À Istanbul, le commerce à la valise vers l'Afrique en perte de vitesse
29 July 2025

À Istanbul, le commerce à la valise vers l'Afrique en perte de vitesse

Afrique économie

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Le quartier de Laleli, à Istanbul, centre névralgique du commerce à la valise vers l’Afrique, traverse une crise. Inflation, contrôles policiers et concurrence étrangère freinent les échanges.

De notre correspondante à Istanbul,

Dans les rues pentues de Laleli, à Istanbul, les allées et venues des transporteurs rythment la vie du quartier. Sur leurs diables métalliques, ils déplacent des colis d’un magasin à une entreprise de logistique, appelées « kargo », spécialisées dans l’envoi de marchandises vers l’étranger, notamment vers l’Afrique.

Parmi les figures de ce commerce, Serigne Seck. Ce Sénégalais installé en Turquie depuis une quinzaine d’années dirige un « kargo » qui expédie vers le continent africain des textiles, des meubles ou encore des matériaux de construction, en grande majorité fabriqués localement.

Il explique les atouts de ce marché turc : « La majeure partie des personnes qui viennent faire des achats sont satisfaites. Par rapport à la qualité, c’est vraiment une bonne qualité. Les sociétés avec qui on travaille, les fournisseurs qui nous fournissent les bagages, etc. Il y a une confiance entre nous et eux qui nous permet d’assurer les clients qui sont de l’autre côté. » Ce système a notamment prospéré après le Covid, quand la Chine s’est partiellement retirée du marché. Mais l’activité de Serigne ralentit nettement.

Une chute des volumes, des coûts qui explosent

Un étage plus bas, Mehmet Eren observe la même tendance. Ce responsable d’un autre « kargo » voit chaque année son volume d’envois divisé par deux. Il décrit l’ampleur du recul : « En 2023, j’envoyais 10 tonnes par semaine. Un an plus tard, c’est passé à six tonnes. Encore un an plus tard, c’était 3,5 tonnes. Cette année, c’est presque deux tonnes. Pendant que nos revenus diminuent de moitié, nos coûts doublent. C’est à cause de l’inflation, des taux d’intérêt, de la bureaucratie, de la Chine, des guerres. Ce n’est pas un seul problème. »

Les difficultés s’étendent à tout le quartier. Les commerçants peinent à rester compétitifs. Giyasettin Eyyüpkoca, président de Lasiad – une association d’entrepreneurs de Laleli dans le textile – explique les causes multiples : « À cause de toutes ces raisons, l’inflation, le salaire minimum, les coûts de l’énergie à l’intérieur du pays, vous vous retrouvez inévitablement un cran ou deux au-dessus, en termes de prix, par rapport aux pays que vous considérez comme concurrents. Dans ces conditions, alors que les habitudes de consommation des gens ont déjà changé, qu’ils sont déjà touchés par la crise économique, si en plus vos prix leur paraissent élevés, vous reculez inévitablement encore plus. »

Enfin, un autre facteur vient fragiliser les liens commerciaux avec l’Afrique. Hors micro, une Tchadienne responsable d’un « kargo » confie subir une intensification des contrôles policiers et des arrestations. La Turquie a durci sa politique migratoire, une évolution qui, selon elle, contribue aussi au recul des échanges.

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