Chronique des matières premières
Chronique des matières premières

Chronique des matières premières

Céréales, minerais ou pétrole, les ressources naturelles sont au cœur de l’économie. Chaque jour, la chronique des matières premières décrypte les tendances de ces marchés souvent méconnus.

Pourquoi les cours de l'huile de palme ont-ils bondi en Asie?
08 December 2024
Pourquoi les cours de l'huile de palme ont-ils bondi en Asie?

En l'espace de deux mois et demi, le cours de l'huile de palme a grimpé de plus de 35% sur les marchés asiatiques. Cette évolution est en partie liée à des intempéries survenues ces derniers jours en Malaisie, deuxième producteur mondial. Cependant les prix pourraient rester élevés à l'avenir, tirés par l'augmentation de la population mondiale, en particulier urbaine.

Des pluies diluviennes se sont abattues sur l'Asie du Sud-Est ces derniers jours et ont provoqué des inondations dans plusieurs pays de la région. Parmi eux, la Malaisie, deuxième producteur d'huile de palme derrière l'Indonésie. Ensemble, ces deux pays représentent près de 80% de la production mondiale. Les intempéries rendent temporairement plus difficile l'accès aux palmeraies et donc la récolte des fruits. Cela a pu ralentir à court-terme la production, alors que le secteur manque déjà de main d'œuvre en Malaisie. Ces facteurs ont ainsi contribué à « l'inquiétude des marchés » et à une hausse des cours, analyse Jean-Marc Roda, directeur régional en Asie du Sud-Est insulaire du Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

Autre élément d'explication, « les stocks sont plus bas en Malaisie qu'à la même période l'an dernier », remarque Nicolas Turnbull, agronome et entrepreneur du secteur. 

Enfin, les perspectives d'utilisation d'huile pour remplacer le kérosène des avions participent à tirer les prix vers le haut, ajoute-t-il. L'an dernier, l'Union européenne a en effet décidé d'imposer progressivement aux compagnies aériennes un seuil minimum de carburants dits durables, notamment des huiles usagées : 2% dès 2025, 6% en 2030, puis 70% en 2050. 

Hausse de la demande à long-terme

Au-delà des fluctuations des marchés ces derniers mois, les cours de l'huile de palme devraient rester élevés à long-terme, c'est-à-dire dans les prochaines décennies. Car la hausse de la population mondiale, en particulier en ville, « va augmenter la demande en huiles végétales », souligne Jean-Marc Roda.  

Or les marges de progression en termes de production sont plutôt à trouver du côté de l'huile de palme, en améliorant la productivité des parcelles, estime-t-il.

Les espaces agricoles disponibles pour cultiver plus d'oléagineux manquent dans les pays tempérés. Certains grands groupes industriels regardent donc déjà s'ils peuvent « sécuriser des terrains dans des zones tropicales en Afrique pour les convertir » en cultures de palmiers à huile, ajoute le chercheur. 

À lireou à écouter aussiVers la fin d'un marché global pour l'huile de palme?

De Beers change de stratégie et baisse le prix de ses diamants
05 December 2024
De Beers change de stratégie et baisse le prix de ses diamants

Le numéro 1 du diamant baisse le prix de ses pierres de 10 à 15%. Une décision prise dans un contexte morose malgré un retour de la demande à l’approche des fêtes de Noël. Ce changement de stratégie pourrait pousser le russe Alrosa, numéro 2 du secteur, à prendre le même chemin.

De Beers a choisi sa vente de décembre, la dernière de 2024, pour baisser ses prix. La plupart des catégories de diamant sont concernées, en particulier celles qui se sont moins vendues ces derniers mois. L’idée est clairement de redynamiser l'activité après des mois de faible demande, liée à l’inflation et à l’explosion de la production de diamants synthétiques.

Il faudra attendre la semaine prochaine pour savoir si ces « soldes » de fin d’année auront été suffisants pour séduire les acheteurs. Même avec une réduction de 10 à 15%, De Beers propose en effet toujours des prix plus hauts que ceux du marché sur lequel ses pierres sont ensuite écoulées, qu’elles soient revendues brutes ou polies.

Un changement de cap qui interroge

Ces derniers mois, certains clients du géant minier auraient été contraints de revendre leurs pierres à perte, et c’est peut-être pour cela qu'ils se sont montrés moins actifs lors des précédentes ventes.

Jusque-là, De Beers n’a pas voulu toucher à ses prix. Le numéro 1 mondial sait que c’est lui qui donne le ton. En gardant une stratégie de prix ferme, la société a voulu stabiliser le marché jusqu'à ce que finalement, elle lâche du lest.

Le calendrier interroge, car à cette période de l’année, les ventes de diamant taillé sont plutôt dynamiques, notamment aux États-Unis, qui achète entre 55 et 60% des diamants mis sur le marché.

Pressions d'Anglo American ?

Une des hypothèses qui circule, c'est qu’Anglo American, propriétaire de De Beers, aurait besoin d’argent et aurait demandé au minier, selon certaines sources, d’agir pour renflouer les caisses du groupe qui a, par ailleurs, annoncé il y a plusieurs mois vouloir se séparer de sa division diamant.

Cette baisse des prix est peut-être aussi un geste en direction du Botswana – pays d’où vient l’essentiel de la production de De Beers – et d’Okavango : « La société d’État botswanaise reçoit une partie de la production de De Beers, mais ne peut pas la vendre moins cher », explique un expert de la filière. Les prix pratiqués par le numéro 1 mondial sont donc une vraie contrainte pour le Botswana qui a souffert cette année d'une baisse de ses revenus liés au diamant.

Bien pour le Botswana, moins pour Alrosa

Le déficit budgétaire du Botswana, pour l’exercice en cours, devrait plus que doubler pour atteindre l’équivalent d’1,4 milliard de dollars, selon des estimations communiquées cette semaine par le ministère des Finances et relayées par l'agence de presse Bloomberg.

S'il profitera peut-être au Botswana, ce revirement de De Beers pourrait être en revanche moins bien reçu par le numéro 2 mondial, le Russe Alrosa, qui a, lui aussi, maintenu ses prix cette année et moins vendu.

Ne pas s’aligner sur De Beers aujourd'hui et garder un niveau de prix plus élevé, c’est pour Alrosa courir le risque de vendre encore moins dans les prochains mois.

Le DAP, un engrais dont le prix peine à retrouver ses niveaux d'avant-guerre
04 December 2024
Le DAP, un engrais dont le prix peine à retrouver ses niveaux d'avant-guerre

Au début de la guerre en Ukraine, le prix des engrais a flambé. Depuis, la plupart ont retrouvé leur niveau habituel, sauf le DAP, un engrais utilisé pour tous les types de culture. Les prochaines semaines s'annoncent encore tendues, car la Chine vient de décider de restreindre ses exportations de DAP, le 1ᵉʳ décembre.

630 dollars la tonne, c'est le prix de référence du DAP en Inde. C'est moitié moins qu'en mars 2022, mais toujours beaucoup plus que le prix en vigueur avant le déclenchement de la guerre en Ukraine et plus que le prix des autres engrais, tels que l'urée ou la potasse. 

À écouter certains acheteurs, les cours actuels ne se justifient pas vraiment, d'autant que la demande se calme. Elle est affectée par le prix des produits agricoles qui baissent. Un agriculteur qui gagne moins achète moins d’engrais ou attend la dernière minute pour le faire. Les prix actuels du blé pourraient, par exemple, pousser les Européens à consommer moins de phosphate. 

Une offre mondiale incertaine

Ce qui semble surtout stresser les marchés, c'est le niveau de l'offre mondiale. Aux États-Unis, les trois derniers ouragans ont entraîné une baisse de la production du fabricant Mosaïc. La société a annoncé une perte d'au moins 300 000 tonnes d'engrais, y compris de DAP, au troisième trimestre, mais assurait il y a quelques jours être en mesure d'atteindre ses objectifs annuels de production.

Il y a également les restrictions chinoises. Appliquées fin 2023, puis levées en avril dernier, elles sont de nouveau en vigueur. À compter du 1ᵉʳ décembre, plus aucune demande d'exportation de DAP n'est censée être acceptée. Reste à savoir si celles qui ont déjà été validées pourront in fine passer tous les contrôles. La question se pose aussi pour des milliers de tonnes stockées chez des exportateurs ou des négociants chinois pour être chargées dans les premiers mois de 2025, vers le Brésil, l'Australie ou encore l'Éthiopie

Soulagement à venir du côté de l'OCP

L'effet de la décision chinoise sur les prix dépendra de sa durée d'application qui reste encore floue. Mais elle n'est pas de nature à faire baisser les prix.

Ce qui pourrait soulager les acheteurs, c'est la montée en puissance de l'OCP – Office chérifien des phosphates – le géant marocain, mais il faudra encore patienter pour que la totalité des investissements annoncés se traduisent en production. 

Les États-Unis devront se passer de gallium, germanium et antimoine chinois
03 December 2024
Les États-Unis devront se passer de gallium, germanium et antimoine chinois

Nouvelle escalade entre la Chine et les États-Unis. Suite à la décision américaine de restreindre les ventes de composants utiles à l’industrie chinoise des semi-conducteurs, Pékin active l’arme du gallium, du germanium et de l’antimoine : toutes les exportations vers les États-Unis sont désormais interdites. Une mesure qui pourrait pénaliser l’économie américaine. 

Désormais, tout achat américain de gallium, germanium et antimoine chinois destiné à un double usage (civil et militaire) est soumis à autorisation. Les commandes clairement destinées à un usage militaire sont, elles, interdites par Pékin. La Chine invoque des enjeux de « sécurité nationale », c’était d’ailleurs ce qui avait déjà motivé l’instauration de contrôles renforcés l’année dernière sur ces matières premières.

Si ces nouvelles restrictions devaient durer, elles pourraient avoir un impact important aux États-Unis dans certains domaines stratégiques : selon les services géologiques américains (USGS), la Chine produit plus de 90 % du gallium mondial, le reste provient du Japon, de la Russie, de la Corée du Sud et de l’Ukraine. Elle fournit aussi 80 % du germanium.

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Ultra-dépendance à la Chine

La Chine domine aussi le marché de l’antimoine, même si sa production a nettement baissé —37,5 % de parts de marché, selon le Bureau français de recherches géologiques et minières — son influence va au-delà de ses frontières, car on trouve ailleurs, au Tadjikistan par exemple, des sociétés minières à capitaux chinois et donc particulièrement sensibles aux décisions de Pékin. 

Les trois métaux ou métalloïdes ciblés ont la particularité d’être des sous-produits de l’extraction d’autres matières premières. Leur chaîne de production est donc particulièrement vulnérable alors même qu’ils sont devenus stratégiques pour la fabrication de panneaux solaires, de fibres optiques, de semi-conducteurs, de radars ou encore de retardateurs de flamme.

« Les États-Unis ont, contrairement à l’Europe, une réelle politique de stockage des matériaux critiques », rappelle un expert de cette filière, ce qui leur permettra de faire face dans l’immédiat, mais combien de temps l’industrie américaine pourra-t-elle tenir sans la Chine ? 

Un coup porté à l’industrie des semi-conducteurs 

Dans un rapport publié mi-octobre, les experts de l’USGS se sont penchés sur la question. Ils ont tenté de quantifier les effets sur l’économie américaine d’éventuelles perturbations d’approvisionnement en gallium et germanium précisément. 

Selon le document, une restriction complète et simultanée imposée par la Chine sur le gallium et le germanium pourrait entraîner une baisse du PIB américain de 3,4 milliards de dollars. Un scénario aujourd’hui plus réel que jamais, auquel il faut ajouter le coût de restrictions plus fortes sur l’antimoine, dont l’exportation est déjà très contrôlée depuis mi-septembre.

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Les banques centrales d'Europe centrale et orientale sont les plus gros acheteurs d'or
02 December 2024
Les banques centrales d'Europe centrale et orientale sont les plus gros acheteurs d'or

Les tensions géopolitiques et la crise économique stimulent la demande pour l’or. C’est particulièrement vrai en Europe de l’Est où les banques centrales sont les plus gros acheteurs.

Depuis plusieurs mois, le métal jaune ne cesse de grimper. Considéré comme la valeur refuge par excellence, l’or est un actif stable en temps de paix, mais qui s’apprécie dès lors qu’il y a une crise économique, une tension géopolitique ou un conflit. Actuellement, le métal jaune vaut 35 % de plus qu’au début de l’année. Ce sont les achats des banques centrales des pays d’Europe de l’Est qui ont principalement contribué à cette envolée.

La Pologne augmente ses réserves d’or

Les responsables monétaires ne cachent pas que la recherche d’un sentiment de sécurité a été leur première motivation. Dans cette région particulièrement ravagée durant la Seconde Guerre mondiale, la crainte de l’extension du conflit ukrainien est forte. À commencer par la Pologne. Voisin de l’Ukraine, ce pays qui a accueilli près de 2 millions de réfugiés sur son sol a été le plus gros acheteur d’or au monde au deuxième trimestre, selon World Gold Council.

Début octobre, le gouverneur de la Banque centrale de Pologne, Adam Glapiński, n’a pas boudé son plaisir en annonçant que les réserves d’or de son pays ont dépassé celles du Royaume-Uni. « Nous entrons dans le club exclusif des plus grands propriétaires d’or du monde », s’est réjoui le chef de la banque nationale. 420 tonnes d’or reposent actuellement dans les coffres-forts de cette institution, soit la moitié de ce que possèdent l’Inde ou le Japon.

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Les Tchèques veulent prémunir leur économie des chocs

Cet état d’esprit n’est pas moins présent du côté de la République tchèque. Diversifier ses réserves, protéger son économie des imprévus, c’est aussi l’objectif affiché par les Tchèques. La Banque centrale de Prague a multiplié par cinq ses réserves d’or depuis 2022. Son gouverneur prévoit d’arriver à 100 tonnes d’or dans les trois prochaines années.

Les Hongrois et les Serbes suivent

Les Hongrois et les Serbes suivent ce mouvement et achètent à tour de bras. Le gouvernement serbe a fait rapatrier les stocks d’or du pays détenus à l’étranger en 2021. Et la gouverneure de la Banque centrale de Serbie, Jorgovanka Tabakovic, a supervisé un triplement des réserves d’or à 48 tonnes depuis sa prise de fonction en 2012. Conséquence : les cours de l’or montent. D’après Goldman Sachs, le métal jaune pourrait atteindre 3 000 dollars d'ici à 2025.

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L'Arabie saoudite, un acteur incontournable sur le marché des minerais et des métaux
01 December 2024
L'Arabie saoudite, un acteur incontournable sur le marché des minerais et des métaux

L'Arabie saoudite poursuit ses projets en vue de devenir un acteur important sur le marché des ressources indispensables à la transition énergétique : le pays a conclu le 26 novembre neuf accords d'investissement dans les métaux et l'exploitation minière d'une valeur de plus de 9,32 milliards de dollars.

Les deux principaux contributeurs à ce projet d’investissement sont le conglomérat pétrolier indien Vedanta et le groupe minier chinois Zijin. À eux deux, ils vont investir 3,5 milliards de dollars dans des infrastructures de raffinage et des fonderies de cuivre et de zinc.

La demande annuelle mondiale de minerais et de métaux critiques sera multipliée par 3,5 d'ici à 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie. Ces métaux sont très recherchés, notamment pour leur utilisation dans les véhicules électriques, mais aussi avec l’essor de l’intelligence artificielle et le développement des centres de données informatiques. L’Arabie saoudite a parfaitement intégré ce paramètre dans sa stratégie de l’après pétrole et a une carte à jouer évidente : le pays regorge en effet de ressources inexploitées. La Saudi Geological Survey (SGS) a répertorié la présence de plus de 48 minerais dans ses sous-sols, riches en cuivre, en or, en nickel, en bauxite, en lithium et en manganèse. Le potentiel des réserves minières saoudiennes est évalué à au moins 2 500 milliards de dollars.

Le Royaume veut se donner les moyens de les exploiter et souhaite investir 46 milliards de dollars dans le secteur minier d'ici à 2030 en attirant des fonds privés. Pour les investisseurs, le pays a de nombreux atouts, de par son positionnement entre les pays riches en minerais et en métaux d’Asie centrale et d’Afrique, mais aussi grâce à une énergie abondante et bon marché nécessaire pour la transformation ainsi qu'un accès à d'importants pools de capitaux.

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« Super région » des minerais

Dans le cadre de son programme Vision 2030, visant à diversifier son économie et réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, l'Arabie saoudite veut devenir une plaque tournante dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de métaux et de minerais et devenir une alternative au géant chinois. La Chine contrôle aujourd'hui une grande partie du raffinage mondial du cobalt, du lithium, du nickel et du graphite, utilisés dans la fabrication des batteries électriques au lithium.

Le Royaume pourrait ainsi devenir un élément central de la nouvelle « super région » des minerais, un concept présenté cette année à Riyad au Future Minerals Forum, un rendez-vous organisé par les Saoudiens et devenu un incontournable du secteur. L'Arabie saoudite devra cependant faire avec la concurrence régionale, notamment de l’Iran et de l’Algérie qui développent leurs propres projets d’expansion. 

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Le Brésil, source de stress continue du marché mondial du café
28 November 2024
Le Brésil, source de stress continue du marché mondial du café

L'arabica au plus haut depuis presque 50 ans, c'est la nouvelle de cette semaine sur les marchés des matières premières. Cette hausse exceptionnelle des prix du café est alimentée, comme c'est le cas depuis plusieurs semaines déjà, par les inquiétudes qui pèsent sur la production brésilienne.

Depuis le mois de septembre, les prix du café sont suspendus à la météo brésilienne. Car c'est la période où les arbres doivent recevoir des pluies pour que la floraison se fasse correctement. Les précipitations sont arrivées en octobre et parfois même des pluies diluviennes.

Dans la plupart des régions productrices, la floraison a été exceptionnelle, à en croire les analystes de Rabobank, mais les marchés restent inquiets : ils n'ont pas de garantie sur l'évolution des fleurs qui donneront dans plusieurs mois les cerises de café dans lesquelles on trouve les grains. Le risque d'un nouvel accident climatique est loin d'être écarté.

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L'arabica au plus haut depuis 1977

Le Brésil est le fournisseur numéro 1 en arabica, et de mauvaises nouvelles venues de ce pays-là suffisent à faire trembler les prix. D'autant que les stocks ne sont pas suffisants pour éponger une mauvaise récolte. Le résultat se traduit sur les marchés. La livre de café a atteint plus de 320 cents à la Bourse de New York cette semaine, soit un record depuis 1977. « Avec la dépréciation du real brésilien, les prix moyens du café arabica ont augmenté de 11 % par rapport à octobre », constatait Rabobank dans son dernier rapport daté du 25 novembre.

Deux sociétés exportatrices du Brésil ont d'ailleurs demandé une renégociation de leur dette, selon l'agence Bloomberg. Les prix actuels ne leur permettent plus d'assurer les risques financiers qu'ils prennent et mettent en difficulté leur trésorerie. 

Les industriels annoncent la couleur

Le café robusta, d'ordinaire réputé bon marché, n'est pas épargné non plus par cette tendance haussière des cours : le Vietnam, premier fournisseur, est lui aussi soumis à de multiples défis dont celui du climat. La nouvelle récolte a débuté fin octobre sous des pluies diluviennes. Elle est estimée à 27 millions de sacs de 60 kg par l'Association vietnamienne du café. La tonne de Robusta qui avait atteint plus de 5 800 dollars en septembre vaut toujours plus de 5 000 dollars à la bourse de Londres.

Les industriels ont annoncé la couleur et commencent à répercuter ces niveaux de prix inédits : Nestlé a annoncé, il y a quelques jours, de nouvelles hausses et travaille sur des formats de conditionnement plus petits. J.M. Smucker, un groupe américain, a déjà lui réalisé une première hausse de prix en juin et une seconde en octobre. 

Le Bénin se positionne comme un acteur clé de la transformation de soja
27 November 2024
Le Bénin se positionne comme un acteur clé de la transformation de soja

Récolter deux fois plus de soja cette année, et le double d’ici deux ans, c’est l’ambition des agriculteurs béninois qui n’ont pourtant plus l’autorisation d’exporter du soja. La production servira une autre cause nationale, celle de la transformation du soja dans les usines locales.

Il n’y a pas que le Togo qui se passionne pour le soja, il y a aussi son voisin le Bénin. Pour marquer la nouvelle ambition du pays, une interprofession a vu le jour, il y a à peine plus d’un mois, début octobre 2024. C’est elle qui a accompagné ces dernières semaines les discussions sur le prix payé au producteur pour la nouvelle campagne commerciale qui doit être lancée d’un jour à l’autre. Ce prix a été négocié avec les producteurs, mais aussi les transformateurs locaux, car ce sont eux qui vont absorber la totalité de la récolte : les exportations sont interdites depuis le mois d’avril 2024.

Avant ces restrictions, 15% environ de la production était transformée dans des unités semi-industrielles et traditionnelles, pour faire du fromage de soja, de l’huile et des tourteaux pour l’alimentation bétail. Le reste était exporté, essentiellement vers la Chine. La dernière campagne de commercialisation a même vu presque doubler les volumes de soja béninois expédiés vers la Chine, selon le bulletin agricole N’kalo. Car les Chinois qui se fournissent principalement aux États-Unis et au Brésil, importent aussi du soja africain. Celui cultivé au Bénin serait, selon l'interprofession béninoise, prisé pour sa qualité et destiné à l'alimentation humaine essentiellement.  

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Une culture intéressante pour les agriculteurs

Cette année, la totalité de la récolte sera traitée par les usines existantes et par les nouvelles installations de la zone industrielle aménagée (GDIZ) de Glo-Djigbé située à 45 km de Cotonou. Les producteurs tablent sur une production de 500 000 tonnes, soit le double de l’année dernière et dix fois plus qu’il y a cinq ans.

L’engouement pour le soja n’est pas difficile à comprendre : « la culture est plus facile, elle nécessite moins d’intrant, et en bonne légumineuse, le soja enrichit le sol en azote » explique Armand  Kingbo, analyste des marchés agricoles et correspondant soja du service N’Kalo. Les comptes sont vite faits pour les agriculteurs qui ont souffert ces deux dernières années d’une hausse du prix des engrais : le soja est plus rentable que bien d'autres cultures, même si son coût de production demeure élevé - entre 160 et 200 FCFA/kg selon l'expert.

Les jeunes qui sortent des écoles agricoles aujourd’hui se dirigent très souvent vers le soja, explique un de nos interlocuteurs béninois. Résultat, les surfaces sont en augmentation. Les techniques s’améliorent également et c’est ce qui explique ce boom exceptionnel de la récolte. Les prochaines années pourraient être encore plus florissantes. Le programme national de développement de la filière prévoit une production d’un million de tonnes d'ici 2026.

Une troisième année de déficit en vue sur le marché du platine
26 November 2024
Une troisième année de déficit en vue sur le marché du platine

Après 2023 et 2024, 2025 sera encore une année de déficit sur le marché du platine, un métal utilisé dans le secteur automobile mais aussi dans d'autres secteurs industriels et en joaillerie. Mais ce déficit n'annoncera pas forcément une hausse significative des prix.

Le recyclage devrait progresser de 12% l'année prochaine, grâce à la récupération de platine dans les pots catalytiques et dans une moindre mesure grâce au recyclage de bijoux. Cet approvisionnement indirect est important, mais ne suffira pas à répondre à la demande. Le déficit pourrait être de 539 000 onces, en 2025, soit à peine moins que celui estimé pour cette année – 682 000 onces – par le groupement des producteurs de platine, le World Platinum Investment Council.

Le déficit vient en partie de l'extraction minière. La production de l'Afrique du Sud, numéro 1 mondial du secteur, devrait diminuer de 2% l'année prochaine, selon les données du WPC. La mise en maintenance de la mine américaine de Stillwater West n'arrange rien. Le deuxième fournisseur, la Russie, ne devrait pas arriver à faire mieux qu'en 2024 et ne pourra pas combler le manque. Le résultat, c'est une offre mondiale qui devrait être, l'année prochaine, inférieure de 5% à la moyenne décennale. 

L'avenir de la demande très incertain

Mais ce déficit ne met pas pour l'instant en péril les utilisateurs de platine. C'est plutôt la demande qui inquiète les observateurs de la filière. En 2025, elle devrait baisser d'1% et à plus long terme, l'horizon pourrait encore s'assombrir.

Le platine est utilisé dans les véhicules diesel, mais aussi comme substitut au palladium dans les pots catalytiques des véhicules à essence. Sa demande est donc appelée à baisser inexorablement avec la transition énergétique, même si elle reste pour l'instant encore portée par la construction des voitures hybrides. La demande en bijoux reste globalement stable alors que celle dans l'industrie du verre devrait fortement baisser l'année prochaine.

Prix en baisse sur dix ans

La principale inconnue dans ce paysage, c'est l'évolution du secteur de l'hydrogène et l'utilisation du platine dans les batteries à combustible notamment. Les producteurs du métal misent sur ces nouvelles technologies, « mais elles restent encore confidentielles », relève Vincent Donnen, patron de la Compagnie des métaux rares (CDMR), une société d’investissement.

Cette incertitude sur les usages de demain participe peut-être au maintien des prix qui ne flambent pas malgré le déficit constaté depuis deux ans. « En dix ans, le métal a même perdu 400 dollars l'once », rappelle l'expert.   

La France et le Canada s'unissent au nom de l'approvisionnement en minéraux critiques
25 November 2024
La France et le Canada s'unissent au nom de l'approvisionnement en minéraux critiques

Les besoins en minéraux critiques vont augmenter en flèche dans les années à venir, dans le cadre de la transition énergétique. Pour réduire la dépendance envers la Chine, qui contrôle une grande partie des filières, la France et le Canada mettent un coup d'accélérateur à leur coopération.

Benjamin Gallezot a été nommé il y a deux ans, a effectué quatre voyages au Canada et pense déjà à son cinquième. Les déplacements outre-Atlantique du délégué interministériel français aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques illustrent la volonté des deux pays de renforcer leur coopération pour préparer la transition énergétique. 

Autre illustration de ce dialogue bilatéral s'il en fallait, sept sociétés canadiennes – à la pointe de l'extraction de la saumure de lithium ou de la production d'aluminium de très haute pureté –  séjournent cette semaine à Paris. Elles sont à la recherche de partenaires français pour aller encore plus loin dans l'innovation, via des projets commun de recherche et développement.

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L'innovation au cœur du partenariat

L'innovation permet d'être plus compétitif, de développer des filières minières et métallurgiques plus respectueuses de l’environnement, et de gagner du temps, explique Benjamin Gallezot. Par exemple, réduire de 5 à 2 ans les délais de prospection. « Les projets sont trop longs à mettre en œuvre vis-à-vis des besoins de la transition énergétique et ces problèmes de calendrier risquent d'entrainer un décalage entre l’offre et la demande », explique le représentant français.

Les Européens sont en retard : la production minière augmente sur tous les continents, sauf en Europe. Les acteurs majeurs dans l'extraction minière sont souvent chinois et rarement européens, rappelle Didier Zimmermann, directeur du développement des entreprises et de la collecte de fonds, EIT Raw Materials. C'est aussi vrai pour le raffinage. D'où la volonté de l'Europe de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, avec l'aide du Canada notamment.

Le Canada se rêve en leader mondial

L'objectif du Canada est le même, avec une ambition plus large, clairement énoncée : celle de devenir un leader mondial dans la production et la fourniture de minéraux critiques.

La richesse du sous-sol canadien n'est plus à prouver, le pays produit plus de 60 minéraux et métaux, et possède d'importantes réserves de terres rares. Pour aller plus loin, le Canada a simplifié en 2022 les procédures administratives et mis en place des incitations fiscales pour faciliter le développement de nouveaux projets miniers.

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