En Afrique du Sud, la SABC, principal média public, peine à trouver un système économique viable. Le projet de loi censé redresser son économie a été retiré par le ministre des Communications. Pour certains, cette décision est raisonnable, car le projet de loi n’était pas assez clair sur le plan des finances. Pour d'autres, c’est une décision absurde qui menace l'existence même de la chaîne.
La SABC est « une bombe à retardement » titre le journal sud-africain Business & Technologie. L’article revient sur les pertes spectaculaires du média public : plusieurs dizaines de millions d’euros en deux ans. Le projet de loi aurait-il pu répondre à cette profonde crise financière ? Non, répond le ministre des Communications, Solly Malatsi. « Il est clair que le projet de loi n’est pas à la hauteur de l’urgence, car il prévoit un objectif de trois ans pour trouver une solution de financement et laisse donc la SABC dans une situation financière précaire. »
Transition digitale manquéeSurtout, dans le camp des « contre » ce projet de loi, on regrettait que le texte ne mentionne pas les nouvelles habitudes de consommation de l’information. Notamment en ligne, via nos smartphones. La SABC ne peut plus, par exemple, compter sur la licence TV, payée par chaque foyer qui possède une télé, comme principale source de revenus. « Maintenant, les gens vont sur YouTube ou TikTok. La SABC doit s'adapter à ça, en étant moderne, et non pas bloquée dans une vision un peu traditionnelle et à l’ancienne, assure Uyanda Siyotula, coordinatrice nationale de SOS Coalition, un organisme de défense des médias publics qui a milité pour le retrait de cette loi. Le problème, c’est que cette transition digitale, ce n’est que 3 % du budget annuel de la SABC, il faudrait que le gouvernement consacre au moins la moitié du budget dans cette transition. »
Les craintes des journalistesMais selon Aubrey Tshabalala, secrétaire général de l'Union des travailleurs de la SABC, le retrait de cette loi a des conséquences directes sur les employés : « Les journalistes vont sur les terrains les plus dangereux. Les services de production travaillent très dur. Et tous ces gens ne devraient pas souffrir des mauvaises décisions politiques. C'est comme si on devait se jeter dans le vide sans parachute. Le retrait de cette loi, c'est une perte de temps, et c'est dangereux. Parce qu’on doit recommencer tout le processus parlementaire. Si les choses continuent comme ça, un jour la SABC va vraiment finir par s’effondrer. »
Le financement de la SABC est un nouveau point de divergence dans ce gouvernement d’union nationale en place en Afrique du Sud. Les désaccords politiques entre partis pourraient bien avoir de lourdes conséquences sur la santé financière déjà très fragile du média public.