Réutiliser algues invasives et plastiques pour créer et entreprendre : Ndao Hanavao forme des jeunes de la rue à Madagascar. Depuis 2018, ce laboratoire allie innovation, design et autonomie professionnelle.
Masque à filtre vissé sur le visage et combinaison de protection ajustée, Alpha Julien est en train de filer la laine selon la technique apprise auprès des designers franco-britanniques de la Polyfloss Factory venus le former à Tana. « Là, je verse les paillettes de plastique broyé dans la machine, c’est des morceaux de plastique qui viennent des tubes de médicaments. Moi, je verse le plastique dans la machine. Vous voyez ce plastique, il commence à fondre. Quand il a fondu, ensuite, je récupère avec une perceuse pour avoir la laine. C’est comme une machine à barbe à papa en fait ! »
Former des entrepreneurs du designComme Alpha, issu de la toute première promotion, ils sont une vingtaine, triés sur le volet, à avoir rejoint l’aventure Ndao Hanavao. Un projet financé par Rubis Mécénat, que coordonne Domi Sanji avec conviction.
« L'objectif, c'est de former des jeunes issus de milieux très très très défavorisés de Tana – dans le sens où ils sont pour la plupart d’anciens mendiants ou sans-abri -, sur les questions de design à travers la préservation de l'environnement en même temps. »
Pendant trois ans, des designers mondialement connus sont venus former ces jeunes à des techniques particulières pour qu’ils conçoivent, à partir de déchets plastiques collectés dans les décharges publiques de la capitale, de beaux objets utilitaires : abat-jours, tapis, sacs, doudounes. « Et donc à côté de cette formation purement technique en design, ils bénéficient aussi d'une formation en entrepreneuriat, de formations beaucoup plus commerciales, de gestion de clients. Ils bénéficient d'autres formations, comme des cours de français qu'on a là aujourd'hui, pour qu'ils puissent présenter leur entreprise, leur travail. Parce que l'objectif, c'est que, une fois qu'ils sortent du Lab, qu'ils puissent créer une entreprise viable et pérenne ».
Le design comme tremplin vers l’autonomieAvec trois autres camarades, Alpha Julien et Franck Razafindraibe ont ainsi créé R’Art Plast en 2020 et poursuivent le processus de création entamé durant leurs quatre années au Lab.
« Ça, c’est les cartons qui vont partir à l’étranger. Des lampes, des abat-jours, des vide-poches, des céramiques. Je suis fier parce que nous sommes les producteurs de tout ça. Je me sens créateur, je peux faire un objet design. Je ne serais pas comme ça si je n’avais pas fait la formation ».
Une incroyable aventure humaine, sociale, environnementale et économique. Une aventure où le design est devenu la clé de voûte de l’autonomisation de jeunes issus de la rue, que rien ne prédestinait à un avenir entrepreneurial et créatif.