Les marchés agricoles peinent à trouver une direction très nette dans le contexte de sanctions douanières et contre-sanctions qui fait rage entre les États-Unis et ses partenaires. À une exception près, le canola canadien, cousin du colza européen, qui a chuté de 15 % en deux semaines à la bourse de Winnipeg, pour atteindre 577 dollars canadiens la tonne.
Le canola, et en particulier l'huile et les tourteaux qu'on obtient par écrasement des graines, sont particulièrement dépendants du marché américain : en 2024, plus de 90 % de l'huile et deux tiers des tourteaux exportés par le Canada sont partis aux États-Unis.
L'annonce de la mise en place de taxes américaines en janvier avait déjà provoqué une baisse des cours. Puis ces taxes ont été reportées, cela aurait dû donner une bouffée d'air au marché, mais la surprise est venue d'ailleurs : le canola a de nouveau la tête sous l'eau à cause de la Chine.
À lire aussiLa guerre commerciale fait chuter les prix des céréales et oléagineux
Nouvelles taxes de PékinPékin vient en effet d'imposer de nouvelles taxes douanières, en réponse à Ottawa qui a instauré l'année dernière une taxe de 100 % sur les véhicules électriques produits en Chine. Cette punition annoncée le week-end dernier devrait se matérialiser, à partir du 20 mars, par des droits de douane supplémentaires à l'importation sur plusieurs produits agricoles canadiens. Pour l'huile de canola et les tourteaux, la taxe fixée est de 100%.
« La Chine achète au Canada tous les tourteaux que les États-Unis n'achètent pas, soit le tiers restant », relève Arthur Portier, consultant pour Argus Media France. Une fermeture des deux marchés, les États-Unis et la Chine, pour les tourteaux et l'huile serait un coup dur pour le Canada, ajoute l'expert : cela obligerait le pays à réduire ses activités de trituration, alors qu'un vaste plan d'investissement a été lancé dans le secteur.
Quelles alternatives en Chine ?Avec ces nouvelles taxes, la Chine va devoir apprendre à se passer des importations canadiennes. En 2024, elle a importé 2,8 millions de tonnes de tourteaux pour nourrir son bétail, dont 2 millions de tonnes du Canada. Ira-t-elle en chercher plus aux Émirats arabes unis, son autre fournisseur, ou alors importera-t-elle plus de graines à transformer sur son sol ? La Chine n'a pas taxé les graines de canola canadiennes, dont elle est un des principaux clients, c'est peut-être un signe.
L'empire du Milieu pourrait aussi décider d'importer plus d'huile de Russie et des tourteaux de soja plutôt que de canola.
Déroute du colza européenLa chute de 15% des cours du canola à la bourse de Winnipeg ces deux dernières semaines a entraîné celle du colza européen qui a baissé de 12 % sur Euronext — de 540 euros la tonne à 480 euros la tonne.
Les cours évoluent souvent en miroir. « Un colza trop cher en Europe ne serait plus compétitif face au canola qui chute », résume un de nos interlocuteurs. S'ajoute le comportement d'opérateurs financiers qui revendent des contrats qu'ils avaient achetés, dans un contexte où la tendance du prix des grains est à la baisse.
À lire aussiLe canola et les huiles bientôt pris dans la tourmente des nouvelles taxes Trump?