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Intelligence artificielle: comment l’Afrique peut-elle gagner en souveraineté sur les technologies et ses données?
22 October 2024
Intelligence artificielle: comment l’Afrique peut-elle gagner en souveraineté sur les technologies et ses données?

Le 24 juillet dernier, l’Union africaine (UA) a publié la stratégie du continent sur l'intelligence artificielle. Formation, accès aux données pour les supercalculateurs, protection des données stratégiques et personnelles... Comment l’Afrique peut-elle gagner en souveraineté ?

La souveraineté commence avec les compétences en intelligence artificielle et la Tunisie accélère le rythme, souligne Hichem Turki. Sur le technopark qu'il dirige à Sousse, 500 étudiants sont formés cette année aux technologies du leader du calcul Nvidia, 2 000 le seront l'an prochain. « On est en train de préparer les talents pour l’intelligence artificielle, pour qu’on soit créateur d’intelligence artificielle et pas consommateur uniquement, met en avant Hichem Turki. Et bien entendu, on a investi dans nos supercalculateurs pour pouvoir donner la capacité à nos talents de faire du développement de l’IA. Il faudra évidemment qu’on développe de plus en plus les data centers pour la souveraineté des informations sur le pays ».

L'Afrique compte pour l'heure 80 data centers, sur les quelque 5 000 répartis dans le monde. Certains pays, comme la Côte d'Ivoire, ambitionnent de les multiplier. Attention, prévient cependant Luc Missidimbazi, président de la plateforme de la tech et de l’innovation de l’Afrique centrale, Osiane : « Tant qu’on n’aura pas résolu les problèmes de base, d’énergie pour les data centers, ça nous coûtera tellement cher, que le produit au final coûtera cher à l’utilisateur », alerte-t-il. En effet, « si vous avez un data center qui a des coûts jusqu’à quarante fois plus cher que l’Europe, vous aurez toujours l’obligation d’avoir vos données à l’étranger ».

Législations pas encore appliquées en Afrique

L'urgence, selon cet ingénieur, conseiller du Premier ministre du Congo-Brazzaville, est avant tout de sécuriser les données africaines, où qu’elles soient logées. Pour lui, la problématique est bien l’accès à ces données. « C’est là où l’authentification, l’identification sont fondamentales. Cette authentification passe par des instruments, par des équipements, par des technologies, par des programmes, par un cryptage. Et ce sont ces renforcements-là qu’il faut comprendre, pour pouvoir disposer d’une totale gestion de son écosystème digital. Ce qui n’est pas le cas pour beaucoup de pays africains », analyse-t-il.

La protection des données personnelles est un autre défi, reconnaît Meshia Cédric Oveneke, co-fondateur de l’entreprise Fit for Purpose, qui a développé une application de reconnaissance faciale au Kenya. « Dans notre entreprise, dans tout ce qu’on développe, on pense toujours à la protection des données. On ne sauvegarde aucune photo et on ne travaille pas avec des technologies de sauvegarde du type cloud et nuage, parce que l’infrastructure ne le permet pas. Et donc le problème ne se pose pas dans notre cas. Maintenant, est-ce que tout le monde le fait ? Ça, c’est une autre histoire… », explique Meshia Cedric Oveneke.

Si la plupart des États africains ont adopté des législations pour protéger les données personnelles, c’est leur application, jugent les experts, qui est à la traîne, faute de formation adéquate dans toutes les administrations.

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Glappy, l'initiative camerounaise qui forme les jeunes à l'intelligence artificielle
21 October 2024
Glappy, l'initiative camerounaise qui forme les jeunes à l'intelligence artificielle

Les initiatives en matière d'intelligence artificielle et de robotisation se multiplient en Afrique. La fondation Glappy a été créé aux États-Unis par deux Camerounais. Leur objectif : faire du Cameroun un des pays en pointe en termes de robotisation. Pour se faire, ils forment les enfants.

Lors de leur présentation, un robot humanoïde qui ressemble à un enfant se met à bouger et à communiquer. « Ça a des mains, un torse, la tête, il y a des caméras dans les yeux pour pouvoir naviguer », explique Christian Ntienou, qui fait partie de Glappy. Cette fondation est à l'origine de ce prototype dont les parties plastiques ont été imprimées en 3D aux États-Unis. « On entend régulièrement qu'un enfant dans un village, qui n'a rien, a créé tout un écosystème électrique. Donc s'il y a des gens comme ça dans une zone rurale, pourquoi ne pas donner la chance au reste du village de soutenir ce jeune ? »

Former les leaders technologiques de demain

L'objectif est que, dans le futur, tout soit fabriqué au Cameroun avec du plastique recyclé. Pour y parvenir, Glappy forme la nouvelle génération aux langages informatiques dans des villages ruraux.

« On a plus de 10 000 élèves, on leur fournit le matériel, on leur apprend le scratch, un langage de code, et on veut qu'ils apprennent joss, qui est le code pour les robots », précise Christian Ntienou. Depuis début octobre, la fondation Glappy a ouvert une université à Yaoundé, où elle enseigne la robotique, les technologies de l'intelligence artificielle et du drone. Elle souhaite ouvrir un campus partenaire aux États-Unis avec l'aide d'investisseurs de la diaspora et du Cameroun.

Langage robotique en swahili et haoussa

Russell Avre, l'entrepreneur à l'origine de Glappy, explique : « On se concentre sur les jeunes entre 8 et 13-14 ans. On stimule leur intérêt pour l'IA et la robotique grâce à la gamification ; ils jouent et ils apprennent. Ce sont des livres scolaires pour leur apprendre les éléments de la robotique. On est en train de traduire le langage robotique en swahili, en haoussa, pour que les gens puissent lire et comprendre les concepts de la robotique dans leur dialecte. »

Pour Jacques Eone, le président de la Cameroon Robotics Association, basé à Douala, il y a bien une effervescence de la robotique dans le pays : « Sur le domaine de l'infrastructure, la robotique du Cameroun est dans le top 10. En termes d'ambition, on peut atteindre le top 5. » Aujourd'hui, le leader de la robotique sur le continent reste l'Afrique du Sud, suivie du Nigeria, devant des pays d'Afrique du Nord comme l'Égypte et le Maroc.

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Les initiatives africaines de l'IA se déploient entre l'Afrique et l'Europe
20 October 2024
Les initiatives africaines de l'IA se déploient entre l'Afrique et l'Europe

Comment adapter l'intelligence artificielle (IA) aux besoins des populations ou des États africains ? De la lutte contre la vie chère à l'identification du bétail, les ingénieurs du continent et de la diaspora rivalisent d'imagination pour développer des solutions qui s'exportent.

Pionnière de l'intelligence artificielle en Côte d'Ivoire, Sah Analytics a contribué à circonscrire la pandémie de Covid-19 à Abidjan. Depuis, elle a développé une application qui aide les autorités ivoiriennes à lutter contre l'inflation. « Nous accompagnons le ministère du Commerce ivoirien pour tout ce qui concerne les alertes par rapport à la vie chère, explique son PDG et fondateur, Yaya Sylla. Les citoyens, via une application, prennent des photos. Automatiquement, le lieu est géolocalisé. Ça aide le personnel du ministère de Commerce pour réagir derrière. »

Autre service développé grâce à l'IA par cette société : le contrôle des frontières et des mouvements migratoires, via l'exploitation d'images satellites. « Avec la constellation de satellites, on voit tout de suite, toutes les 15 minutes, quels sont les différents mouvements à une frontière donnée, à une position donnée. Ça peut permettre de créer des alertes. Et les forces de défense et de sécurité peuvent intervenir », poursuit Yaya Sylla. 

Reconnaissance faciale des vaches pour la microfinance

Sah Analytics a désormais une filiale en France. Six ingénieurs travaillent à Reims dans la cybersécurité pour les banques et les collectivités locales. Dans l'autre sens, la PME Fit For Purpose, installée en Belgique, a créé une filiale en Afrique, Neotex.ai, pour répondre à un besoin très particulier au Kenya, dont les autorités imposaient aux éleveurs d'identifier leurs vaches. « Il y a des solutions classiques qui coûtent très cher, comme les puces électroniques à installer au niveau des vaches et qui sont inaccessibles aux éleveurs avec lesquels on travaille. Et donc, on a pensé, pourquoi pas, centraliser l'identification via une photo comme on le fait avec l'être humain », raconte Meshia Cédric Oveneke, co-fondateur belgo-congolais de l'entreprise.

Les algorithmes de reconnaissance faciale ne fonctionnant pas du jour au lendemain sur les vaches, il a fallu faire de la recherche et du développement pendant presque un an pour créer des modèles sur mesure : « Maintenant, avec une photo, on peut enregistrer une vache et on peut la reconnaître à n'importe quel moment, comme avec l'humain. Et les banquiers sont maintenant beaucoup plus sûrs, à qui et pourquoi ils octroient les crédits, et c'est ainsi une lutte anti-fraude, une assurance pour pouvoir récolter les bonnes données et pouvoir donner le bon produit financier. » 

L'ingénieur espère répandre son outil de reconnaissance faciale du bétail dans la zone swahiliphone et francophone. Pour l'heure, moins d'1% du cheptel africain est assuré ou fait l'objet d'un crédit.

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En Afrique de l'Ouest, un déficit de logements difficile à combler
17 October 2024
En Afrique de l'Ouest, un déficit de logements difficile à combler

En Afrique de l’Ouest, dans les grandes villes en développement, le déficit de logements est une problématique partagée. Un déficit chronique combiné à une croissance démographique importante. Les États et les entreprises cherchent à améliorer la situation.

« Parfois, certains te donnent des documents, mais tu te rends compte que la terre ne leur appartient pas », souligne Issouf Sako. Il est promoteur immobilier agréé à Abidjan tout comme Aziz Ouattara. L’envie de construire est bien là, mais ils témoignent des difficultés qui entourent la sécurisation du foncier. « Il peut y avoir vraiment, je ne dirais pas des magouilles, mais il peut y avoir plusieurs attributions sur la même parcelle, souligne Aziz Ouattara. Donc quand c’est comme ça, la banque ou les investisseurs ont peur d’investir beaucoup, car s’il y a un conflit, il sera très difficile de trancher. Ça freine beaucoup d’investissements. »

Un problème sur la sécurisation du foncier reconnu par exemple par la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS). Un accord de cette banque avec l’État sénégalais permet d’obtenir gratuitement un titre foncier en règle. Mais pour accéder à la propriété lorsque l’on est un particulier, il faut également avoir un compte bancaire, et obtenir un prêt. Des démarches qui ne vont pas toujours de soi et que tente de favoriser la BHS.

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Incitation à l’épargne et aménagements préalables

« L’incitation à l’épargne, c’est d’abord par les taux attractifs que nous proposons, la simplification des procédures d’ouverture de comptes. Parce que nous le voyons aujourd’hui avec le développement du Transfer money, les banques ont aussi ce rôle à jouer en poussant les populations à venir se bancariser », assure Abdoul Kasse, le directeur de la filiale française de la BHS. Qui dit épargne dit également de meilleurs taux pour les prêts bancaires. Ce qui donne un petit coup de pouce aux futurs acquéreurs.

Favoriser la construction de logements passe également par des impulsions politiques. « L’État doit faire les investissements préalables à l’investissement privé. Parce que tout ce qui est voirie, réseau urbain, ne rentre pas directement dans la maison, mais ça coûte au moins 30 à 35 % de l’investissement global », pointe Brahima Traoré, le directeur général de l’Agence nationale de l’Habitat de Côte d’Ivoire (ANAH). « Si l’État ne prend pas en charge ces frais, à la fin de l’investissement, le logement ne peut pas être accessible aux couches que l’on veut atteindre », souligne-t-il encore.

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L’Agence nationale de l’habitat a pour mission de construire des logements, mais surtout de « faire construire ». « On crée les conditions permettant au secteur privé de pouvoir construire. En ayant des financements avec les banques, en ayant du foncier viabilisé et en ayant en face, une offre d’acquéreurs. Quand on a fini ça, le secteur se régule tout seul », résume-t-il.

Objectif des autorités ivoiriennes : la construction de 150 000 logements d’ici à 2030. Les évaluations estiment que les besoins sont cinq fois supérieurs.

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Afrique du Sud: l’industrie minière appelée au chevet de Transnet
16 October 2024
Afrique du Sud: l’industrie minière appelée au chevet de Transnet

En Afrique du Sud, le renflouement des entreprises publiques sud-africaines à court d'argent ont coûté aux contribuables 456,5 milliards de rands (environ 25,9 milliards de dollars) au cours des dix dernières années. C’est ce qu’a annoncé le Trésor public sud-africain ce mardi 15 octobre. L’entreprise nationale en charge du réseau ferré et portuaire, Transnet, ne fait pas exception. Renflouées à hauteur de 49 milliards de rands par l’État, les industries minières dépendantes du réseau ferré sont également appelées à aider au redressement de l’entreprise publique.

De notre correspondante à Johannesburg,

Au cœur de scandales de corruption depuis plusieurs années, l’entreprise publique, plombée par une dette colossale et des dysfonctionnements, fait face à une déliquescence de ses infrastructures et n’est plus en mesure de pourvoir aux besoins logistiques des industries minières. Pour le secteur minier, les contraintes logistiques sont devenues un cauchemar ces dernières années. Les défaillances du réseau ferré contrôlé par l’entreprise publique Transnet – manque de maintenance, de locomotives et donc de trains –  affectent tous les producteurs.

« Tous nos produits d’exportation  le minerai de fer, le chrome, le charbon  dépendent du réseau ferroviaire. Ses limites se répercutent donc directement sur les revenus de ces entreprises et sur l’économie. Certains calculs évaluent la perte de revenus à 50 milliards de rands par an (plus de 2,5 milliards d’euros) », met en avant Bernard Swanepoel, organisateur de l’Indaba, la conférence minière de Johannesburg.

« Nous devons aller sur le marché et amener le secteur privé à travailler avec nous »

La situation est allée en s’aggravant depuis six ans. Endettée à près de 7 milliards d’euros, la moitié ayant été avalée par la corruption et la mauvaise gouvernance, Transnet peine à sortir la tête de l’eau. Un grand plan de redressement a été lancé à la fin l’année dernière, avec, pour la première fois, une ouverture vers des partenariats public-privé. « Transnet n’a pas d’argent. Et le gouvernement n’a pas d’argent. Donc, il faut bien qu’il vienne de quelque part », résume Michelle Phillips, PDG de Transnet. « C’est pourquoi nous devons aller sur le marché et amener le secteur privé à travailler avec nous, de manière plus formelle et plus structurée. Il y a beaucoup de choses à réparer, nous faisons face à des années de sous-investissement, donc ça va prendre du temps », analyse Michelle Phillips.

Plusieurs dirigeants font désormais partie de comités mis en place par le gouvernement pour trouver des solutions. L’entreprise Kumba Iron Ore, premier producteur de minerai de fer du continent, a dû revoir à la baisse ses objectifs de production jusqu’à 2027, à cause du manque de capacité de Transnet. « Comment restons-nous compétitifs ? C’est par les volumes de production. C’est ce qui fait ou défait votre entreprise. Et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de travailler en partenariat, dans une perspective de collaboration », souligne la directrice générale de Kumba Iron Ore, Mpumi Zikalala. Pour elle, l’essentiel aujourd’hui est d'accélérer le processus de transformation. « Parce que ce qui fait bouger les choses, ce ne sont pas les discussions, mais la vitesse. C’est l’exécution », insiste-t-elle.

Le 1ᵉʳ octobre, Transnet a annoncé sa division en deux entités, l’une dédiée aux infrastructures et l’autre à l’aspect opérationnel. Des réformes dont l’efficacité restera à évaluer au cours des prochaines années.

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En Centrafrique, le retour de la culture du sésame, une production à forte valeur ajoutée
15 October 2024
En Centrafrique, le retour de la culture du sésame, une production à forte valeur ajoutée

En Centrafrique, la culture de sésame a repris à Kaga-Bandoro, une ville au centre du pays. Grâce à l'amélioration des conditions sécuritaires, les acteurs humanitaires se retirent progressivement de la région et orientent les habitants vers les activités de développement à l'exemple de l'agriculture. Les autorités locales notent une augmentation de la production de sésame de 50% chez les producteurs. La ville voit affluer non seulement des demandeurs nationaux, mais également étrangers.

De notre envoyé spécial à Kaga-Bandoro,

Le groupement «Ko Ba sè» – qui signifie « Travaillons pour gagner » en langue locale mandja – possède un champ de 10 hectares à proximité de Kaga-Bandoro. Ici, les paysans labourent avec une charrue dans l’optique de planter du sésame. David, le coordonnateur du groupement, prépare les graines de sésame dans un récipient pour le semis.

« Comme vous pouvez le constater, le sol de la localité est favorable à la culture du sésame. C'est une plante qui se développe rapidement et qui est facile à cultiver », décrit-il.  Cette céréale permet un bénéfice rapide. « Au bout de 3 à 4 mois, nous avons déjà la récolte, contrairement au manioc ou d'autres cultures que l'on récolte après un an », ajoute-t-il. Jusqu'à récemment, la ville était aux mains des groupes armés. Le Bureau des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) soutiennent les groupements agricoles avec des semences de qualité et l’usage de bonnes pratiques.

Le sésame suscite l'intérêt chez les producteurs et les acheteurs

À Kaga-Bandoro, le sésame rapporte plus que les autres produits alimentaires de base. Alors que la cuvette de sésame se vend à 6 000 francs CFA, le prix des cuvettes de manioc, de maïs et d'arachides varie entre 3 000 et 4 000 FCFA. « Chaque année, depuis deux ans, nous exportons entre deux et trois tonnes de sésame dans la sous-région. Le bénéfice annuel de toutes nos ventes nous rapporte environ 10 millions de FCFA, détaille David. Une partie de cet argent nous permet d'acheter d'autres parcelles et des bœufs pour augmenter la productivité. Le reste nous aide à payer le salaire mensuel de nos membres. Maintenant, nous souhaiterions avoir des machines. »

Consommé localement, le sésame part également dans la sous-région. « Chez moi, les gens disent que l'huile de sésame est bien meilleure que l’huile d’arachide. Certains l'utilisent pour l’alimentation et d'autres pour la fabrication de savons », explique Hamza Youssouf. La jeune commerçante soudanaise a parcouru un millier de kilomètres pour se ravitailler à Kaga-Bandoro. « C'est ici que j'en trouve en quantité suffisante », assure-t-elle.

À écouter dans 8 milliards de voisinsCoco, arachide, palme... Mets de l’huile !

Après la ville de Kaga-Bandoro dans la Nana-Gribizi, les préfectures du Mbomou et de Lim Pendé se remettent progressivement à la culture du sésame. À défaut d'un organe qui puisse organiser la production et la commercialisation de cette céréale, chaque groupement ou agriculteur s'active pour écouler ses marchandises dans d'autres préfectures du pays ou dans la sous-région.

À Abidjan, des mouches soldats noires pour valoriser les invendus des marchés
14 October 2024
À Abidjan, des mouches soldats noires pour valoriser les invendus des marchés

La Côte d’Ivoire veut être la championne africaine de l’économie circulaire – le pays d’Afrique de l’Ouest accueille le Forum international EcoCir à Abidjan du 15 au 18 octobre 2024. Objectif entre autres : sensibiliser les acteurs économiques à réinjecter les déchets dans le cycle de production. Exemple avec le district autonome de la capitale économique ivoirienne qui mène un projet avec la société BioAni. Depuis le début de l’année, la start-up agricole commercialise un engrais naturel produit avec des restes de fruits et légumes collectés sur les marchés et l’aide de mouches soldats noires.

De notre correspondant à Abidjan, 

Deux centimètres de long, des ailes toutes noires et un appétit pour les légumes pourris, la mouche soldat noire, c'est « l'architecte de la révolution agricole », selon BioAni. Derrière le slogan, un bâtiment : un ancien élevage de poulets en batterie de la commune d'Abobo (au nord d'Abidjan), transformé en ferme pour ces insectes. Dans le hangar, 300 000 mouches soldats noires bourdonnent et se reproduisent sous quatre moustiquaires. « Nous les appelons des volières », rectifie Fatoumatou Fofana, l'entomologiste de BioAni. « À l'intérieur, il y a des pondoirs au-dessus duquel nous avons placé un "appât" [de déchets verts]. L'objectif, c'est de les faire pondre », explique-t-elle.

Chaque insecte pond de 500 à 600 œufs pendant leurs dix jours de vie. Ces œufs sont ensuite placés dans des bacs, sortes de « couveuses » où ils vont éclore. « C'est un peu notre nursery de larves », s'amuse Fatoumatou.

Jusqu'à deux tonnes de déchets alimentaires collectées chaque jour

La « révolution agricole », ce n'est pas un dîner de gala ; les larves sont chargées de dévorer les fruits et légumes invendus collectés sur les marchés alentours avec l'aide de transporteurs. Des choux, des tomates, ou encore des bananes moisies. C'est jusqu'à deux tonnes de déchets alimentaires qui seront broyées avec des restes de céréales, dans des machines low-tech entièrement conçues et assemblées en Côte d'Ivoire.

Le mélange visqueux, verdâtre et malodorant, est déversé ensuite dans des fosses d'environ trois mètres carrés et trente centimètres de profondeur. Il y en a une quarantaine sous le toit du hangar. Là, les larves arrivées à maturité sont ensuite rajoutées. « Elles vont mettre une semaine pour tout digérer, explique Fatoumatou Fofana. Et ensuite, on va tamiser : les déjections qui servent de fertilisant, et les larves engraissées. »

Du « frass » mais pas de paillettes

Ce sont donc les deux produits phare de BioAni : le « frass », les déjections des asticots qui sert d'engrais naturel. Un sable noir qui ressemble de loin à du café moulu. La ferme le vend à 200 francs CFA le kilo (0,3 euro), conditionné sous forme de sac de 35 kilos. BioAni en commercialise également une version mélangée avec du compost, le « fertifrass » plus facilement manipulable par les agriculteurs.

L'autre produit, ce sont les larves elles-mêmes – des aliments dédiés aux éleveurs de volaille et de porc – mais pas seulement : séchées, et vidées de leur huile, elles peuvent servir aux éleveurs de poissons, et ainsi répondre aux besoins de la filière piscicole ivoirienne, selon BioAni. La société estime que le pays importe près de 730 000 tonnes de poisson, pour 770 millions d'euros au total. Concrètement, une tonne de déchets alimentaires va permettre de produire environ 250 kilos de« frass », et 200 kilos de larves. 

Problème : la société ne parvient pas encore à convaincre les fermiers ivoiriens d'adopter ses produits. « Ils préfèrent les produits chimiques », selon Togba Koné, le responsable commercial de la société. « Les fournisseurs les vendent moins cher par rapport au frass, de plus ces produits sont disponibles un peu partout, souligne-t-il. Il faut convaincre les fermiers d'utiliser le frass, en faisant des essais sur des parcelles tests et en expliquant les bienfaits de l'engrais naturel sur l'agriculture. »

Arthur de Dinechin, le fondateur de la startup, abonde : « Ce que nous vendons est produit localement, avec des déchets alimentaires que l'on peut trouver partout, et en plus, le frass va permettre à terme de régénérer les sols contrairement aux produits chimiques qui sont importés, utilisés de manière intensive et qui aboutissent à un appauvrissement des terres. » Toujours est-il que neuf mois après son lancement commercial, BioAni n'est pas encore rentable.

« Améliorer notre souveraineté alimentaire »

Autre problème : la capacité limitée de BioAni. Pour le moment, la start-up ne peut transformer que deux tonnes de déchets alimentaires par jour, si les machines ne tombent pas en panne. Or, Abidjan à elle seule génère 4 000 tonnes de déchets alimentaires par jour selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Pas de quoi refroidir le district autonome d'Abidjan à l'origine du projet avec son Institut pour l'économie circulaire (Léca). Dans son bureau proche du pont Henri Konan-Bédié, le chargé de suivi du projet, Jean-François Kakou Aka, en rappelle la logique : « Au moment de la pandémie de Covid, nous avons constaté les problèmes d'Abidjan pour s'approvisionner en nourriture – ce projet participe à améliorer notre souveraineté alimentaire. » À cela s'ajoute les objectifs de la région, égrenés par Jean-François Kakou Aka : « Améliorer la propreté et la salubrité, en évacuant les déchets des marchés et en utilisant des produits moins dangereux pour la santé ; promouvoir l'agriculture urbaine ; et aussi créer des emplois pour les jeunes. »

La volonté affichée du district autonome d'Abidjan et de Iéca est de répliquer le projet pilote de BioAni, notamment les unités de transformation des déchets avec les larves, et ce, dans les 13 communes de la capitale économique ivoirienne.

Afrique du Sud: un secteur militaire ambitieux mais à la peine
13 October 2024
Afrique du Sud: un secteur militaire ambitieux mais à la peine

L’Afrique du Sud souhaite rester une force de la paix qui compte sur le continent, et le pays déploie régulièrement ses militaires. Ils sont présents actuellement au sein des missions de la SADC en RDC et au Mozambique. Mais ces déploiements sont critiqués, et les pertes en vies humaines (une dizaine en RDC cette année) sont souvent mises en parallèles avec le manque de moyens de l’armée sud-africaine sur son propre territoire.

De notre correspondante à Johannesburg,

L’Afrique du Sud reste la 3e force militaire du continent, derrière l’Égypte et l’Algérie, selon le classement Global Firepower. Mais des problèmes avec ses équipements ont été mis en lumière lors de son déploiement en RDC, notamment dans le domaine aérien, avec nombre de ses hélicoptères en maintenance. « Pour le moment, nos forces armées sont surtout équipées pour du combat traditionnel », analyse James Kerr, fondateur de la société Orion Consulting.

Il regrette que le pays n’investisse pas dans du matériel à la hauteur de ses ambitions : « Il n’y a pas encore de financement pour les rééquiper entièrement, afin de pouvoir évoluer dans des environnements nécessitant des brigades d’intervention. Le besoin a bien été identifié, mais les financements et les formations ne suivent pas. Il y a donc une forme de déconnexion entre les deux. »

« Notre armée nationale n’a pas les fonds suffisants pour se fournir chez nous »

Pourtant, l'Afrique du Sud a une industrie de l'armement ancienne, qui a débuté il y a 70 ans, et très développée, avec plus de 600 entreprises impliquées dans la fabrication. Mais les grands groupes peinent ensuite à vendre leur matériel à l’armée, alors que le budget national de la défense représente moins de 1% du PIB. « Nous exportons vers tous les continents. Mais notre armée nationale n’a pas les fonds suffisants pour se fournir chez nous, comme il le faudrait. En conséquence, elle n’est pas bien équipée, et notre industrie voit aussi ses capacités décliner », alerte Sandile Nlovu qui est à la tête de la South African Aerospace, Maritime and Defence Industries Association (AMD) qui représente le secteur.

De plus, l’entreprise publique Denel, principal fournisseur de l’armée, a aussi connu des déboires, comme le détaille William Hlakoane, son actuel directeur d’exploitation : « Vous savez que Denel a été frappée par la corruption et la saisie de l’État, et nous avons fait ce qui était possible pour nous remettre sur pied. Nous étions, il y a peu, une entreprise qui était incapable de payer ses employés. En 2022, il y a eu un refinancement du gouvernement de plus de 3 milliards de rands, et en conséquence, en ce qui concerne notre portefeuille de dettes, nous avons réussi à en régler 90 à 95%. »

Enfin, les analystes soulignent aussi que le pays n’a pas les ressources suffisantes pour déployer son armée à la fois à l’extérieur, comme force de maintien de la paix, et à l’intérieur, avec de plus en plus de missions pour combattre la criminalité.

Pour le port de Pointe-Noire, le défi est de desservir la sous-région [2/2]
10 October 2024
Pour le port de Pointe-Noire, le défi est de desservir la sous-région [2/2]

La capitale économique du Congo veut relever un immense défi pour atteindre les villes et zones enclavées d'Afrique centrale qui représente un marché potentiel de 180 millions d'habitants. Il manque encore des infrastructures permettant l'acheminement des produits et matières premières. 

Pour attirer des investisseurs, il faut les séduire avec de gros marchés potentiels. C'est la principale difficulté du port de Pointe-Noire. Il manque encore de routes fiables pour rallier la sous-région. Pour les investisseurs, l'immense marché à atteindre, c'est la République démocratique du Congo. « Le plus grand marché d’attirance pour le port de Pointe-Noire, c’est Kinshasa qui est une ville gigantesque mais enclavée, explique Étienne Giros, président du Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique) qui regroupe les principales entreprises françaises présentes en AfriquePour arriver jusqu’à Kinshasa, les marchandises arrivent à Pointe-Noire, elles sont transbordées sur des bateaux plus petits jusqu’à Matadi et ensuite elles prennent le chemin de fer. C’est une trop grande accumulation de transport et de ralentissement. »

Le retour du pont-route-rail Brazza-Kinshasa

Les solutions que tous les investisseurs appellent de leur vœu : la construction du pont-route-rail entre Brazzaville et Kinshasa – serpent de mer depuis 40 ans – et l'amélioration du CFCO, le chemin de fer entre Pointe-Noire et Brazzaville. Jugé trop lent, et trop souvent interrompu. « Le pont route-rail est plus que jamais d’actualité, assure le directeur du port congolais, Séraphin Balhat. Une réunion des bailleurs de fonds était récemment prévue pour faire démarrer le projet qui est attendu par les deux pays et pour toute la sous-région d’Afrique centrale. La route entre Pointe-Noire et Brazzaville est en bon état. Quant au chemin de fer, moyennant quelques travaux de maintenance et de réhabilitation de points singuliers, il peut recevoir du trafic. »

Un corridor jusqu'à Ndjamena

L'objectif est de rétablir le corridor 13. Près de 3 300 kilomètres pour une liaison directe entre Brazzaville-Bangui et Ndjamena. « Ce corridor, c’est l’histoire ! Quand nous étions enfants à Pointe-Noire, se remémore Séraphin Bahlat. On voyait du coton qui faisait la route de Ndjamena jusqu’à Bangui. Il prenait le fleuve jusqu’à Brazzaville, puis le chemin de fer et arrivait à Pointe-Noire pour embarquer sur les navires qui amenaient ce coton en Europe et vers d’autres continents ». Des travaux sont également en cours près de Ouesso au nord du Congo. Un pont de 616 mètres reliera les deux rives de la Sangha. Désenclaver pour développer les échanges avec la Centrafrique et pour, encore une fois, élargir les marchés. 

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09 October 2024
Congo-Brazzaville: le port de Pointe-Noire se voit en porte océane d'Afrique centrale [1/2]

Des investissements massifs sont réalisés pour de nouveaux quais et de nouvelles zones de stockages dans le port de Pointe-Noire. En 10 ans, ce port, dont les représentants étaient à Paris fin septembre à l’invitation des Rendez-vous d’Afrique(s), a fait un bond. Il traite près d’un 1 million de conteneurs par an, avec une ambition à 2 millions de tonnes d’ici à 2035.

Les Congolais veulent faire du port de Pointe-Noire la porte océane de l’Afrique centrale. Avec des chambres froides, des zones de stockage de minerais, de bois et un oléoduc en projet avec les Russes, Pointe-Noire est en pleine ascension. Il a cependant des concurrents, comme le port en eau profonde de Kribi, au Cameroun, ou celui de Lobito, en Angola. « On veut rester leader », affirme Olivier de Noray, directeur général des ports et terminaux d’Africa Global Logistics (AGL), anciennement Bolloré Africa et désormais filiale de l’armateur MSC, qui exploite le terminal à conteneurs de Pointe-Noire. « On va dépasser le million de conteneurs sur Pointe-Noire pour la troisième année consécutive. On a multiplié par quatre en quinze ans. Pointe-Noire a été le précurseur, aujourd’hui, il est rejoint par plusieurs autres ports qui tentent aussi de se positionner sur ce créneau. Notre rôle, ainsi que celui des autorités congolaises, c’est d’anticiper et d’avoir une capacité qui nous permette de répondre au marché pour les 20 ans à venir », juge-t-il.

Accueil des gros porte-conteneurs asiatiques

AGL a investi 400 millions d’euros dans l’extension de son terminal, le projet Môle Est prévoit 750 mètres de quai et jusqu’à 17 mètres de profondeur permettant ainsi de recevoir des bateaux de plus grande capacité. « Cette extension va surtout permettre de recevoir les plus gros bateaux qui arrivent d’Asie. Les infrastructures sur le continent africain se sont bien développées ces dernières années, poursuit Olivier de Noray, en revanche, les volumes sont encore un peu en retrait. Nous pensons que l’économie africaine va continuer à croître. Les infrastructures doivent suivre. »

Le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe prévoit en 2025 d’investir 600 millions de dollars dans l’exploitation de phosphate. Le groupe nigérian Dangote investit également dans le port pour exporter du calcaire dans ses cimenteries.

Intensifier le trafic de minerais

Pour le directeur général du port, Séraphin Bahlat, il était urgent de décongestionner et de développer le trafic de vrac. « Pendant que se développait le trafic conteneur, nous avons constaté que, au niveau du reste du trafic, il y avait encore des faiblesses, explique-t-il, les navires qui venaient avec du vrac pouvaient rester en rade pendant une ou deux semaines en attendant qu’ils aient un poste à quai disponible. Le gouvernement nous demande également de créer les conditions pour l’exportation de minerais qui s’annonce, comme le fer. »

Une fois au port, comment acheminer tous ces produits vers la sous-région ? L’ambition de relancer le corridor 13 reliant Pointe-Noire à Bangui et même au Tchad n’est pas encore une réalité.

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