Le ministre japonais de l'Agriculture décrit « une situation très anormale » pour qualifier le marché du riz de son pays, où les prix ont augmenté de 70%. Le gouvernement a décidé d'agir et a commencé, depuis lundi 10 mars, à vendre du riz issu de ses réserves d'urgence.
Les Japonais ont vu les prix de leur riz grimper depuis l'année dernière pour deux raisons essentiellement. D'abord, une mauvaise récolte en 2023, qui a entraîné moins de disponibilité en 2024, et ensuite, une forte demande durant l'été, liée à la crainte d'un séisme majeur sur la faille de Nankai. L'alerte donnée par les autorités a fait paniquer les habitants, qui ont réalisé des stocks et vidé les rayons des magasins.
À cela, il faut ajouter une dose de spéculation comme c'est souvent le cas quand un marché devient tendu ; ceux qui ont du riz attendent pour le vendre, cela fait monter les prix et ils en profitent.
Pour inverser cette spirale qui tire les prix vers le haut, le gouvernement du Japon a décidé, début mars, de puiser dans ses stocks stratégiques : les autorités attribueront d'ici mercredi 12 mars 150 000 tonnes de riz aux enchères, et envisagent d'en libérer 60 000 tonnes supplémentaires si besoin. Ces ventes portent sur une quarantaine de variétés de riz récoltées en 2023 et 2024, selon la presse japonaise.
Le riz local avant toutLe Japon gagnerait à importer, car sur le marché mondial, les prix sont en baisse depuis fin septembre 2024 : c'est à cette période que l'Inde, le premier exportateur mondial, a remis plus de riz en circulation après des mois de restrictions. Cette baisse s'est encore poursuivie en janvier et février comme l'atteste la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Mais le Japon est un marché très spécial. Les Japonais consomment leurs variétés de riz et rarement du riz importé, question d'habitude alimentaire. Pour schématiser, le marché est insensible aux prix pratiqués sur le marché mondial mais tributaire de la production et de la consommation locale. L'actuelle flambée des prix est aussi alimentée par un contexte national d'inflation qui ne pèse pas que sur le riz.
Des importations dédiées à l'industrieLe Japon importe tout de même du riz. Même s'il a refusé longtemps de le faire, par protectionnisme, il a été contraint d'ouvrir son marché intérieur dans les années 1990, sous la pression des membres du GATT, l'ancêtre de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, explique Patricio Mendez del Villar économiste au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et éditeur de la note de conjoncture Osiriz.
Le pays importe 8 à 10% de ses besoins, soit environ 700 000 tonnes par an. Ce sont des importations plutôt stables qui sont destinées surtout à l'industrie et à l'alimentation animale.
Sur le long terme, la tendance est à la baisse de la consommation humaine de riz au Japon, au profit d'un régime plus occidental. Elle s'accompagne depuis des années d'une diminution des surfaces cultivées. Ce qui n'empêche pas des déséquilibres ponctuels, comme l'illustre la hausse des prix de ces derniers mois.
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