Comment réagit-on à Kinshasa à l'élection d'un pape venu des Amériques ? Est-on déçu que le nouveau pape ne soit pas africain ? L'historien congolais Isidore Ndaywel est une grande figure de l'Église catholique en RDC. Il est le coordonnateur du puissant Comité laïc de coordination (CLC). Il est aussi très proche de Mgr Ambongo, le cardinal-archevêque de Kinshasa. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI: Le nouveau pape a été élu en 24 heures, est-ce que vous avez été surpris ?
Isidore Ndaywel : Oui, j'ai été surpris parce qu’on nous avait annoncé qu'il y aurait des discussions, qu'il y avait plusieurs tendances et on se serait attendu à ce que ça prenne un peu plus de temps. Mais là, nous sommes dans une surprise et une bonne surprise qui démontre qu'il y a une très grande maturité au niveau de l'église et de la gestion et au plus haut niveau, s'agissant de l'élection du pape.
Quelle est votre première réaction après les premiers mots de Léon XIV ?
Eh bien, j'avoue que c'est une grande joie, une joie de fin de deuil. En fait, le deuil de François et l'accueil d'un nouveau pape. C'est bien qu'on soit quelque peu déroutés par ce changement dans tout ce qui s'annonçait. On ne nous avait pas parlé de lui.
Un pape qui se place dans l'héritage de son prédécesseur François ?
Il se place dans les premiers mots, tout à fait, dans cet héritage. Et c’est ce qui nous rassure et nous conforte. Parce que, en Afrique et spécialement à Kinshasa, nous avons beaucoup aimé François qui nous a fait une très grande visite en janvier 2023 et qui nous a laissé des mots très forts et qui correspondent tout à fait à notre situation actuelle. Et nous sommes heureux de constater que nous sommes vraiment dans cette continuité.
Alors, visiblement, ce nouveau pape est aussi un théologien ?
Dans ses premières paroles, ce qui m'a frappé, c'est surtout la première parole. C'est l'insistance sur la paix. Sur la paix, spécialement en cette période où, dans le monde entier, nous courons derrière la paix. Et donc ce mot qui tombe bien, le 8-Mai, est quelque chose qui me paraît très fort.
Et dans cette première exhortation, Léon XIV a appelé à construire des ponts à travers le dialogue.
Tout à fait. Et cette paix n'est possible que dans la construction des ponts. J'avais l'impression d'écouter François.
Et donc, vous pensez que le nouveau pape sera attaché au dialogue inter-religieux ?
Tout à fait. Au dialogue inter-religieux, mais aussi au dialogue tout court, parce que tout ne se déroule pas dans le contexte religieux, dans la problématique de cette époque que nous traversons.
Alors ce pape vient d’Amérique, est-ce que vous n'êtes pas déçu qu'il ne vienne pas d’Afrique ?
Pas spécialement parce que pour nous, en Afrique, lorsqu'on parle du pape, il n'est pas vraiment question de nationalité. Nous sommes d'ailleurs étonnés de voir qu'ailleurs, on en parle beaucoup. Pour nous, le Saint-Père est un père. Et un père, on l'accepte, on l'accueille, qu'il soit barbu ou pas. Mais c'est un père. Et donc là, il nous est donné de passer d'une espérance à une autre avec ce nouveau pape qui provient de l'Amérique. Et d'ailleurs, ce n’est pas tout à fait des États-Unis parce qu’on nous dit qu'il est aussi originaire du Pérou et donc on se retrouve là aussi à nouveau en Amérique latine. Donc, peu importent ses origines, nous avons accueilli avec beaucoup de joie Jean-Paul II, sans trop nous poser des questions sur le fait qu'il soit Polonais ou pas. François de même, qu'il soit Argentin ou pas. Il en est de même pour ce nouveau pape Léon XIV qui nous vient des Amériques. C'est une bonne chose.
Mais vu la vitalité des catholiques en Afrique, est-ce qu'il n'était pas temps que l'Église se donne un pape africain ?
Mais nous avons du temps. Il y aura, comme déjà dans le passé, des nouveaux papes africains. Nous sommes sûrs que cela se fera dans l'avenir. Mais nous ne sommes pas spécialement pressés. Ça ne devait pas être nécessairement maintenant, ça aurait pu l'être, mais que cela ne l'ait pas été, ce n'est pas grave. C'est très bien aussi parce que nous savons que le pape qui nous est donné est un pape qui fera certainement bien ce qui doit l'être.
Mais vous qui êtes très proche de monseigneur Fridolin Ambongo, est-ce que vous n'avez pas espéré que ce serait lui ?
Mais c'était normal que je puisse espérer cela, sans non plus me faire trop d'illusions, en me disant que ça peut être lui comme ça peut ne pas être lui. S'il l'avait été, ç'aurait été très bien. Mais s'il ne l'a pas été, c'est très bien aussi. Donc, nous, en Afrique, nous n'en faisons pas un problème. Nous accueillons le Père qui nous a été donné et qui est donc maintenant Léon XIV.
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