Aujourd'hui l'économie
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Pour mieux comprendre notre environnement, Aujourd'hui l'économie vous propose un rendez-vous quotidien pour décrypter un fait marquant de l'actualité économique. Un focus quotidien complété par une sélection d'informations économiques. Le vendredi, diffusion d’«Aujourd’hui l’économie, le Portrait», celui d’un acteur ou actrice de cette actualité, d’une entreprise grande ou petite...

Quel est l'intérêt économique de rejoindre l'alliance des Brics?
22 October 2024
Quel est l'intérêt économique de rejoindre l'alliance des Brics?

Un nouveau sommet des Brics+ se tient du 22 au 24 octobre à Kazan, en Russie. Une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement du sud global sont attendus, y compris des dirigeants de pays candidats à l'adhésion à l'alliance, comme la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Côté politique, les Brics+ se positionnent comme alternative au bloc occidental. En revanche, côté économique, quel est l'intérêt concret de rejoindre ce club ?

Il y a la théorie, et la pratique. En théorie, les Brics+ veulent contester l'ordre financier international et les institutions héritées des lendemains de la Seconde guerre mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), ou encore la Banque mondiale. L'alliance, qui a accueilli au début de l'année 2024 l'Éthiopie, l'Égypte ou encore l'Iran, pèse désormais près de 30% de la richesse mondiale et 45% de la population. Mais n'a que 20% des droits de vote au sein du FMI par exemple.

Les Brics (au départ composés du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine puis de l'Afrique du Sud) ont donc créé leurs propres institutions alternatives, censées mieux représenter et mieux servir les pays du sud global.

Pas encore d'alternative satisfaisante au FMI et à la Banque mondiale

En pratique, pour faire concurrence aux institutions financières internationales héritées des accords de Bretton Woods, les Brics ont notamment créé le CRA (Contingent Reserve Arrangement), comme alternative au FMI. Sauf que cette institution « est totalement conditionnée pour ses prêts de liquidités à un accord avec le FMI » explique Bruno Cabrillac, directeur général de la Ferdi (Fondation pour les études et recherches sur le développement international). Ce qui rend « extrêmement marginal » l'avantage pour des pays de participer à cette institution, poursuit-il. De son côté, la New Development Bank (en français, « Nouvelle banque de développement ») créée par les Brics dispose de beaucoup moins d'argent que la Banque mondiale. Son capital initial était de 50 milliards de dollars seulement. De plus, « elle n'offre pas des conditions plus favorables pour les pays emprunteurs, car elle emprunte sur les marchés internationaux (en dollars, d'ailleurs) à des taux d'intérêt plus élevés que ceux de la Banque mondiale et que ceux de la Banque asiatique de développement. Par contre, elle ne va pas appliquer la même conditionnalité : elle ne va pas demander aux pays emprunteurs de faire telle ou telle réforme » politique, économique ou de gouvernance, à la différence des institutions financières internationales traditionnelles, précise Bruno Cabrillac. 

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Une diversification utile face aux sanctions

Il y a tout de même un intérêt commercial à adhérer à l'alliance. « Pour certains pays - et pour ceux qui souhaiteraient rejoindre les Brics- le bloc est une assurance pour la diversification économique, contre les risques géopolitiques liés aux sanctions par exemple. Mais c'est plus un intérêt économique défensif, pour se protéger en cas de problème », analyse encore Bruno Cabrillac.

Enfin, cela peut permettre à des pays du sud global de mettre en concurrence le bloc occidental et les Brics, pour essayer d'obtenir les accords les plus favorables à leurs intérêts politiques et commerciaux.

Crise de l’immobilier aux États-Unis, que proposent Donald Trump et Kamala Harris?
21 October 2024
Crise de l’immobilier aux États-Unis, que proposent Donald Trump et Kamala Harris?

C’est l’un des grands dossiers de cette campagne : les Américains peinent à se loger. La faute à un déficit de 4 à 7 millions de logements sur le marché qui pousse les prix à la hausse. Une situation qui remonte à la crise des subprimes.

Avant 2008, plus de deux millions de logements sortaient de terre chaque année aux États-Unis. Le marché immobilier était florissant, porté par les banques qui prêtaient à tout le monde, y compris à des ménages non solvables, des prêts risqués réunis en « paquets » : les fameux subprimes. Quand la réalité a fini par rattraper les apprentis sorciers du prêt hypothécaire, tout le système financier était contaminé. La crise culmine le 15 septembre 2008 quand la banque Lehman Brothers fait faillite. Après avoir fait un exemple, très vite l’État fédéral se porte au secours des autres institutions financières en difficulté pour éviter la contamination. De nombreux promoteurs immobiliers, eux, mettent la clé sous la porte. Les plus gros survivent en réduisant sérieusement la voilure. Au pire de la crise, la production annuelle de logement tombe à moins de 600 000.

Les États-Unis passent d’une surproduction à une sous-production chronique qui va durer quinze ans. Quinze années pendant lesquelles la société évolue : les études se rallongent, les couples s’installent et font des enfants plus tard dans leur vie, divorcent plus vite. Les Américains en 2024 vivent donc plus souvent seuls que ceux de 2008. Entre 2012 et 2022, le nombre d'Américains vivant seuls a augmenté de 5 millions. Ajoutez à cela la croissance démographique, l’immigration, et vous obtenez un déficit de logements que les experts estiment à près de 4 millions, et jusqu’à 7 millions pour les plus pessimistes. Résultat : les prix s’envolent - même en dehors des grandes villes - et les Américains peinent à se loger.

Donald Trump mise sur la lutte contre l'immigration et la dérégulation

Face à ce constat, Donald Trump propose les mêmes solutions que pour à peu près tous les autres problèmes. « Ces trois dernières années, moins de 5 millions de logements ont été construits aux États-Unis », a souligné le candidat Républicain en meeting en Arizona. « Dans le même temps, Kamala Harris a fait entrer 21 millions de migrants illégaux sur le territoire, des migrants qui occupent de manière disproportionnée les logements à faible loyer ». Donald Trump qui veut mener « la plus grande expulsion de l’Histoire » estime donc que cela règlerait en partie le problème. Les experts soulignent que les migrants constituent aussi « de manière disproportionnée » la main-d’œuvre sur les chantiers du bâtiment, ce qui risquerait d’aggraver le problème. L’ex-président veut aussi déréguler le secteur de l’immobilier pour encourager l’investissement privé. Kamala Harris de son côté préfère miser sur les incitations fiscales, en facilitant l’accès aux prêts des primo-acheteurs et en créant un crédit d’impôt à destination des promoteurs avec pour objectif de construire « trois millions de nouveaux logements » « d’ici la fin de [son] premier mandat ».

La crise du logement à mettre en perspective avec la crise des immeubles de bureaux. « Aux États-Unis, 20 % des immeubles de bureaux sont vides, personne ne les loue. Et il faut y ajouter 20 % supplémentaires de bureaux qui sont loués… mais où personne ne se rend », soulignait récemment Stephen Schwarzman, le patron du fonds d'investissement Blackstone. Un phénomène accentué par le recours croissant au télétravail. « Ça fait 40 % de bureaux inutilisés. Que se passera-t-il à la fin du bail ? Les entreprises vont réduire l’espace qu’elles occupent. Donc sur le plan économique, ces immeubles ne sont pas viables ». Des bâtiments vides, d’un côté, des dizaines de milliers de personnes en recherche de logements de l’autre, une équation qui mériterait peut-être d’être résolue.

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Fin du pétrole: les multinationales vent debout contre les prédictions de l'AIE
17 October 2024
Fin du pétrole: les multinationales vent debout contre les prédictions de l'AIE

« Plus de la moitié de l'électricité sera d'origine bas carbone avant la fin de la décennie. » Dans son dernier rapport paru mercredi 16 octobre, l'Agence internationale de l'énergie persiste et signe. En désaccord complet avec ces prédictions, les multinationales du pétrole continuent, elles, d'investir lourdement dans les hydrocarbures.

Entre Fatih Birol, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et l’internationale du pétrole, le courant ne passe plus. Il y a certes consensus sur l'explosion des besoins en énergie, liés au développement des pays du Sud, mais aussi à l'appétit insatiable de l'intelligence artificielle et de ses milliers de datacenters ou encore à la climatisation croissante des espaces publics et privés qui répond au réchauffement climatique autant qu’elle y contribue.

Mais l'agence basée à Paris fait le pari que les énergies renouvelables, d'un côté l'éolien et le solaire en tête, et l'énergie nucléaire de l'autre, fourniront malgré tout la moitié de l'électricité de la planète d'ici à 2030. Sur ce point, les pétroliers sont en complet désaccord. « Il faut abandonner de toute urgence le fantasme d'une disparition progressive du pétrole et du gaz », s’est agacé Amin Nasser, le puissant patron de la compagnie nationale saoudienne de pétrole Aramco à la tribune d’un forum de l’industrie à Houston. « À la place, il faut investir dans ces ressources en prenant en compte l'évolution réaliste de la demande. » L'Arabie saoudite et les pays producteurs de pétrole en général considèrent que la consommation de pétrole va continuer d'augmenter tous les ans, « au moins jusqu'en 2045 ».

Une analyse partagée par les principales compagnies privées : ces dernières années, BP et Shell sont revenues tour à tour sur leurs objectifs de réduction de la production de pétrole et de gaz. Le géant français Total prévoit lui carrément d'augmenter sa production de pétrole de 3 % tous les ans jusqu'en 2030. Devant une commission d'enquête du Sénat français, en avril dernier, son PDG ne s'est pas privé de dire tout le mal qu'il pensait des prédictions de l'AIE : « Le scénario ‘net zéro’ de l’AIE [qui prévoit la neutralité carbone en 2050, NDLR] est un scénario théorique », a insisté Patrick Pouyané devant les sénateurs. « L’AIE dit que [compte tenu du déclin naturel des champs] il suffit qu’on arrête d’investir dans le pétrole. Le problème, c'est que la même AIE nous explique chaque semaine que la demande de pétrole de l’année suivante augmente. » Visiblement agacé, le patron de Total tape du poing sur la table et s’en prend directement au patron de l’Agence : « Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, c'est à monsieur Fatih Birol. Parce que je veux bien qu’on ait un nouveau pape et une nouvelle bible, mais ce n’est pas la réalité de ce que nous vivons aujourd’hui. »

« La transition vers les énergies propres est irréversible »

Le « nouveau pape » en question n’a pourtant rien d’un zadiste en sarouel. L’économiste turc est un ancien du sérail, ce qui explique peut-être le sentiment de trahison ressenti par les industriels. Avant de prendre la tête de l’AIE en 2015, il a fait carrière au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opec). S’il est vrai qu’il a pris conscience de l’urgence climatique, l'AIE, créée après le premier choc pétrolier de 1973 pour faciliter la sécurité des approvisionnements énergétiques, reste avant tout un instrument prédictif dont les rapports font toujours foi. Avant la COP28, Fatih Birol avait lancé un appel aux pétroliers parlant de « moment de vérité » : « Nous verrons si vous êtes les partenaires de la lutte contre le changement climatique, oui ou non. »

Mais il assure que ses prévisions sur le pic de pétrole n'ont rien de politique, citant notamment le ralentissement de la demande chinoise, l'électrification à marche forcée du parc automobile et la domination du renouvelable dans les investissements énergétiques de la planète au point de représenter désormais les deux tiers de sommes engagées. « Les chiffres ont toujours raison », a dit Fatih Birol en septembre devant un groupe de réflexion new-yorkais. « La transition vers les énergies propres est irréversible. Je vois certains célébrer chaque obstacle qui se dresse sur la route, mais le chemin à prendre ne fait aucun doute. »

Télétravail: un acquis de plus en plus remis en cause dans les entreprises
16 October 2024
Télétravail: un acquis de plus en plus remis en cause dans les entreprises

Plus de sept-cents salariés d'Ubisoft se sont mis en grève mardi 15 octobre, un mouvement social de trois jours, inédit chez le numéro un français du jeu vidéo provoqué par la décision du groupe de rappeler les salariés au bureau au moins trois jours par semaines. Comme Ubisoft, de nombreuses entreprises font marche arrière sur le télétravail pourtant plébiscité par leurs collaborateurs.

Masques de « lapin crétin » sur le visage, drapeau de la CGT, Solidaires Informatique ou du STJV (le syndicat des travailleurs du jeu vidéo) dans la main, ils étaient plusieurs dizaines de salariés réunis ce mardi 15 octobre après-midi devant les locaux parisiens d’Ubisoft. Comme Manou, depuis quinze ans chez « Ubi », beaucoup font grève pour la première fois. « Nous avons reçu un mail mi-septembre nous disant qu’il faudrait désormais revenir travailler dans les locaux au moins trois jours par semaines », explique-t-il. « Avant le Covid, on pensait que nos métiers étaient trop complexes pour le télétravail. Mais nous avons prouvé que ça marchait et que ça marchait même très bien. C’est même la chose qu’Ubisoft a le mieux réussi ces dernières années. Et on veut nous le retirer, c’est incompréhensible. »

Valentin est venu exprès de Troyes dans l’Aube pour dire sa colère et son incompréhension. « Comme à peu près 10 % des effectifs en France j’ai été embauché en 100 % télétravail. Notre vie est loin d’ici, parfois à l’autre bout du pays. Porte-à-porte, j’ai 2h15 de transport », raconte-t-il. Il comprend d’autant moins l’injonction à revenir en présentiel qu’aucun des membres de son équipe ne travaille en France, tous ses collaborateurs sont à l’étranger. Les syndicats dénoncent l’absence de véritable dialogue social sur le sujet.

La crainte de licenciements déguisés

Ils ont aussi en tête la formule d’Yves Guillemot, le PDG. En 2022, face aux difficultés de l’entreprise, il avait évoqué la nécessité de réduire la masse salariale de l’entreprise grâce à « l’attrition naturelle ». « Le télétravail a permis à certains salariés d’accéder à la propriété en s’installant à l’autre bout de la France, ou à la parentalité en réorganisant leur vie familiale », note Vincent Cambedouzou, élu STJV chez Ubisoft. « On va leur demander de choisir entre leurs conditions essentielles et leur emploi, évidemment ils ne choisiront pas leur emploi, ce qui revient peu ou prou à les mettre à la porte », déplore le syndicaliste.

Il est loin le temps où tous les patrons du monde se sont mis à vanter les vertus du télétravail, sauveur du capitalisme. « Cela a complètement révolutionné la manière dont nous envisageons nos recrutements », se réjouissait en 2020 Andy Jassy, sur le point de prendre la tête d’Amazon. « On s’est rendu compte que si quelqu’un, n’importe où dans le monde, voulait s’investir dans l’entreprise, on pouvait collaborer très efficacement. » Quatre ans plus tard, devenu PDG, Andy Jassy a annoncé mi-septembre à tous ses collaborateurs qu’ils devraient revenir au bureau cinq jours par semaines à compter du mois de janvier.

Télétravailleurs ou « téléfeignants » ?

Amazon et Ubisoft ne sont pas des exceptions : Meta, Goldman Sachs, Google et beaucoup d'autres ont fait marche arrière sur le télétravail. Dans leurs mémos, les entreprises parlent de « cohésion », de besoin de former les nouveaux collaborateurs, de « stimuler la créativité »... Mais personne n'a été aussi clair et transparent que Stephen Schwarzman, le patron du fonds d'investissement Blackstone : « Les gens se sont habitués à rester à la maison parce qu’ils travaillent moins qu’au bureau, quoi qu’ils en disent. » Autrement dit, les télétravailleurs seraient des « téléfeignants ».

Elon Musk, le patron de Tesla, et homme le plus riche du monde, prend carrément des accents marxistes pour dénoncer une « classe des télétravailleurs » qui voudraient pouvoir rester chez eux aux dépens de tous les autres. « Ceux qui fabriquent votre voiture doivent se rendre à l’usine, ils ne peuvent pas télétravailler. Ceux qui livrent votre déjeuner ne peuvent pas télétravailler, mais vous, vous pourriez rester à la maison ? Ce n’est pas seulement une question de productivité, c’est moralement condamnable. »

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Le télétravail un caprice d’enfants gâtés ? S’il est vrai que de nombreux métiers en sont exclus, le plus souvent occupés par des employés à bas salaire – les fameux « premiers de corvée » -, les études sur le sujet montrent que ses bénéfices pour l’entreprise et la société sont bien réels. Il favorise le bien-être au travail, l'équilibre familial, le maintien des femmes dans l'emploi, la diversité dans les entreprises... Reste la question de la productivité, centrale dans la décision des patrons. Si vous demandez aux premiers concernés, les salariés vous répondent majoritairement qu'ils sont plus productifs en télétravail quand leurs managers jurent le contraire. Alors qui croire ?

Un impact sur la productivité à nuancer

Les études sont contrastées. Les résultats dépendent évidemment du secteur, des procédures et des outils mis en place par les entreprises pour faciliter la communication entre employés. Certaines notent une baisse de la productivité de 10 à 20 % due au manque de discipline des employés et aux difficultés de communication, particulièrement chez ceux en 100 % télétravail. D’autres études soulignent au contraire que les travailleurs sont moins souvent dérangés et plus concentrés sur leurs tâches.

L'étude la plus complète sur le sujet a été réalisée par l'université de Stanford et l'Institut de Finance de Shenzhen. Pendant six mois, les chercheurs ont observé les habitudes de travail des employés d’une entreprise informatique. Elle montre sans ambigüité les bénéfices d’une organisation « hybride ». Non seulement alterner entre travail au bureau et à la maison n'a aucune incidence sur la productivité, mais cela diminue le « turnover », le taux de rotation des salariés, moins enclins à aller voir ailleurs.

Le Nobel d'économie récompense des spécialistes des inégalités
15 October 2024
Le Nobel d'économie récompense des spécialistes des inégalités

Le prix Nobel d’économie a été décerné le 14 octobre à trois économistes : l’Américano-Turc Daron Acemoglu, et les Britanno-Américains Simon Johnson et James Robinson. Un trio internationalement reconnu pour son travail sur les inégalités.  

Trois noms inconnus pour le commun des mortels… Mais sur la planète économie, Acemoglu, Johnson et Robinson sont des stars. Pour en parler, certains professeurs ne donnent d’ailleurs que leurs initiales : «A-J-R». Daron Acemoglu et Simon Johnson sont professeurs au Massachusetts Institute of Technology, près de Boston. James Robinson enseigne lui à l’Université de Chicago.  

Deux articles écrits en collaboration au début des années 2000 ont fait leur renommée. Des papiers qui sont parmi les plus cités en économie. « Je pense même qu’ils ont la médaille d’or », raconte en souriant l’économiste français du développement Denis Cogneau. 

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Une histoire coloniale déterminante 

Si le comité Nobel les a récompensés, c’est parce qu’ils ont répondu – au moins en partie – à une question fondamentale : pourquoi y a-t-il des pays riches, et des pays pauvres ? Selon eux, la réponse se trouve dans les institutions. Quand les régimes démocratiques et inclusifs favorisent la prospérité, ceux des pays autoritaires et moins ouverts aux échanges la freinent. 

Leurs travaux se basent sur l’étude de l’histoire coloniale. D’après leur analyse, les pays qui étaient des colonies de peuplement ont davantage prospéré que ceux qui étaient des colonies « d’extraction », exploitées par les Européens avant tout pour leurs richesses naturelles. Un pays qui se démocratise aurait une avance de 8 à 9 ans sur un État qui n’a pas engagé cette évolution. 

Avec ce prix, le comité Nobel rappelle qu’apporter une réponse à la question des inégalités est urgent. « C’est un choix qui arrive au bon moment, estimeErik Angner, économiste et professeur de philosophie à l’Université de Stockholm. Au moment où les institutions sont menacées de toutes parts, par le populisme, par les guerres… Ces lauréats ont un message pour nous, qui est que nos institutions démocratiques et politiques sont essentielles à la paix et la prospérité. »  

Un contre-exemple : la Chine 

Certains experts restent cependant critiques de cette théorie. Denis Cogneau reconnaît l’importance d’expliquer une partie des inégalités internationales par le passé colonial. « D’un autre côté, poursuit-il, l’idée que tout est déterminé depuis le départ, c’est éventuellement un peu trop simpliste, un peu trop caricatural. » 

Autre critique : si les institutions sont le premier facteur qui influence le développement d’un pays, c’est donc qu’il existe une bonne structure sociale, et que les autres sont mauvaises. « À travers la notion de "bonne institution", il est difficile de s’enlever de l’esprit que derrière ça, il n’y a pas une sorte de modèle américain », résume Denis Cogneau. 

Principal contre-exemple évoqué : la Chine. Le pays a connu une croissance fulgurante ces trente dernières années, tout en restant un régime autoritaire. Dans un entretien avec la presse lors de la remise du prix, Daron Acemoglu l’a reconnu lui-même : « la démocratie n’est pas une panacée ». Mais selon lui, elle reste un « gain substantiel » pour le développement d’un pays.

Salon de l'automobile: le marché de la voiture électrique en crise
14 October 2024
Salon de l'automobile: le marché de la voiture électrique en crise

C’est le rendez-vous annuel des plus grands constructeurs de la planète. Ce lundi 14 octobre, le salon de l'automobile ouvre ses portes à Paris, dans un contexte difficile pour la filière des voitures électriques.

« Nous sommes dans la pire des situations », reconnaît Luc Chatel, le président de la Plateforme automobile, qui regroupe les acteurs de la filière automobile française. « Les industriels jouent le jeu de l’électrique, mais les consommateurs n’en veulent pas suffisamment ». Le phénomène s'observe partout en Europe, où seulement 12% des véhicules neufs vendus sont électriques.

Crainte des hausses des taxes

La tendance n’épargne pas la France, où 20% des voitures vendues le mois dernier étaient électriques, loin de l’objectif de 25% fixé pour l’an prochain. Le tout dans un contexte très difficile pour la filière automobile en général, qui vient de réaliser son pire mois de vente depuis 20 ans. « Depuis le Covid, nous avons perdu l’équivalent d’un an de vente », explique Luc Chatel.

D’où cette alerte lancée par les constructeurs tricolores à la veille de l’ouverture du salon de l’automobile, à Paris. « On risque d’être pénalisés parce que les clients ne sont plus au rendez-vous de l’électrique. Il ne faudrait pas nous taxer sur les véhicules thermiques, qui sont encore le gros de l’activité », explique Luc Chatel. C’est pourtant ce que le gouvernement s’apprête à faire. Le projet de loi de finances 2025, dévoilé la semaine dernière par Michel Barnier, prévoit une hausse du malus automobile, qui touchera désormais presque toutes les voitures à essence et au diesel.

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Ecarts de compétitivité avec la Chine

Le salon de l’automobile s’ouvre aussi sur fond de concurrence commerciale avec la Chine. Le mois dernier, l’Union européenne a instauré des surtaxes à l’importation pour les véhicules chinois, souvent moins chers et aux technologies plus évoluées que leurs homologues européens.

Mais plus que la concurrence, c’est la compétitivité qui est mise en avant par les industriels. « On ne peut pas continuer à acheter l'électricité en Europe 50% plus cher qu'en Chine ou qu'aux États-Unis » plaide Luc Chatel. « On ne peut pas nous demander de faire en 5 ans ce que les Chinois ont fait en 20 ans ».

Pour remédier à cet écart de compétitivité, la Plateforme automobile souhaite un « électrochoc de la filière automobile » et réclame un fonds européen d’accompagnement à la filière, des mesures de formation aux métiers de demain, mais surtout une harmonisation des bonus à l’échelle du continent. Ces fameuses aides à l'achat des véhicules électriques ne sont pas les mêmes partout en Europe. Et elles ne sont surtout pas stables : d'après la plateforme automobile, rien qu'en France, la réglementation a changé 15 fois en 5 ans.

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Comment les pays sahéliens reprennent en main leur secteur aurifère?
11 October 2024
Comment les pays sahéliens reprennent en main leur secteur aurifère?

Le Burkina, le Mali et le Niger cherchent à capter le maximum de revenus émanant des gisements aurifères. Les coups de pressions se multiplient sur les sociétés étrangères qui exploitent la majorité des mines industrielles de ces pays. 

De quoi parle-t-on en termes de production ? Le Burkina Faso est le quatrième producteur d'or en Afrique avec une production déclarée de 58 tonnes d'or par an. Au Mali, c'est un petit peu plus : 66 tonnes d'or déclarées pour l'année 2022. Le pays est une plaque tournante des exportations légales et illégales. C'est aussi le cas du Niger qui a une production annuelle aux alentours des 45 tonnes déclarées. Dans les trois pays, les mines d'or artisanales informelles sont nombreuses, et la contrebande d'or y est massive. 

Pression sur les multinationales

Ces États mettent la pression sur les sociétés qui exploitent les gisements d'or. Exemple au Mali cette semaine, Bamako réclame au minier canadien Barrick Gold près de 500 millions de dollars pour des taxes et des impôts impayés. Cela intervient dix jours après l'arrestation de plusieurs hauts cadres de l'entreprise présente sur le plus grand gisement d'or du pays.

Au Burkina, le retrait des permis d'exploitation est en cours expliquait dimanche le chef de la junte au pouvoir Ibrahim Traoré répondant à des auditeurs sur la RTB : « Je ne comprends pas pourquoi, alors qu'on sait exploiter l'or, on laisse des multinationales exploiter l'or. C'est dans ce sens que j'ai dit qu'il y a des permis que nous sommes en train de retirer. Et nous allons le faire nous-mêmes ».

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Des taxes en augmentation

Les sociétés étrangères la plupart canadiennes, britanniques - on parle là de mastodontes miniers - ne réagissent que très rarement. Préférant jouer la diplomatie dans des zones où elles sont de moins en moins les bienvenues. Le cours de l'or n'a cessé de grimper, alors les taxes ont aussi été augmentées plusieurs fois ces dernières années. Cela pourrait pousser les entreprises à partir. « D'un côté, le secteur aurifère, c'est une source potentielle énorme d'argent public, mais de l'autre côté, si il tape trop là-dedans, ça va dégoûter les entreprises. À moins que les Russes et les Chinois soient capables de prendre la relève, mais si ça n'est pas le cas, ils vont vraiment y perdre », explique Marc Raffinot, maitre de conférence a l'université Paris-Dauphine.

Structuration de la filière

Le Burkina semble avoir un temps d'avance pour structurer sa filière or. Il y a eu la reprise de la Société de Participation Minière fin juillet après des années de mise en sommeil, la révision du code minier et il y a une volonté de valoriser l'or sur place avec la raffinerie.

Au Mali, un audit des contrats miniers et des renégociations avec les sociétés étrangères sont en cours. Le CNSP au Niger a également créé en septembre une société nationale d'exploitation aurifère. Des nationalisations du secteur à bas bruit, pièce après pièce.

Budget: le gouvernement Barnier s’apprête à imposer à la France une cure d’austérité
10 October 2024
Budget: le gouvernement Barnier s’apprête à imposer à la France une cure d’austérité

Le Premier ministre français Michel Barnier doit présenter jeudi 10 octobre son projet de loi de finances en Conseil des ministres. Face au dérapage incontrôlé des comptes publics, l’heure est à la rigueur budgétaire.

« Monsieur Attal je serai très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires, très attentif ». Au milieu de son discours de politique générale à l’Assemblée, Michel Barnier marque une pause et se tourne vers son prédécesseur qui commence à l’applaudir avant de grimacer lorsque le nouveau Premier ministre termine sa phrase. « Pour faire face au déficit que j’ai trouvé en arrivant. Voilà. » La pique n’est pas passée inaperçue. Depuis qu’il a été choisi par Emmanuel Macron pour diriger un attelage gouvernemental fragile, Michel Barnier répète à quel point il a été horrifié en découvrant l’ampleur du déficit.

Barnier face au déficit : un héritage difficile

Dans un article très complet, le journal les Echos retracent l’histoire de « gouffre de 100 milliards d’euros » apparu dans les comptes publics en l’espace d’à peine neuf mois. D’après les derniers calculs de Bercy au mois de septembre, le déficit menaçait de s’envoler à 7 % du PIB en 2025, deux fois au-dessus de ce qui était prévu en janvier. Michel Barnier s’est fixé pour première mission de le contenir à 5 %, via une coupe franche de 40 milliards d’euros dans les dépenses publiques.

Le Premier ministre a aussi arrêté de faire semblant de croire que la France pourrait tenir l’engagement pris auprès de ses partenaires européens de revenir sous la barre des 3 % de déficit public en 2027. Cet objectif est reporté de deux ans. Mais alors que la France fait l’objet d’une procédure de l’Union européenne pour déficit excessif, l’ex-« Monsieur Brexit » de l’UE a dû donner des gages avec un plan de réduction étalé sur 6 ans.

Stratégie de réduction : austérité en vue

L’heure est à la diète, pour ne pas dire à l’austérité. Les arbitrages ne seront connus qu’après 20h ce jeudi soir, à l’issue du Conseil des ministres, mais on connaît déjà la philosophie générale : deux tiers de réduction des dépenses et un tiers d’augmentation des impôts. Des impôts qui cibleront plutôt les grandes entreprises et les hauts revenus. Sur la méthode, Michel Barnier semble vouloir renouer le dialogue avec les partenaires sociaux. Il a donné des gages en rouvrant les discussions à la marge sur la réforme des retraites et en enterrant la réforme de l’assurance chômage, chère à Gabriel Attal mais contestée par l’ensemble des syndicats.

Comment en est-on arrivés là ? Comme le signalait dès le mois de juin un rapport du Sénat, au départ l’écart « tient moins à un dérapage des dépenses » qu’à « de mauvaises prédictions des recettes ». Autrement dit, la direction du Trésor ne s’est pas simplement trompée sur la croissance. Tous les gouvernements ont une fâcheuse tendance à surestimer l'effet forcément « libérateur » de leur politique, nécessitant un réajustement face à la réalité froide des faits et des chiffres quelques mois plus tard. Ce fut le cas en 2023 mais pas plus que d'habitude. Dans leur rapport, les sénateurs pointent une situation plus inhabituelle évoquant une « erreur massive » dans l’estimation des revenus liés en particulier à l’impôt sur les sociétés, à la TVA et aux cotisations sociales.

Sparadrap sur un ballon de baudruche

Les premiers signaux d’alerte remontent pourtant au mois de décembre 2023, poussant Bercy en janvier à annoncer 10 milliards d’euros d’économie. Un sparadrap sur un ballon de baudruche crevé de partout. Quelques semaines plus tard, Bruno Le Maire le ministre de l’Économie tente de convaincre Emmanuel Macron d’engager 15 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Mais entretemps, la France est entrée en campagne électorale avant les Européennes. Hors de question pour l'exécutif de prendre le risque d'affaiblir son camp avec des mesures impopulaires. Les mauvais oracles de Bercy sont priés de se taire, la question du déficit est mise sous le tapis.

La suite est connue : une défaite malgré tout pour le camp présidentiel, la dissolution, les législatives anticipées qui aboutissent à une assemblée morcelée, l'incertitude politique qui dure tout l'été et la « trêve politique » décrétée par le président Macron au moment des Jeux olympiques. Pendant qu’Aya Nakamura enchante la cérémonie d’ouverture et que les Français se passionnent pour Léon Marchand, les athlètes ne sont pas les seuls à battre des records. Le dérapage des comptes publics aussi affole les compteurs de Bercy sans plus personne pour prendre les décisions qui s’imposent.

Quelles conséquences pour l'Iran d'une éventuelle réplique israélienne?
09 October 2024
Quelles conséquences pour l'Iran d'une éventuelle réplique israélienne?

L'Iran a mis en garde Israël contre toute attaque sur ses « infrastructures », sur fond d'inquiétude quant à de possibles frappes israéliennes visant des sites nucléaires ou pétroliers du pays, en réponse à son offensive sur l'Etat hébreu. Une réplique israélienne pourrait fortement affecter l'économie de la république islamique, le pétrole reste une manne financière pour le pays malgré les sanctions internationales.
 

Le pétrole c'est le moteur de l'économie iranienne, l'Iran est même l'un des pays les plus fortement dépendant de son industrie pétrolière. Le potentiel est énorme : le pays possède les troisièmes réserves de pétrole au monde, et l'exploitation du pétrole représente plus de 18 % du PIB iranien ainsi que 80 % des recettes d'exportation du pays, le premier client pour la vente de pétrole étant la Chine. 

Ces exportations contournent l’embargo américain en vigueur depuis 2018, grâce au marché gris et à une décote importante, l’Iran a même augmenté ses extractions ses derniers mois, et selon les derniers chiffres de l'Agence Internationale de l'Énergie, le pays a extrait 3,4 millions de barils de pétrole brut par jour au mois d'Août ce qui correspond à des revenus annuels estimés entre 15 et 20 milliards de dollars.

Risques d'une aggravation de l'hyperinflation

Une attaque militaire Israélienne sur les infrastructures iraniennes aurait donc des conséquences économiques considérables pour le pays. les capacités de production étant principalement concentrées dans le sud ouest de l'Iran, Israël a les moyens d'une opération qui pourrait frapper vite et fort au portefeuille de l'État islamique. 

L'économie iranienne qui est déjà affaiblie par des années de sanctions internationales. Et notamment par l'hyperinflation qui atteint 30 %. Celle ci pourrait encore s'aggraver si  la banque centrale iranienne était tentée de faire fonctionner la planche à billet, comme ça a été le cas après les sanctions américaines, et la baisse de production.

Pour Thierry Coville chercheur à l'IRIS et spécialiste de l'Iran, « Après les sanctions mises en place par Donald Trump, les exportations pétrolière de l'Iran ont été réduites de 10 %, et l'Iran a perdu 20 % de ses recettes budgétaire. En cas d'attaque israélienne sur le terminal pétrolier de Kharg, où sont concentrés la plupart des exportations, la banque centrale iranienne pourrait à nouveau créer de l'argent pour compenser ce qui pourrait faire monter l'inflation à 40 % »

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Répercussions internationales

Autre effet d'une possible attaque israélienne, une réaction négative des marchés financiers et une dépréciation de la monnaie, le rial, qui a déjà perdu plus de 50% de sa valeur ces dernières années. 

La moitié de la production de pétrole étant destiné à la consommation domestique,  une partie de l'économie du pays se retrouverait également paralysée

Le commerce intérieur, déjà entravé par les sanctions, pourrait être lui aussi sérieusement perturbé.

Mais les répercussions d'une attaque israélienne dépasseraient les frontières iraniennes et aurait avant tout des effets dans le monde entier. Une réduction significative de la production de brut iranien et une fermeture potentielle du détroit d'Ormuz, par lequel transite environ 20 % de la production mondiale de pétrole, pourrait faire grimper les prix du pétrole sur le marché mondial jusqu'à 100 dollars le baril selon certains spécialistes.

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Le «Fracking», l’impossible débat de la campagne présidentielle américaine
08 October 2024
Le «Fracking», l’impossible débat de la campagne présidentielle américaine

Le recours massif à la fracturation hydraulique a permis aux Etats-Unis de devenir en quelques années le premier producteur de pétrole et de gaz de la planète. La méthode n'est pourtant pas sans risque : dangereuse pour l’environnement comme pour les réserves en eau potable. Malgré tout le « fracking » est devenu un tabou de la campagne.

« Avec elle à la Maison Blanche, ce serait la fin du ‘fracking’ aux Etats-Unis ! » Dans ses meetings, Donald Trump ne manque jamais une occasion d’accuser son adversaire. Ses clips de campagne diffusent jusqu’à la nausée un même extrait du débat des primaires démocrates en 2019, quand Kamala Harris espérait encore remporter l’investiture pour la présidentielle de 2020. La future vice-présidente se disait alors « pour une interdiction de la fracturation hydraulique » et la reconnaissance de ses « conséquences majeures pour la sécurité et la santé des populations ».

Quatre ans plus tard, elle assure qu’elle a changé d’avis. « Je n’ai pas interdit la fracturation hydraulique en tant que vice-présidente, et je ne l’interdirai pas en tant que présidente » déclare-t-elle fin août sur CNN. Une position ancienne, affirme-t-elle, quand en vérité elle s’est simplement ralliée, par la force des choses, à la position de Joe Biden une fois devenue sa colistière. En 2024, le débat semble impossible.  

La fracturation hydraulique ou « fracking » est une technique qui consiste à extraire le pétrole ou le gaz stocké en profondeur en fracturant la roche qui la contient à l’aide d’un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques injecté à très forte pression. L’an dernier elle a permis aux États-Unis de produire 3 milliards de barils de pétrole, et 37 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Grâce à la fracturation hydraulique le pays est désormais le premier producteur de gaz et de pétrole au monde, devant l’Arabie Saoudite.

La méthode est pourtant très controversée au point que plusieurs pays dans le monde et une poignée d’Etats aux Etats-Unis l’interdisent. Le fracking est susceptible de provoquer des tremblements de terre et de polluer les nappes phréatiques. La technique requière aussi des quantités astronomiques d’eau. Le New York Times a fait les calculs : depuis 2011 la fracturation hydraulique a consommé plus de 5500 milliards de litres d’eau, soit l’équivalent de toute la consommation d’eau potable du Texas en une année.

Donald Trump n’en a cure, sa position se résume en trois mots : « drill, baby, drill ! » « Fore, bébé, fore ! », répète-t-il devant les ouvriers du secteur, reprenant à son compte un vieux slogan de la droite conservatrice américaine. L’ex-président américain ne voit dans le « fracking » que le moyen d’asseoir la souveraineté énergétique des Etats-Unis et une source de travail pour les ouvriers américains.

S’il insiste autant sur les revirements de Kamala Harris c’est parce qu’il sait que le sujet est sensible, notamment en Pennsylvanie, un de ces États clés susceptibles de faire basculer le scrutin en novembre et qui s’avère aussi être l’un des fers de lance du « fracking ». On y trouve 11 000 puits de forage qui font vivre 70 000 personnes. A elle seule, la Pennsylvanie pèse pour près de 20 % de la production de gaz naturel du pays.

Dans ces conditions, exprimer une opposition à la fracturation hydraulique même nuancées, même limitée aux terres fédérales, tient du suicide électoral. Kamala Harris ne s’y risque plus. Tout juste évoque-t-elle du bout des lèvres la nécessité d'investir dans les énergies renouvelables pour diversifier le mix énergétique américain.

Le « fracking » reste pourtant un pari risqué, même sur le plan économique. La méthode est complexe et coûteuse, et elle n’est rentable qu’avec un pétrole fort. En 2014, quand le prix du baril s’est effondré, en partie du fait de l’arrivée sur les marchés internationaux de la production américaine, la fracturation hydraulique est soudainement devenue non rentable. Les compagnies pétrolières ont brutalement cessé l’exploitation des puits du Texas et d’ailleurs mettant au chômage des milliers d’ouvriers. Alors que le prix du baril vient de franchir la barre symbolique des 80 dollars porté par les tensions au Proche-Orient, le « fracking » devrait rester le grand tabou de la campagne.