« Mercredi noir : 9 morts et 400 blessés lors de manifestations dans 27 comtés », c’est le grand titre du Daily Nation à Nairobi. « Défiance, chaos et chagrin », soupire encore le journal.
« Les jeunes sont venus commémorer la mémoire des héros tombés au combat (il y a un an), mais ils ont été accueillis par la violence », déplore pour sa part le Standard, autre quotidien kenyan. Pourtant, poursuit-il, « la protestation est l’un des derniers outils de responsabilisation en cas de défaillance des institutions. (…) La solution ne consiste pas à criminaliser les manifestations menées par les jeunes, mais à réagir à leur contenu. Cela exige une écoute de la part des détenteurs du pouvoir. »
Il faut savoir que « le Kenya est un pays jeune, précise encore le Standard : les trois quarts de sa population ont moins de 35 ans. On pourrait penser que la jeunesse serait une priorité centrale des budgets et des plans gouvernementaux, mais ce n’est pas le cas. »
Le ras-le-bol de la jeunesseQue s’est-il passé hier dans le pays ? « La jeunesse kényane était (donc) dans la rue, rapporte Le Monde Afrique. Nombreuse et bruyante, un an, jour pour jour, après la gigantesque manifestation au cours de laquelle des protestataires avaient envahi le Parlement pour s’opposer à la loi de finances prévoyant de sévères hausses de prix et d’impôts. Le mouvement de 2024 s’était soldé par une soixantaine de morts et environ 80 disparus, possiblement enlevés par la police, selon des organisations de défense de droits de l’homme. »
Les manifestations d’hier étaient donc organisées en mémoire des victimes de l’année dernière. Mais elles ont rapidement pris une tournure politique, pointe encore Le Monde Afrique : « malgré les appels à une marche pacifique, de nombreux manifestants sont venus pour réclamer le départ du pouvoir de William Ruto, le président kényan. » En effet, « la contestation sociale et la colère n’ont fait qu’enfler dans le pays au cours de l’année écoulée. En 2024, les manifestants reprochaient au pouvoir les trop nombreuses hausses de prix : de l’essence, du pain, des serviettes hygiéniques… Un an plus tard, les mêmes accusent désormais le président kényan de dérive autoritaire et de confisquer la démocratie. »
Promesses non-tenues…« Dans les cortèges, les revendications vont au-delà de la mémoire, renchérit Afrik.com. Elles portent aussi la désillusion d’une jeunesse diplômée mais sans emploi, dans un pays miné par la corruption et les promesses non tenues. (…) Les mots “Ruto must go“ (Ruto doit partir) résonnent comme un cri collectif contre un Président dont la popularité s’est effondrée. Élu en 2022 avec des promesses d’inclusion et d’emplois pour la jeunesse, William Ruto fait désormais face à un profond rejet, relève encore Afrik.com. S’il a évité toute hausse directe d’impôts dans le budget 2025, beaucoup y voient une mesure cosmétique. Les causes profondes du malaise – chômage massif, violences policières, impunité – demeurent intactes. »
Justice !Enfin, on revient au quotidien kenyan Daily Nation qui lance cette supplique en direction de William Ruto : « Monsieur le Président, mettez fin à cette anarchie ! (…) La colère, la frustration et la déception règnent dans tout le pays, car nos dirigeants ont renié leurs promesses de campagne visant à améliorer le bien-être de la population. »
Certes, pointe le journal, « les manifestations doivent être pacifiques, mais la police ne doit pas non plus utiliser une force excessive contre les citoyens qui exercent leur droit constitutionnel. (…) La justice doit être rendue, mais ce même droit s’applique aux familles des manifestants qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés l’année dernière. »
Le Daily Nation proteste également contre la censure exercée par les autorités : « le gouvernement a interdit la couverture télévisée et radiophonique des manifestations et des émeutes à travers le pays. Cette interdiction constitue une violation flagrante du droit fondamental du peuple à un libre accès à l’information. La liberté de la presse est la pierre angulaire de la société libre et démocratique que ce pays a toujours défendue. »