Les engrais russes seront-ils taxés à partir du mois de juillet ? C'est le projet de l'Union européenne qui cherche à priver la Russie d'une de ses mannes financières. Le processus règlementaire continue à Bruxelles avec un prochain rendez-vous au mois de mai.
Cela fait des mois que le sujet alimente les conversations au niveau européen, mais ce n'est qu'en janvier, qu'un projet écrit a été présenté par la commission. Il a été approuvé mi-mars par les États-membres et la rapporteuse du texte l'a présenté la semaine dernière aux groupes parlementaires qui ont déposé des amendements dans la foulée.
Le prochain vote est attendu mi-mai. En attendant, le lobbying des producteurs d'engrais et des agriculteurs qui défendent chacun des intérêts, diamétralement opposés, continue.
L'année dernière, un quart des besoins européens en engrais ont été fournis par la Russie, soit 6,2 millions de tonnes l'année dernière. En l'état actuel du texte, l'Union européenne souhaiterait limiter l'entrée des engrais russes dès juillet, de manière progressive via des taxes qui augmenteront pendant trois ans.
Quelles alternatives aux engrais russes ?L'Union européenne espère augmenter la production des 27 pour compenser ce qu'elle n'importera plus de Russie. Mais cette ambition relève du défi. Car la filière européenne de production des engrais accumule les problèmes structurels, pour reprendre une note du cabinet Global Sovereign Advisory (GSA). Avec notamment une règlementation de plus en plus dure en matière d'émissions de CO2, en plus de devoir faire face à un coût du gaz beaucoup plus élevé qu'ailleurs.
Résultat, l'excès de production n'est pas d'actualité, au contraire des usines ont fermé ou ont suspendu leur activité. 20 à 30 % de la capacité européenne de production d'ammoniac était par exemple à l'arrêt en ce début 2025, comme le rappelle une note publiée récemment par GSA.
Diversifier l'approvisionnement européenL'Europe devra aussi continuer à importer, et à augmenter la part de ses fournisseurs non russes. Le défi sera aussi le prix, car les tarifs pratiqués par la Russie, qui dispose de quantité de gaz à domicile, sont ultra-compétitifs.
Dans ce contexte, les agriculteurs européens ne sont pas rassurés, et demandent un délai d'un an à la commission européenne pour ne pas se retrouver pris au piège. Ils plaident entre autres pour une levée rapide des taxes douanières sur les engrais du Maroc, des États-Unis, ou encore de Trinité-et-Tobago.
Une production russe malgré tout en hausseLes producteurs russes s'inquiètent eux de voir ce marché se fermer, et soutiennent le report d'un an demandé par les agriculteurs. Mais les engrais russes trouveront toujours preneurs, assure un négociant. « Ils prendront la place d'autres origines, qui remplaceront en échange les engrais russes en Europe, comme un grand jeu de chaises musicales ».
La Russie aurait déjà commencé à reporter une partie de ses exportations vers l'Inde, et le Brésil. Tout en maintenant un niveau élevé de vente à la Chine, et une part à peu près constante d'engrais vendus aux États-Unis.
Comme un pied de nez aux européens, la Russie entend même conforter cette année son statut de premier exportateur mondial d'engrais. Selon la note de GSA, elle prévoit d'augmenter sa production de 3 % et ses exportations de 5 % en 2025, après une année 2024 déjà record. Une ambition qui s'appuie notamment sur la mise en service de nouvelles usines d'ammoniac et d'urée.
À lire aussiTaxes sur les engrais russes: les céréaliers français s'inquiètent