Alors que le sommet de l’Asean s’est ouvert, ce lundi 26 mai, à Kuala Lumpur, les dix pays membres du bloc régional doivent faire face à des défis de taille. Pris en étau entre les menaces tarifaires des États-Unis et l’offensive diplomatique de la Chine, les pays d’Asie du Sud-Est cherchent à préserver leur modèle économique et leur neutralité stratégique. Décryptage.
La question brûlante au cœur du sommet de Kuala Lumpur : les mesures commerciales que Donald Trump menace d’appliquer contre certains pays de l’Asean. Pour l’heure, ces hausses de tarifs douaniers sont suspendues, mais les avertissements sont clairs. Le Cambodge et le Vietnam sont notamment dans la ligne de mire, avec des menaces de droits de douane respectivement de 49% et 46%. Ces pressions ne sont pas sans conséquences : les économies de la région reposent fortement sur les exportations. Les États-Unis représentent à eux seuls 30% des ventes à l’étranger du Vietnam. Si les tarifs entraient en vigueur, ce seraient des millions d’emplois en péril. Des entreprises comme Nike, qui y fabrique la moitié de ses chaussures avec 500 000 salariés, ou Apple, qui emploie 200 000 Vietnamiens via des sous-traitants, seraient directement touchées.
L’Asean entre consensus régional et nécessité de dialogueFace à cette incertitude, les pays de l’Asean misent sur leur principale force, le consensus. Pour éviter les sanctions, plusieurs membres ont engagé des discussions avec les États-Unis, aussi bien collectivement qu’au cas par cas. Car pour ces États, couper les liens avec Washington est tout simplement impossible. L’objectif est clair, maintenir un équilibre dans leurs relations internationales. Le modèle de développement de la région, qui a profité du retrait de nombreuses entreprises américaines de Chine sous le premier mandat de Donald Trump, pourrait être profondément remis en cause. D’où l’importance stratégique de ce sommet pour définir une position commune.
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La Chine avance ses pions et renforce ses liensPendant que Washington brandit la menace des sanctions, Pékin joue la carte de la séduction. Xi Jinping a récemment effectué des visites au Vietnam, en Malaisie et au Cambodge. Il propose à l’Asean un partenariat renforcé, notamment par des investissements dans les infrastructures, avec l’idée de créer un grand bloc asiatique capable de faire contrepoids aux États-Unis. L’Indonésie et la Chine viennent d’ailleurs de réaffirmer leur volonté de renforcer leurs relations bilatérales. Et les chiffres le prouvent. En avril, les exportations chinoises vers les pays de l’Asean ont bondi de 21%, compensant la baisse des échanges avec les États-Unis. Mais un sujet cristallise les tensions : le transbordement. Il s’agit pour Pékin de faire passer des produits par l’Asie du Sud-Est pour éviter les taxes américaines, sans qu’ils soient identifiés comme « made in China ». Une stratégie que Washington entend surveiller de près. Dans ce contexte tendu, l’Asean doit une nouvelle fois faire preuve de diplomatie et d’agilité. Son histoire le montre, elle excelle dans l’art du compromis. Le sommet de Kuala Lumpur en est une nouvelle démonstration.
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