Mathurin Dimbélé Nakoé: «Touadéra a partagé les mêmes peines que le peuple centrafricain»
19 February 2025

Mathurin Dimbélé Nakoé: «Touadéra a partagé les mêmes peines que le peuple centrafricain»

Le grand invité Afrique
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Le 17 février, vous entendiez sur RFI le député d’opposition centrafricain Dominique Yandocka - au micro de Christophe Boisbouvier - évoquer notamment son incarcération d'un an en 2024, au cours de laquelle il affirme avoir été empoisonné. Aujourd'hui, Dominique Yandocka est encore sous le coup d’une condamnation pour « délit de complot ». Notre Grand invité Afrique ce matin est Mathurin Dimbélé Nakoé, le chef de file de la majorité présidentielle au sein de l'Assemblée nationale centrafricaine. Il revient sur cette affaire et sur une disposition de la nouvelle Constitution, interdisant aux binationaux de concourir pour la magistrature suprême. Mathurin Dimbélé Nakoé répond aux questions de Liza Fabbian.

RFI : Pourquoi les autorités ont-elles transgressé la règle de l'immunité parlementaire et jeté le député Dominique Yandocka en prison pendant plus d'un an ?  

Mathurin Dimbélé Nakoé : Je voudrais vous demander et demander à Monsieur Yandocka, de se référer à l'article 119 de la loi portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale de la République centrafricaine. Lorsque le député est pris en flagrant délit de commission d'une infraction donnée, le député est arrêté et l'Assemblée nationale est informée plus tard. Il se trouve que, malheureusement, l'infraction commise par Dominique Yandocka tombe sous le coup des dispositions de cette loi-là. Et donc le parquet n'avait pas besoin de demander la levée de l'immunité de Dominique Yandocka.

Alors, Dominique Yandocka a été accusée de complot pour renverser les autorités. Il a été condamné à un an de prison, une peine qu'il avait purgé au moment de sa condamnation. Un an de prison pour une tentative de coup d'État, n'est-ce pas une peine assez faible finalement ? Les opposants y voient une tentative de couvrir une procédure sans fondement…

Moi, je ne pense pas de la même manière. Il y a le principe de séparation de pouvoir entre la justice et le pouvoir exécutif. À partir de là, le juge fait son travail en toute liberté, en toute souveraineté et ils ont peut-être décidé de condamner Yandocka à un an d'emprisonnement ferme. C'est une peine qui a été décidée et qui est peut-être conforme à l'infraction commise. L'essentiel est que le juge l'ait prononcée en toute souveraineté, en toute liberté.

Confirmez-vous que Dominique Yandocka a été victime d'une tentative d'empoisonnement pendant son incarcération ? C'était en février 2024, selon lui. Que savez-vous de l'épisode qu'il relate ?

Vous savez, Monsieur Yandocka, c'est un jeune leader qui cherche à se faire connaître et je pense que ça, ce sont des allégations inventées de toutes pièces. Il y a que lui seul qui est témoin de son empoisonnement, mais est-ce que sa parole vaut quelque chose ? Je ne sais pas. Moi, à sa place, je ferais le dos rond, parce que, malgré la faute commise, eh bien la justice a trouvé moyen de le mettre en liberté. La procédure n'est pas terminée. Il faudrait qu'on attende d'abord la décision de la Cour de cassation pour commencer à se livrer à des accusations. Je ne vois pas comment on peut l'empoisonner et le laisser vivre. Vous comprenez que c'est absurde. Vraiment, c'est un non-sens.

Alors, depuis l'adoption de la nouvelle Constitution en Centrafrique, plusieurs figures de l'opposition sont exclues de la présidentielle à venir, car certaines dispositions écartent justement les binationaux. N'est-ce pas une volonté du président Faustin-archange Touadéra, d'effacer ses principaux opposants, dont la plupart sont binationaux ?

Le président Touadéra a déjà été à l'élection présidentielle avec Dologuélé, Mboli-Goumba et Ziguélé. Il est sorti vainqueur et en 2020 aussi. La Constitution dit clairement que la démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Alors moi, je pense que si le peuple a choisi de dire qu'il ne veut plus d'un président binational, le peuple a ses raisons. Et la raison fondamentale, c'est d'éviter tout conflit d'intérêts. Et je pense que ce problème n'est pas le seul apanage des Centrafricains.

Serait-il envisageable d'ouvrir un dialogue en vue d'amender cette mesure que l'opposition juge donc discriminatoire ?

Pour modifier une telle disposition, il faut repartir devant le peuple. Le président Touadéra, seul, ne peut pas, autour d'une table, avec ces gens de l'opposition, décider de quoi que ce soit. Par contre, ils peuvent renoncer à l'une ou l'autre de leur nationalité dans le délai imparti par les lois en vigueur. À ce moment-là, ils seront en règle vis-à-vis du droit centrafricain. C'est la loi qui le dit. Ce n'est pas Touadéra qui l'a inventé.

Le président Faustin Archange Touadéra sera-t-il candidat à l'élection présidentielle de décembre prochain ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas le professeur Touadéra, mais en tant que peuple centrafricain, je voudrais qu'il soit candidat. Contrairement aux autres qui vont tout le temps séjourner en France, rester longtemps en France, abandonnant leur pays, pendant tous les événements que nous avons connus dans ce pays. Touadéra a été en Centrafrique, Touadéra à partager les mêmes souffrances, les mêmes peines que le peuple centrafricain. Et ça, le peuple n'est pas prêt à oublier.

Et si c'est son souhait, quand pourrait-il annoncer sa candidature ?

Le président Touadéra a un parti politique et je pense qu'il appartient au parti politique, lors d'un congrès extraordinaire, d'annoncer sa candidature et de l'investir. J'aimerais que cela se fasse vite pour que le peuple soit heureux et pour que le peuple soit en paix.