Au Sénégal, la pomme de terre de Kayar se vend mal, les producteurs dépités
21 May 2025

Au Sénégal, la pomme de terre de Kayar se vend mal, les producteurs dépités

Afrique économie

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Au Sénégal, les producteurs de Kayar, dans le nord-ouest, ont à eux seuls récolté plus de 21 000 tonnes de pommes de terre lors de la dernière récolte, mais ils font face à un problème de commercialisation. En cause : l’encombrement du marché par les multinationales et leur production intensive, mais aussi une politique gouvernementale qu'ils jugent peu anticipatrice.

Assis à l’ombre d’un arbre dans son champ, le regard inquiet, Moussa Thioune se demande comment il va pouvoir vendre sa production. Il a entamé une deuxième culture de contre-saison, mais les tonnes de pommes de terre issues de sa première récolte sont toujours invendues. « J’ai utilisé plus de six tonnes de semences et produit plus de 50 tonnes de pommes de terre. J’ai récolté il y a deux mois, mais jusqu’à présent, je n’ai pas réussi à vendre un seul tubercule », se lamente-t-il.

« Je n’ai pas vendu un seul tubercule »

Autour de lui, des tas de pommes de terre recouverts d’herbes sèches sont disséminés dans le champ. Une protection de fortune contre le soleil… et les voleurs. Mais pour combien de temps encore ? Sans solution de commercialisation, le producteur envisage de vendre à perte, faute de mieux. « Mon souhait est de pouvoir vendre pour subvenir aux besoins de ma famille. Mais en ce moment, je ne peux rien faire. Je prie pour qu’un bon acheteur vienne. Le prix du kilo est de 140 FCFA sur le marché, alors que le coût de production s’élève à 200 FCFA. »

Pour la campagne agricole 2024-2025, l’État sénégalais avait misé sur un soutien fort : semences subventionnées, engrais horticoles à prix réduits… De quoi motiver de nombreux maraîchers à se lancer ou à étendre leurs surfaces cultivées.

Des mesures incitatives, mais mal coordonnées

Mohamed Bachir Niang, producteur et membre du bureau de l’Association des producteurs maraîchers de Kayar, confirme l’engouement suscité par ces mesures. Lui a pu vendre une partie de sa récolte, mais n’a toujours pas récupéré l’argent.

« Les années passées, on vendait au bout de 10 à 15 ours, un mois tout au plus. Mais cette année, cela fait plus de deux mois que ça dure. Le nouveau pouvoir a suscité beaucoup d’espoir dans la filière horticole. Même ceux qui ne cultivaient pas de pommes de terre s’y sont mis. Mais l’État n’a pas anticipé cette surproduction. »

Ce paradoxe pourrait s’aggraver : d’ici trois mois, la pomme de terre pourrait venir à manquer sur les marchés. Les producteurs ne peuvent pas stocker indéfiniment, faute de structures de conservation suffisantes ou abordables.

La plupart placent leurs derniers espoirs dans la fête de la Tabaski, qui approche. Cette période de forte consommation pourrait peut-être permettre d’écouler les stocks… avant qu’ils ne pourrissent complètement.