Deux jours après sa vive altercation avec Donald Trump à la Maison Blanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu, dimanche 2 mars, à Londres pour y rencontrer ses alliés européens. Les dirigeants britannique, allemand, français, polonais, italien veulent faire front commun pour soutenir l’Ukraine, face à un président américain qui adopte de plus en plus ouvertement le langage du Kremlin. À tel point que commence à être évoqué un rapprochement économique entre Washington et Moscou.
Volodymyr Zelensky était venu à Washington pour signer avec Donald Trump un accord sur l’exploitation des minéraux ukrainiens. Après la brutale séance d’humiliation publique que lui ont infligé le président et le vice-président américain, il est parti sans céder à cette exigence de Trump. Mais le président américain était-il seulement encore intéressé par le deal ? « J’aimerais également pouvoir acheter des minéraux sur le sol russe »déclarait-il à la veille de recevoir son homologue ukrainien. « Ils ont d’excellentes terres rares, et aussi du pétrole, du gaz... Ce serait bien pour la Russie qu’on trouve un accord, ils ont des gisements de grande valeur qui sont inexploités, donc oui ça pourrait bien finir par arriver ». Soucieuse de ne pas voir les liens entre Kiev et Washington se renforcer, Moscou a fait une contre-proposition aux Américains, faisant passer le message que la Russie disposait de réserves beaucoup plus importantes que l'Ukraine en terres rares, sans préciser que ces réserves incluaient les gisements situés dans les territoires ukrainiens conquis depuis février 2022 et illégalement occupés par l'armée russe.
Trump et le rapprochement avec MoscouDonald Trump n'y a visiblement pas été insensible. La semaine dernière, alors qu'il s'apprêtait à recevoir le président français Emmanuel Macron, il évoquait sur son réseau social « des discussions très sérieuses avec Vladimir Poutine » concernant « des accords de développements économiques majeurs ». C’est l’un des facteurs qui explique peut-être ce spectaculaire retournement d’alliances, ce basculement de l’ordre mondial auquel on est en train d’assister. Pour l'heure, ce rapprochement peine à se traduire concrètement. Bloomberg évoque de premières discussions sur l'établissement de routes commerciales en mer arctique, une manière de prendre la température de l'eau et de tester les limites du dégel des relations entre les deux puissances.
Les entreprises occidentales face à l’incertitude russeLa situation est regardée de très près par les grandes entreprises occidentales. Beaucoup ont été forcés de quitter la Russie depuis l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine. C’est le cas de deux tiers des entreprises américaines. Un retour en masse n’est pas à l’ordre du jour, en tout cas pas tant que les sanctions n’auront pas été levées. C’est dans l’intérêt des Russes dont l’économie souffre plus que ne veulent bien le reconnaître les autorités. Donald Trump lui est obsédé par la Chine, pour enfoncer un coin dans l'alliance entre Moscou et Pékin il est visiblement prêt à sacrifier l'Ukraine.
La presse américaine fait état de premiers contacts établis entre le Kremlin et les états-majors de plusieurs multinationales. Les entreprises occidentales sont hésitantes. Elles n’ont pas oublié les conditions dans lesquelles elles ont dû partir, forcées de brader leurs actifs à des entrepreneurs proches du Kremlin quand l’État russe ne les a pas tout simplement saisi. Les pertes cumulées des entreprises américaines en Russie dépassent 45 milliards de dollars d’après le Financial Times.
Certaines sont tout de même tentées, y voyant un marché à reconquérir. Au moment de partir, certaines entreprises ont fait inscrire une clause de rachat dans les contrats de vente, qui doivent en théorie leur permettre de récupérer leurs actifs russes à bon prix. Or bon nombre de ces clauses vont arriver à expiration dans les prochains mois. En cas de cessez-le-feu durable, la question pourrait aussi se poser pour les entreprises européennes. Le contexte est favorable à celles qui sont restées malgré la guerre. La banque autrichienne Raiffeisen par exemple, pointée du doigt ces trois dernières années pour son refus ostensible de quitter le pays. Depuis la victoire de Donald Trump à la présidentielle son action a pris plus de 40 %.