Le monde ne manque pas d’acier, il croule même sous les excédents, c’est ce que pointe le rapport annuel de l’OCDE, une organisation économique qui regroupe essentiellement les pays occidentaux, rapport qui vient de sortir cette semaine.
Ce qui explique la surproduction d’acier, ce sont essentiellement les subventions octroyées par certains États. Plusieurs gouvernements ont mis en place des politiques de soutien à leur industrie sidérurgique, c’est le cas dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) et dans les pays d’Asie du Sud-Est, mais un pays fait plus que les autres : la Chine. Les subventions de Pékin sont dix fois supérieures à celles des pays de l'OCDE. Ce soutien se matérialise par des emprunts en dessous des taux du marché, des prix de l’énergie subventionnés ou encore un traitement fiscal préférentiel. Une pratique qui « fausse » le marché mondial, selon l’OCDE.
Grâce à son acier subventionné, la Chine prend de plus en plus de part de marché : les exportations d’acier chinois ont plus que doublé depuis 2020, pour atteindre un record de 118 millions de tonnes en 2024.
Ce tsunami d’acier a fait chuter les prix. Après leur pic en 2021, ils sont tombés au plus bas depuis près de dix ans. Des prix bas qui profitent naturellement aux utilisateurs d’acier du secteur de la construction ou de l'automobile, mais pas aux fabricants d’acier.
Des fabricants d'acier qui ne sont plus rentablesLes industriels voient leur rentabilité se rapprocher de leurs plus bas niveaux historiques, selon l’OCDE : l’allemand ThyssenKrupp a annoncé la suppression de milliers emplois, le géant US Steel, désormais relégué aux 24e rang des aciéristes mondiaux, est contraint de se marier avec le japonais Nippon Steel, numéro 4 du secteur. Quant à ArcelorMittal, le géant mondial prévoit de licencier environ 600 personnes dans le nord de la France.
Face aux difficultés et à la grogne des producteurs d’acier dont l'activité souffre de la concurrence asiatique, de plus en plus de pays ont lancé des enquêtes anti-dumping. Leur nombre a été multiplié par cinq en deux ans. Rien qu’en 2024, 81 ont été lancées – contre 16 précédentes –, un tiers visait des producteurs chinois.
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La consommation ne suit pasElle est variable selon les régions, stable, voire en déclin dans les pays occidentaux, mais elle diminue en Chine. Au niveau mondial, le solde est à peine positif, les besoins en acier n’augmentent même pas de 1 % par an. D’où les excédents d’acier, qui risquent de s’aggraver puisque de nouvelles usines vont entrer en service.
Dans les deux années qui viennent, les capacités de production devraient bondir de plus de 6 %, selon les projections de l’OCDE, ce qui annonce des dizaines de millions de tonnes d'acier en plus sur le marché. Des nouveaux investissements situés majoritairement en Asie et surtout en Inde et en Chine.
Impact sur la décarbonation du secteurLa fabrication d’acier est responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2. Mais les investissements pour décarboner la filière sont difficilement tenables dans le contexte actuel de prix. Fin 2024, ArcelorMittal a suspendu son projet d'investissement dans la décarbonation de ses hauts fourneaux de Dunkerque, en raison de la non-compétitivité de l'acier produit en Europe.
En parallèle, 40 % des nouvelles capacités qui doivent entrer en production ne seront pas bas-carbone et même « à forte intensité d’émission », pointe l’OCDE.