C’était le 17 janvier 1961, rappelle Le Monde Afrique, « Patrice Lumumba, devenu Premier ministre l’année précédente après la proclamation de l’indépendance du Congo, était fusillé au Katanga par des séparatistes katangais et des policiers, en présence d’officiels de l’armée belge. Il avait 35 ans. Quelques semaines après son entrée en fonction sous la présidence de Joseph Kasa-Vubu, il avait été victime d’un coup d’État fomenté par Joseph-Désiré Mobutu, qui allait devenir président du Congo de 1965 à 1997 ».
64 ans après, donc, pointe Le Monde Afrique, « c’est l’une des figures majeures du monde des affaires et du gotha belges qui est mise en cause pour sa possible participation à cet épisode tragique de la décolonisation du Congo. Le comte Etienne Davignon, 92 ans, pourrait être renvoyé devant un tribunal correctionnel si la chambre du conseil de Bruxelles suit, en janvier 2026, les réquisitions rendues publiques avant-hier par le parquet fédéral. Celui-ci considère que l’ex-diplomate pourrait être impliqué dans la mort de l’ancien premier chef de gouvernement du Congo, en 1961. Le ministère public demande son renvoi pour “détention et transfert illicite“ de Patrice Lumumba au moment où il avait été fait prisonnier, et pour “traitements humiliants et dégradants“. L’incrimination d’“intention de tuer“ n’a, en revanche, pas été retenue ».
Le dernier témoin ou acteur ?« Étienne Davignon, précise Jeune Afrique, ancien diplomate, ministre d’État, homme d’affaires et vice-président de la Commission européenne est la seule personnalité encore en vie, parmi les dix visées par la plainte initiale. Âgé de 28 ans au moment de l’assassinat de Lumumba, Davignon était à l’époque diplomate stagiaire, envoyé dans la zone congolaise par le ministère belge des Affaires étrangères. Au cours des différentes auditions, il a toujours réfuté la thèse selon laquelle les autorités belges auraient été impliquées dans l’assassinat de Lumumba ».
Pourtant, rappelle Jeune Afrique, « une commission d’enquête parlementaire belge avait conclu en 2001 que “certains membres du gouvernement belge et d’autres acteurs belges avaient une responsabilité morale dans les circonstances ayant mené à la mort“ du héros congolais ».
Et pour sa part, pointe Le Monde Afrique, « le Premier ministre belge en 2022, Alexander De Croo avait fait sienne l’idée de la “responsabilité morale“ de dirigeants belges et avait présenté des “excuses“ au nom de son pays. Il avait dénoncé ceux qui avaient préféré “ne pas voir, ne pas agir“ ».
Briser les silences ?Alors va-t-on « vers un procès public en Belgique ? », s’interroge Actualité CD à Kinshasa. Peut-être… On le saura en janvier prochain si la justice belge suit les réquisitions du parquet fédéral. En attendant, relève le site d’information congolais, « la famille de Patrice Lumumba a salué la demande de renvoi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles d’Étienne Davignon. (…) “Il s’agit d’un moment historique“, affirment ses proches. Pour la première fois, en effet, pointe Actualité CD, des faits liés à l’assassinat d’un dirigeant africain par une ancienne puissance coloniale pourraient être examinés publiquement devant une juridiction répressive. La famille espère que ce procès permettra de “briser les silences“, d’identifier les responsabilités et de susciter un débat public sur la mort de Lumumba, mais aussi sur les séquelles du passé colonial. Elle affirme ne rechercher ni compensation financière, ni revanche, mais seulement la vérité et la justice ».
Des réponses ?« 64 ans après, un petit pas vers la justice historique », s’exclame Aujourd’hui à Ouagadougou. « Un survivant va peut-être être jugé pour cette disparition. Etienne Davignon confirmera-t-il que Patrice Lumumba a été exfiltré vers le Katanga où il a été fusillé avant que son corps ne soit dissous dans de l’acide ? Des sicaires de l’armée zaïroise, la sûreté belge, la CIA et l’incontournable Jacques Foccart (le monsieur France-Afrique) sont-ils vraiment mêlés à cet assassinat ? Nonagénaire, donc avec une mémoire forcément défaillante, Etienne Davignon se remémore-t-il vraiment ce qui s’est passé, s’interroge encore Aujourd’hui, si tant est qu’il soit mêlé à cette sordide affaire d’État ? » Réponse peut-être dans quelques mois…