Avec un programme d’éducation inclusif au Togo, l’ONG Handicap International réussit à démontrer que le handicap en milieu scolaire n’est pas une fatalité. Les formateurs éducatifs de l’ONG, en collaboration avec le ministère de l’Éducation, se donnent les moyens d’aller au devant des élèves et des familles pour que ces enfants puissent suivre une scolarité normale.
Depuis trois ans, Handicap International a lancé dans la région des Savanes et de Kara dans le nord du Togo, un programme permettant aux jeunes handicapés de suivre une scolarité normale. Jusque-là, peu de moyens étaient mis à leur disposition, qu'ils soient sourds, aveugles ou déficients mentaux. Mais le premier obstacle à franchir était ailleurs : il s'agissait des parents qui souvent refusaient de scolariser leurs enfants par honte ou bien par manque de moyens.
Un enfant qu'on cache« Le point de blocage premier, c'était vraiment le manque d'estime de soi, des enfants et jeunes handicapés et aussi des parents, explique Bénédicte Lare, responsable du programme. Pour eux, quand un enfant est handicapé, ce qu'il n’est bon à rien. Il ne peut pas être dans la communauté comme les autres. Il ne peut pas apprendre comme les autres et c'est un enfant qu'on cache. La pauvreté venait jouer aussi un rôle : le parent, quand il se retrouve avec deux ou trois enfants parmi lesquels il y a un enfant handicapé, va privilégier les enfants non handicapés parce qu’il est limité. Et le troisième critère, c'est qu'en fait, même si certains parents avaient la volonté d'envoyer leur enfant, les structures ordinaires et publiques n'étaient pas prêtes à accueillir les enfants handicapés, peu importe leur type de handicap ».
L'approche globale du programme permet donc de convaincre parents comme enfants d'aller à l'école, mais surtout de former des encadrants itinérants qui se déplacent de classe en classe en soutien scolaire. Notamment dans les écoles des villages moins favorisés.
« On fait un gros travail ici, dans la région des Savanes en matière d'éducation inclusive, pointe Yao Gbledjo, enseignant itinérant l'école primaire publique Bogou C dans cette zone venteuse des Savanes. D'abord, c'est grâce à eux (Handicap International, NDLR) que nous sommes devenus professeurs itinérants sur la base d'un concours. Nous étions déjà fonctionnaires sur le terrain quand ils ont lancé ce concours. On a participé, on a été retenus. Après ça, ils nous ont formés sur les différentes thématiques du handicap et après ils nous ont envoyés dans les écoles spécialisées pour des stages, pour pouvoir approfondir notre spécialité avec du matériel pédagogique adapté pour les écoles inclusives. Le même système de professeur itinérant existe aussi au niveau secondaire ».
Professeur itinérant au niveau secondaireNon seulement ce programme forme les professeurs à la pédagogie liée au handicap, permet aux élèves de ne pas stagner à l'école, mais il redonne aussi à l'ensemble du groupe du lien. Un lien tissé par la scolarité. « Du coup, ce sont des enfants qui socialement sont épanouis, qui apprennent comme les autres, qui réussissent même mieux que les autres, confirme Bénédicte Lare. Kombena, par exemple, est toujours la première de sa classe depuis le primaire. Elle se fait respecter par les enfants non handicapés parce qu’elle maîtrise. Elle sait s’expliquer, elle sait répondre et elle sait motiver les autres à apprendre. La cohésion sociale est donc installée. Les parents des enfants handicapés sont aujourd'hui dans les réunions des associations des parents d'élèves. Il y en a qui prennent les responsabilités et qui ont leur mot à dire ».
Kombena est non voyante. Cette élève de seconde fait partie de ceux qui se sentent valorisés par ces programmes adaptés. « Nos professeurs nous ont bien encadrés, explique-t-elle. Depuis le primaire jusqu'au collège, j’ai étudié l'anglais, la philosophie, l'allemand ».
Depuis que ce programme scolaire d'intégration existe, il a formé plus d'une centaine de professeurs togolais à l'enseignement d'enfants handicapés dans quinze collèges et écoles primaires. Pas moins de 1 600 enfants handicapés ont ainsi pu suivre la même scolarité que leurs camarades de classe.