Lundi 27 février, la Maison Blanche a annoncé le gel de son aide publique américaine. Les Américains sont les plus gros contributeurs avec 40 milliards de dollars gérés par l’Agence américaine pour le développement (USAID), près de 70 milliards de dollars d’aide extérieure. Après l’Ukraine, le continent africain est le premier bénéficiaire de ces aides. Les pays anglophones sont les premiers récipiendaires (Éthiopie, Somalie, Nigeria…) mais les pays francophones pâtissent également de ce gel.
La République démocratique du Congo est le premier pays francophone bénéficiaire de l’aide extérieur américaine. Ceci avec une aide avoisinant le milliard de dollars dont plus de la moitié est consacrée à l’aide humanitaire. Un soutien essentiel dans le contexte actuel, « surtout dans l'est du pays, avec cette catastrophe humanitaire que le pays traverse dans l'est du pays avec les réfugiés, ce sera très important. Le pays en aura absolument besoin », estime Jacques Mukena, spécialiste gouvernance et économie à l’Institut congolais Ebuteli.
Si l’incertitude règne, pour le chercheur, les États-Unis pourraient négocier le maintien de ces aides. « Il y aura peut-être une obligation pour le pays de s'aligner un peu sur les intérêts stratégiques des États-Unis, projette-t-il. Ils pourraient exiger une réduction de l'influence chinoise, notamment sur le contrôle des minerais stratégiques comme le cobalt et le coltan. Les États-Unis pourraient demander à la RDC de tenter de réduire cette influence chinoise. »
Sur le continent, les États de l’Alliance des États du Sahel (AES) – à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso – profitent également de l’aide américaine. 720 millions de dollars répartis entre les pays de l’alliance. Une somme moindre que d’autres États, mais stratégique. « C'est un gros coup dur, mais aussi un gros manque à gagner », analyse Ibrahim Adamou Louché, économiste indépendant nigérien. Ces pays rencontrent actuellement des difficultés à mobiliser des financements. Les financements internationaux se sont taris en raison des sanctions économiques et financières qui leur ont été infligées quelques mois auparavant. À cela s'ajoute des difficultés aussi à mobiliser des ressources internes, particulièrement les impôts en raison du contexte économique local qui est exsangue. Le fait qu’ils se voient priver de ces financements risque de compromettre de nombreux projets de développement. »
Dans des États qui priorisent particulièrement les budgets de défense, l’aide américaine se tourne vers des secteurs moins dotés comme la santé ou l’agriculture. Ibrahim Adamou Louché prend l’exemple du Millennium challenge au Niger qui met l'accent sur le domaine agricole et qui accompagne le pays « pour exploiter son potentiel agricole grâce à la construction d'infrastructures d'adduction d'eau et pour favoriser par ricochet l'agriculture de contre saison ». C'est donc la pérennité des réalisations qui risquent d'être impactées et à la clé « des impacts sur la population qui sont censés sortir d'une certaine manière de la pauvreté ».
En plus de ce gel, se pose la question du futur de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Cet accord commercial qui permet à certains produits africains de rentrer sur le marché américain sans frais de douane, expire en septembre 2025.
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