Le renversement du pouvoir en Syrie peut-il avoir des répercussions sur les flux commerciaux et en particulier sur les exportations de phosphate, un minerai essentiellement utilisé pour fabriquer des engrais phosphatés (DAP, MAP, TSP, SSP, NPK) ? C'est la question que l'Inde, la Grèce, la Serbie, l'Iran et la Russie doivent probablement être en train de se poser.
Le phosphate produit dans la région de Palmyre est une source importante de revenus pour la Syrie et pour ceux qui l'achètent et le revendent. Car la Syrie ne commercialisait ces dernières années qu'environ un tiers de sa production. Les deux autres tiers étaient destinés à l'Iran pour sa consommation intérieure, mais aussi à la Russie pour être revendus.
La Russie a été un pilier du redémarrage du secteur après un arrêt total des ventes au début de la guerre en 2011. C'est grâce à l'intervention de Stroytransgaz, une société russe d'ingénierie et de construction, que le commerce a pu reprendre il y a quelques années.
Jusqu'à ce début décembre, l'essentiel du phosphate syrien était exporté via le port de Tartous, même si certaines cargaisons sont suspectées d'avoir transité via le port de Tripoli au Liban, pour gagner en respectabilité avant d'être exportées vers des pays européens.
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2,5 millions de tonnes exportéesLa nouvelle donne pourrait redistribuer les cartes de l'approvisionnement, mais quel sera vraiment l'impact sur les flux et les prix dans les prochaines semaines ? Même du côté des négociants en engrais, on peine à répondre.
En termes de poids sur le marché, la Syrie, c'est 2,5 millions de tonnes d'exportation cette année, c'est-à-dire moins qu'avant le début de la guerre, moins que les 4 millions de tonnes qui partent d'Égypte ou encore de Jordanie, et encore moins que les 8 millions de tonnes que le Maroc devrait exporter cette année, mais la Syrie ne pèse pas rien, elle alimente plus ou moins 10 % du marché, estime un négociant français.
Outre son prix bon marché, le phosphate a bonne réputation en Europe, en raison de sa très faible teneur en cadmium, un métal cancérogène.
Des clients dans l'expectativeIl y a donc de nombreux clients potentiellement en stress aujourd'hui de se voir couper temporairement d'une de leurs sources d'approvisionnement ou de revenus. Ceux qui ont le plus à perdre sont l'Iran et la Russie, mais on peut citer aussi la Serbie et la Grèce qui ont importé sur les neuf premiers mois de l'année respectivement 500 000 tonnes et 250 000 tonnes de phosphate syrien.
Parmi les autres acteurs qui comptent, il y a la Chine pour qui l'approvisionnement syrien reste secondaire et l'Inde, qui devrait importer plus de 400 000 tonnes en 2024. Mais le pays s'en remettra : il se fournit majoritairement ailleurs pour répondre à ses besoins en phosphate évalués à 8 millions de tonnes.
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