Soutien du Royaume-Uni au plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental: «C'est un tournant»
03 June 2025

Soutien du Royaume-Uni au plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental: «C'est un tournant»

Le grand invité Afrique

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Et de trois ! Après les États-Unis en 2020 et la France en 2024, voici un troisième pays, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui apporte son soutien au plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. Il s'agit du Royaume-Uni. L'annonce a été faite ce dimanche, à Rabat, par le ministre britannique des Affaires étrangères. Comment le Maroc compte-t-il capitaliser sur cette décision ? Et comment voit-il le futur de ses relations avec l'Algérie ? Le professeur Mohammed Benhammou préside le Centre marocain des études stratégiques. En ligne de Rabat, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : La Grande-Bretagne annonce que désormais elle soutient le plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. Quelle est votre réaction ?

Mohammed Benhammou : C'est une décision qui marque un tournant. Elle s'inscrit dans une dynamique où, déjà, deux États membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ont eu la même position, à savoir les États-Unis d'Amérique et la France. Ce qui fait que trois États membres sur cinq soutiennent le plan d'autonomie que le Maroc a proposé pour un règlement définitif du problème imposé au Maroc par son voisinage.

Dans un communiqué, l'Algérie regrette ce soutien de la Grande-Bretagne au plan d'autonomie marocain. Mais elle se console, en précisant que la Grande-Bretagne ne reconnaît toujours pas la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara, et en ajoutant que la Grande-Bretagne continue d'inscrire son action dans le cadre des efforts de l'ONU. Alors, de fait, la Grande-Bretagne ne fait-elle qu'un demi-geste vers le Maroc ?

Je comprends que l'Algérie subit plusieurs défaites diplomatiques et beaucoup de revers. Maintenant, je pense que le réalisme veut que l'Algérie sorte un petit peu de cette vision, et de cette approche, qui est caduque et dépassée. On doit être tourné vers l'avenir. Nous avons besoin de sortir de cette impasse. Nous avons besoin d'un règlement définitif et durable de ce différend régional. Je pense que c'est un moment où, en Algérie, il faut revenir à la raison. Et on peut se tromper sur un choix. Le plus grave, c'est de persister dans le mauvais choix.

Comme vous l'avez dit, après les États-Unis et la France, voici, avec la Grande-Bretagne, un troisième pays membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui soutient officiellement le plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. Mais la Russie et la Chine restent sur la même position que l'Algérie, à savoir un plan qui prévoit un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui sous l'égide de l'ONU. Le Conseil de sécurité n'est-il pas désormais coupé en deux ? Est-ce qu'on ne va pas vers un blocage qui pourrait durer plusieurs dizaines d'années ?

Je pense qu’il faut quand même apporter beaucoup de correctifs à une analyse de la position de la Chine et de la Russie. Elles s'inscrivent aussi dans la même logique qui est celle de la recherche de la solution politique. Preuve est que toutes les décisions du Conseil de sécurité, et qui sont donc des décisions annuelles sur cette question, parlent de la solution politique. La Russie, comme la Chine, soutient ce choix. Je pense que la partie, si on peut donc la prendre comme une partie d'échecs, se corse de plus en plus. L'Algérie peut peut-être encore tenter de sauver sa mise, pour ne pas se retrouver échec et mat. Et il est temps que l'Algérie jette l'éponge.

Il y a cinq ans, en échange du soutien des États-Unis à son plan d’autonomie, le Maroc a établi des relations diplomatiques avec Israël, dans le cadre des accords d'Abraham. Mais aujourd'hui que l'on dénombre 54 000 morts à Gaza, du fait des bombardements israéliens, est-ce que le Maroc peut conserver de telles relations diplomatiques avec le gouvernement de Benyamin Netanyahu ?

Je pense que la reconnaissance des États-Unis de la marocanité du Sahara n'était pas intimement liée à une reprise des relations avec Israël. C'est venu dans un contexte très large. Et effectivement, le Maroc avait décidé de reprendre ses relations avec Israël dans le cadre des accords d'Abraham. Maintenant, on se focalise beaucoup sur le Maroc, mais beaucoup de pays arabes ont des relations normales et normalisées avec Israël : la Jordanie, l'Égypte, le Qatar et j’en passe. Maintenant, le Maroc a une position très claire. Le Maroc est un pays qui soutient toujours la cause palestinienne, qui est considérée au Maroc comme une cause nationale. Elle l'est. Mais en même temps, le Maroc a toujours joué un rôle pour essayer de sortir de ce conflit qui n'a que trop duré. La politique du gouvernement de Netanyahu à Gaza, elle est inacceptable, inadmissible. Personne ne peut accepter cette punition collective, cette destruction massive, cette situation inhumaine dans laquelle se trouve Gaza aujourd'hui.