La démocratie américaine à l’épreuve des «broligarques»
03 February 2025

La démocratie américaine à l’épreuve des «broligarques»

Aujourd'hui l'économie
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Dans son discours d’adieu à la Maison Blanche, Joe Biden avait averti les Américains du danger qui menaçait de voir se former une « oligarchie » à la tête de l’État. Depuis son retour au pouvoir Donald Trump a confié les clés du gouvernement à une poignée de milliardaires.

Qu’ont en commun Howard Lutnick, secrétaire d’État au commerce, Linda McMahon, ministre de l’Éducation, Scott Bessent, secrétaire d’État au Trésor ou encore Warren Stephens, probable futur ambassadeur américain au Royaume-Uni ? Tous sont milliardaires. Si l’on y inclut Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, à la tête d’un Département à l’efficacité gouvernementale créé de toute pièce pour lui, l’administration Trump (dont tous les membres n’ont pas encore été confirmés par le Congrès) devrait compter au moins treize milliardaires. Leur fortune cumulée dépasse 450 milliards de dollars, rivalisant avec le PIB de pays de taille moyenne. Le gouvernement Trump s’annonce comme le plus riche de toute l’Histoire.

« Une oligarchie est en train de prendre forme aux États-Unis », avait prévenu Joe Biden dans un message d’adieu adressé à ses concitoyens. « Une concentration extrême des richesses et du pouvoir aux mains d'un petit groupe d'ultra riches qui menace notre démocratie tout entière ». Alors reprenons les bases, qu’est-ce qu’une oligarchie ? Le mot vient du grec « oligos » qui veut dire « petit nombre » et « archo » qui veut dire « diriger ». Il désigne une forme de gouvernement où le pouvoir est aux mains d’un petit groupe de personnes, par opposition par exemple à une monarchie où le pouvoir est aux mains d’un seul individu, comme un roi.

Le règne des « broligarques »

Voilà pour la définition du dictionnaire. Mais dans son acceptation moderne, le mot fait plutôt référence aux hommes d’affaires qui ont fait fortune après la chute de l’Union soviétique, quand l’État qui possédait tout s’est mis à brader son Empire. Un petit groupe d’hommes qui sans être directement aux commandes ont acquis assez de richesses et de pouvoir pour influer directement sur les prises de décision politiques et économiques du Kremlin. Trois décennies plus tard, le paysage russe a changé mais le mot est resté, désignant une nouvelle génération de riches hommes d’affaires proches de Vladimir Poutine. Au moment de l’invasion de l’Ukraine, ces oligarques ont été visés par les sanctions occidentales au même titre que les membres du gouvernement russe.

Joe Biden ne faisait pas seulement allusion aux milliardaires ayant directement pris un rôle gouvernemental. Son avertissement pointait surtout les grands patrons de la tech : Jeff Bezos, le patron d’Amazon, Mark Zuckerberg à la tête de Meta, Sam Altman derrière la révolution ChatGPT avec OpenAI. Ceux que le public a commencé à surnommer les « broligarques » et qui se sont empressés de prêter allégeance à Donald Trump, en revenant sur leurs programmes internes de promotion de la diversité, par exemple, ou en contribuant généreusement à la cérémonie d’investiture du président américain. Bezos, Zuckerberg et Altman ont tous les trois versés un million de dollars à la fondation Trump à cette occasion.

Plusieurs millions de dollars versés à Donald Trump

Pour s’acheter les faveurs du président américain, Mark Zuckerberg est même allé beaucoup plus loin puisque Meta a accepté de verser 25 millions de dollars de dommages et intérêts à Donald Trump pour se faire pardonner de l'avoir banni de Facebook après l'attaque du capitole le 6 janvier 2021. Et il n’est pas le seul. Juste avant l’élection Donald Trump avait aussi porté plainte contre la chaîne CBS après une interview de Kamala Harris qui lui avait déplu. Trump réclamait un montant absurde 10 milliards de dollars.

D’après le New York Times, les studios Paramount, propriétaires de la chaîne, ont décidé de ne pas aller jusqu’à un procès qu’ils étaient pourtant sûrs de gagner, préférant verser plusieurs millions de dollars à Donald Trump. Pourquoi ? Parce que Paramount vient de racheter SkyDance Media pour 8 milliards de dollars, un deal qui doit encore être approuvé par le régulateur américain.

Le patron de SkyDance Media qui s’avère être le fils du multimilliardaire Larry Ellison, le patron d’Oracle et un proche de Trump. Voici donc un petit groupe d’hommes qui sans être directement aux commandes ont acquis assez de richesses et de pouvoir pour influer directement sur les prises de décision politiques et économiques de la Maison Blanche. Comme quoi il n'y a pas besoin de parler russe.