Espagne: après la panne électrique, les investisseurs s'interrogent sur le renouvelable
23 May 2025

Espagne: après la panne électrique, les investisseurs s'interrogent sur le renouvelable

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Le 28 avril dernier, une gigantesque panne d’électricité plongeait l’Espagne et le Portugal dans le noir. Ce sont 55 millions de personnes qui ont été privées de courant pendant 17 heures. Si les causes techniques restent à élucider, les conséquences de cette coupure touchent directement l’avenir des énergies renouvelables en Europe. Décryptage.

Avec 56 % de son électricité provenant des énergies renouvelables en 2024, l’Espagne est souvent citée comme modèle en matière de transition énergétique. Certains jours, la totalité de l’électricité consommée dans le pays était même d’origine renouvelable. L'an passé, ce sont déjà 18 milliards d’euros qui ont été injectés dans le secteur. Pourtant, cette prouesse cache une fragilité structurelle : le réseau de transport et de distribution peine à suivre. Selon Goldman Sachs, seuls 30 centimes sur chaque euro investi dans les renouvelables espagnoles ont été consacrés aux infrastructures de réseau – contre 90 centimes en France et 1,50 euro en Italie. Résultat : un système sous-dimensionné qui peut s’effondrer lorsque la production atteint des pics.

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Trop d’électricité… et pas assez de réseau

Lorsque toutes les installations solaires et éoliennes tournent à plein régime, le réseau espagnol n’est pas toujours capable d’absorber toute cette énergie. Ce déséquilibre entre production et consommation peut conduire à des coupures, comme celle d’avril. Faute de solutions de stockage adaptées, une partie de cette production est tout simplement perdue. Ce paradoxe interroge : malgré des investissements massifs, l’absence de modernisation du réseau et de capacités de stockage suffisantes menace la stabilité énergétique. Et quand la production dépasse régulièrement la demande, les prix de l’électricité baissent, rognant la rentabilité des projets.

Entre scepticisme des marchés et nécessité climatique

L’incident du 28 avril agit comme un électrochoc. Les investisseurs, désormais plus prudents, attendent des signaux clairs de l’État. Le gouvernement espagnol prévoit 308 milliards d’euros d’ici 2030 pour poursuivre la transition énergétique. Mais 82 % de ce montant doivent provenir du secteur privé, qui hésite sans garanties sur la stabilité du réseau et la rentabilité à long terme. Pour rétablir la confiance, deux leviers sont identifiés : un soutien public renforcé aux infrastructures, et une feuille de route claire sur le stockage énergétique. Car au-delà des enjeux économiques, cette transition est vitale pour la décarbonation des économies européennes et leur souveraineté énergétique face aux hydrocarbures importés.

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