En Tunisie, près de 6 000 jeunes médecins ont déserté les hôpitaux tunisiens ce mardi 1ᵉʳ juillet, lors d'une journée de boycott organisée après l’échec des discussions avec le ministère de la Santé sur leurs revendications. Mauvaises conditions de travail, gardes à peine rémunérées... Les jeunes médecins dénoncent la précarité de leur situation.
De notre correspondante à Tunis,
Selma Dhokkar, l'une des porte-parole de l'organisation tunisienne des jeunes médecins, est en vacances universitaires, mais elle coordonne avec ses collègues les prochaines actions à mener pour leur mobilisation. « On a mené un mouvement qui a débuté il y a trois mois, un mouvement dont les revendications sont principalement académiques, financières et sociales », explique-t-elle.
Les jeunes médecins réclament une grille d'évaluation claire pour les stages des jeunes médecins afin d'éviter les abus de leurs supérieurs, mais aussi le respect de la loi sur l'exemption pour certains médecins qui doivent faire une année civique dans un désert médical. « Il y a des femmes médecins enceintes, mutées au milieu de nulle part dans le Sud tunisien et des couples mariés qui travaillent à des kilomètres l’un de l’autre », témoigne Mohamed Ghali, jeune médecin basé à Sousse, à une centaine de kilomètres de Tunis.
« Une heure de garde rapporte un dinar »Si le ministère de la Santé a accepté d'augmenter les salaires pendant cette année civique, la question de l'exemption est toujours en suspens et les autres revendications financières n'ont pas été entendues, selon Selma Dhokkar. « Une heure de garde rapporte un dinar, donc c'est très dérisoire et très irrespectueux par rapport aux sacrifices et aux efforts des jeunes médecins », témoigne-t-elle.
Jusqu'à présent, malgré cinq jours de grève consécutifs en juin et le boycott de leurs stages, les médecins ont obtenu peu de réponses des autorités. Pour Selma Dhokkar, les autorités traitent les jeunes médecins « comme si [ils] ne savaient rien, comme s’il ne fallait pas faire de revendications sur ce problème-là vu l'état du pays et vu l'état de la santé publique ».
Fossé générationnelCette mobilisation n'est pas la première dans le secteur de la santé, qui s'est dégradé en Tunisie depuis la révolution. Elle marque aussi un fossé générationnel. « Il y a toujours ce ton paternaliste de l'ancienne génération des médecins ou des administrateurs qui sont plus âgés et qui ont toujours été habitués à ne pas entendre ou croire ou discuter avec ces jeunes, observe Aymen Bettaieb, ancien vice-président de l'organisation des jeunes médecins. Et donc ça bloque à chaque fois. »
Ce blocage pousse de nombreux jeunes diplômés à partir. Chaque année, entre 1300 et 1 500 médecins quittent le pays pour exercer à l'étranger. Sur la dernière promotion de 1900 médecins diplômés, seulement 300 sont restés en Tunisie.
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