !". Donc j'ai fait un tote bag avec une trousse. Je leur ai proposé, ils m'ont dit : "Mais c'est super !". Leurs clients ont apprécié. Les gens aiment beaucoup donc du coup ça m'a fait une petite reconnaissance. On reconnaît mon style avec ce jute-là ! ».
Accessoires ou vêtements en jute doublés de wax ou bien de pagne, les modèles de L.E Créations font un tabac en Côte d'Ivoire et aussi lors des ventes éphémères au Sénégal, au Mali ou bien en France. Un « made in Africa » qui plaît.
« Quand on regarde même la mode en général, beaucoup d'imprimés viennent d'Afrique. Donc, du coup, je pense que c'est ce qui créé cet engouement-là. Ce sont ces imprimés que les gens retrouvent, qu'ils ont déjà vu. Consommer africain, c'est là où est notre lutte. C'est là qu'on doit se démarquer. C'est là ! Venez acheter et là, on fera la différence. Le combat, il est là ! », revendique Liliane.
Dans son atelier de Marcory à Abidjan, elle nous présente sa quinzaine d'ouvriers qui travaillent les tissus imprimés, le wax, le pagne baoulé ou encore la toile de Korogho d’où sont faits des sacs à main et des cabas. Travailler, créer sur la base de tissu traditionnel ou de la toile de jute, c'est ce qui plaît à Olivier Trah Bi, couturier depuis dix ans chez L.E. Créations.
« C'est ça qui m'a plu en fait, parce que nous, on voit un sac de cacao et puis aujourd'hui ça se transforme en un accessoire de dame ! C'est vraiment original quoi ! C'est intéressant, c'est beau ! ».
Objets de fierté culturelle
Anne Grosfilley est anthropologue et spécialiste du textile. Elle apprécie cette conjugaison entre tissu africain et mode contemporaine.
« Cela nous fait comprendre que les métiers de la mode, c'est une chaîne de valeur. Depuis le coton déjà, qui va être produit localement, filé, tissé. Et puis, il va avoir un décor sur ce tissu, jusqu'au produit fini, que ce soit un sac, un manteau, une robe. Donc, il y a toute une chaîne de valeur locale qui valorise aussi un patrimoine vivant. Finalement, on a des vêtements qui ont du sens et qui permettent également de pérenniser des savoir-faire qui parlent de transmission aussi. Je trouve par ailleurs que ce qui est intéressant dans la démarche de L.E Créations, c'est aussi le fait de s'adresser à des « afropolitains ». « De créer des vêtements qui ne seront pas forcément portés en Afrique comme des manteaux ou des sacs. Je trouve ça très pertinent d'avoir ces pièces qui deviennent vraiment des objets de fierté culturelle ! »