Dominique Yandocka: Bangui «a tout fait pour salir mon casier judiciaire pour que je devienne inéligible»
17 February 2025

Dominique Yandocka: Bangui «a tout fait pour salir mon casier judiciaire pour que je devienne inéligible»

Le grand invité Afrique
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En République centrafricaine, le député d’opposition Dominique Yandocka veut contribuer au combat pour une véritable alternance lors de la présidentielle de décembre prochain. Dominique Yandocka revient de loin. Il a passé toute l’année 2024 en prison, où il affirme avoir été empoisonné. Après trois grèves de la faim, il en est ressorti. Mais il reste sous le coup d’une condamnation pour « délit de complot ». De passage à Paris, le leader politique du mouvement Initiative pour la transformation de l’action (Ita), répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Vous avez été emprisonné à Bangui pendant un an, comment s'est passée votre détention ?

Dominique Yandocka : J'ai été enlevé le 15 décembre 2023 sur instruction ferme du président de la République, Faustin-Archange Touadera, sans faire mention de mon immunité parlementaire.

Est-ce que vous avez été maltraité pendant votre année de prison ?

Alors, sur le plan physique, non, mais plutôt sur le plan sanitaire. Sur une année, j'ai passé près de neuf mois en fauteuil roulant, je suis sorti avec des séquelles, j'ai été victime d'un empoisonnement. Le 9 février 2024, j'étais victime d'un malaise, on m'a transféré à l'hôpital militaire. Et le 12 février, j'ai été ramené à la prison manu militari, c'est à ce moment, dans la bousculade, qu'on m'a fait assimiler un produit dont j'ignore la provenance, et ça m'a valu 36 heures de coma. Il a fallu qu'on m'administre des remèdes et c'est ça qui m'a fait vomir plusieurs fois et j'ai repris connaissance.

Et vous avez fait une grève de la faim ?

J'ai fait trois grèves de la faim pour protester contre la non prise en charge de mon état de santé et aussi pour protester contre mon arrestation, parce que tout ça a été l'instrument d'une machination orchestrée de toute pièce, depuis la présidence de la République.

Pourquoi avez-vous été arrêté, à votre avis ?

Tout simplement parce que le pouvoir me redoute. Donc, ils ont tout fait pour que je sois arrêté. Que mon casier judiciaire soit sali pour que je devienne inéligible à toutes les élections.

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Oui, mais vous n'êtes pas le seul opposant en République centrafricaine ?

Vous savez, je suis d'accord avec vous que je ne suis pas le seul opposant, mais en attendant, je suis de l'opposition et je suis député du 4e arrondissement.

De Bangui ?

De Bangui bien sûr. Et les gens redoutent que je puisse pousser la barre un peu plus haut.

Alors au bout d'un an de prison, vous avez été condamné à précisément un an de prison, ce qui vous a permis de sortir juste après Noël. Votre libération, Dominique Yandocka, est-ce que c'est la preuve que la justice n'est pas aux ordres du pouvoir politique, ou qu’au contraire, c'est à la suite d'une décision politique ?

Je salue ici le courage de certains magistrats qui ne défèrent pas devant la pression politique, mais qui ont voulu trouver un arrangement pour que je n'écope pas d'autres peines d'emprisonnement supplémentaires. Ils ont jugé utile de trouver le juste milieu pour me faire sortir au bout d'un an et 11 jours. Je salue d'abord leur bravoure, malgré la pression politique qui était sur eux, ils ont su quand même faire un jugement à la Salomon.

Un jugement à la Salomon, dites-vous. Suite à cette condamnation, vous êtes aujourd'hui libre, mais sous le coup de ce jugement et vous continuez à clamer votre innocence, qu'est-ce que vous allez faire ?

Mes conseils ont fait un pourvoi en cassation. Et tant que la Cour de cassation ne se prononce pas, je reste et je demeure dans tous mes droits.

Alors cela dit, Dominique Yandocka, vous êtes binational. À la fois de nationalité centrafricaine et de nationalité française. Et du coup, a priori, vous n'êtes pas éligible à la présidentielle de décembre prochain. Est-ce que vous pensez quand même à cette élection ?

Vous savez, pour l'instant, ce n'est pas d'actualité. Je suis député de la nation, je me concentre sur mon mandat aujourd'hui. En tant que député de la nation, le jour viendra où le peuple centrafricain me fera confiance, et voudrait que je pousse un peu la barre plus haute, je le ferai et je suis prêt aujourd'hui à contribuer pour qu’il y ait une vraie alternance dans notre pays.

En juillet 2023, vous avez appelé au boycott du référendum sur la nouvelle Constitution, notamment parce qu'elle permet aujourd'hui au président Touadéra de se présenter à un troisième mandat. Du coup, est-ce que vous allez appeler au boycott de la présidentielle du mois de décembre prochain ?

En 2023, j'ai bien appelé à boycotter le référendum constitutionnel, tout simplement parce qu'il y avait des dispositions qui me semblent discriminatoires. Par exemple, toute personne qui détient la double nationalité ne peut plus prétendre à la magistrature suprême ou à diriger les hautes fonctions de la République. Et ça a été fait à dessein, parce que le président Touadera n'accepte pas qu'il y ait de la concurrence.

C'est une disposition qui écarte de fait Anicet-Georges Dologuélé, Crépin Mboli-Goumba et vous-même ?

Oui, mais notre pays sort de très très loin et nous n'allons pas nous permettre encore qu'il y ait une autre division, pour assouvir le besoin d'un seul clan ou d'un seul homme. C'est pour cette raison que je crois formellement qu'il va y avoir l'ouverture d'un dialogue pour que nous puissions discuter sur des points de divergence par rapport à cette Constitution et donner la chance à tous les Centrafricains d’aller compétir.

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