L’Union européenne veut se réarmer face au désengagement américain dans le dossier ukrainien. Ce grand projet présenté par la Commission doit mobiliser près de 800 milliards d’euros pour la défense du continent. Une annonce qui fait les affaires du secteur. Décryptage.
La tendance est claire et nette. Depuis le début de l'année, le cours boursier des industriels militaires européens ne cesse d'augmenter. Rheinmetall, le géant allemand de la défense, a vu ses actions bondir de plus de 52%. Dynamique également à la hausse pour l'Italien Leonardo : +38%, ou encore le Français Thales à hauteur de 35%. Voilà pour ne citer qu'eux.
Et si les investisseurs ont autant confiance dans ces entreprises, c’est parce qu'elles devraient, selon toute vraisemblance, crouler sous les commandes dans les prochains mois. La Commission européenne entend mobiliser 800 milliards d'euros pour sa défense dont 150 immédiatement sous forme de prêt commun. Sont concernés la défense anti-aérienne, les missiles, les systèmes anti-drones ou encore l'artillerie. Des secteurs auxquels on pense évidemment quand on parle défense militaire, mais il y a aussi tout un tas d'entreprises auxquelles on ne pense pas qui sont essentielles à la fabrication de tels engins. Difficile de ne pas évoquer les sous-traitants, comme ceux qui fabriquent tout simplement des écrous, des boulons ou des composants électroniques.
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Faire tourner l’industrie européenneSi on prend du recul, on peut sans honte se dire que cette initiative peut relancer l'industrie européenne. Car on l'a souvent démontré, elle est en difficulté. Pourtant, difficile d'être si catégorique. C'est vrai que l'activité du secteur européen est dopée par la hausse des dépenses militaires qui a suivi l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Cela devrait d’ailleurs l'être encore plus dans les prochains mois, c'est d'ailleurs ce que précise un rapport publié par le cabinet McKinsey. Mais il faut tout de même préciser que les clients de ces grands industriels, ceux qui vendent des avions, des missiles, des systèmes perfectionnés, ce sont les États. Et que les contrats signés sont des contrats de long terme de plusieurs milliards d'euros. Donc sur cet aspect, c'est de bon augure pour l'industrie militaire européenne.
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Équilibre à trouverLe problème, c’est qu’il va falloir trouver de l’argent. Parce qu'à budget égal, si les dépenses de défense augmentent, il va bien falloir trouver de l'argent ailleurs pour équilibrer les comptes. C'est le principe des vases communicants. L'agence de notation Fitch Ratings met d'ailleurs en garde ce phénomène, car cela va augmenter la dette des pays membres de l'UE. Or, certains comme la France sont déjà concernés par un niveau d'endettement pointé du doigt par la Commission européenne. Autre option que l'exécutif européen compte privilégier : assouplir les règles budgétaires des 27 européens pour permettre des dépenses de défense plus importantes sans toucher aux autres dépenses. Concrètement, la Commission pourrait accepter un déficit plus important. L'Europe semble ainsi changer de doctrine. Il faut à présent que les 27 parlent d'une seule et même voix pour avancer sur ce chemin voulu par Bruxelles !
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