Au Ghana, la culture du niébé génétiquement modifié divise le monde agricole
03 June 2025

Au Ghana, la culture du niébé génétiquement modifié divise le monde agricole

Afrique économie

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Depuis près d’un an, les paysans du nord du Ghana peuvent cultiver et commercialiser un niébé génétiquement modifié, conçu localement. Mais cette évolution n’est pas perçue d’un bon œil par l’ensemble de la communauté agricole ghanéenne. Certains fermiers craignent notamment d’être dépossédés de leur organisation traditionnelle.

De notre correspondant à Accra,

Plus de résistance face aux ravageurs de cultures, moins de pesticides, un rendement jusqu’à quatre fois supérieure à sa variété traditionnelle : voici les promesses du Niébé Bt, cette légumineuse génétiquement modifiée, commercialisée depuis juillet 2024 au Ghana. Jerry Nboyine est l’un des chercheurs ghanéens qui ont conçu cette variété : « C’est le fruit d’un travail collaboratif avec le Burkina Faso et le Nigeria. Nous avons négocié ensemble auprès de Bayer-Monsanto pour avoir accès au gène avec lequel nous avons développé le niébé. »

Selon le chercheur, les premières récoltes en octobre 2024 ont été un réel succès, malgré une sécheresse intense, provoquant de nombreuses pertes chez les fermiers ayant planté le niébé traditionnel. Mais, au-delà du rendement, Jerry Nboyine espère surtout préserver la santé des agriculteurs. « Les fermiers ne souffriront plus de l’empoisonnement lié à l’usage de pesticides. Même chose du côté du consommateur : l’empoisonnement dû aux insecticides présents sur le niébé que l’on a acheté appartiendra au passé », estime-t-il.

Inquiétudes et réglementation

D’autres acteurs de l’agriculture ghanéenne craignent au contraire que ces nouvelles variétés provoquent une multiplication du risque sanitaire. Parmi eux se trouve l’association des fermiers paysans du Ghana, forte de plus d’un million de membres à travers le pays. Awal Wepia en est le président. Il craint également une dépossession de la production au profit de multinationales du génie génétique. « Cela risque de détruire notre système traditionnel de distributions de graines. Nous avons des producteurs de graines, si on introduit les cultures OGM, bien entendu que cela va supprimer leur travail, met-il en avant. Les vrais problèmes à régler sont l’irrigation, la valeur ajoutée des cultures, la mécanisation et le marketing. » Réunies en coalition, les anti-OGM ont saisi la justice ghanéenne à deux reprises, sans succès.

Les tribunaux ont néanmoins insisté sur la nécessité de respecter le droit en vigueur, par un corps législatif complet. « Nous avons la loi de biosécurité, également la réglementation sur la biosécurité, qui prévoit les lignes directrices sur ce que l’on peut cultiver. Nous sommes aussi signataires de nombreux protocoles internationaux en vigueur dans le monde entier », détaille Samuel Amofa, chargé de communication à l’autorité nationale de biosécurité, la NBA. À ce jour, le Ghana a autorisé la commercialisation de 14 autres cultures OGM de maïs et de soja.

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